Si le résultat de François Bayrou à l’élection présidentielle était loin d’être acquis, il s’avère cependant fragile, et l’avenir de son projet politique est loin d’être assuré. En ne donnant pas de consigne de vote pour le second tour - mais en indiquant que lui-même ne voterait pas pour Sarkozy -, il a tenté de rebondir, notamment en annonçant la création d’un nouveau parti, le Mouvement démocrate.
Mais, victimes consentantes du chantage de l’équipe Sarkozy, au bout de quelques jours, la très grande majorité des députés UDF, y compris certains membres de la garde rapprochée de Bayrou, se sont ralliés à Nicolas Sarkozy. Élus en 2002 dans le cadre d’alliances avec l’UMP, ils comptent bien l’être à nouveau, en 2007, dans la même configuration, et ils sont donc prêts à donner tous les gages nécessaires à l’UMP. Pas question pour eux de sacrifier leur place et d’attendre la nouvelle tentative présidentielle de Bayrou en 2012 : dans ces cercles de notables, les convictions ne sauraient l’emporter très longtemps sur le confort qu’assure la présence dans les institutions !
La redistribution des suffrages de François Bayrou en faveur des deux finalistes est en net décalage par rapport à ces plans de carrière prudents : en fait, selon les études réalisées par différents instituts, l’électorat de Bayrou s’est partagé équitablement (40 % pour Sarkozy, 40 % pour Royal et 20 % d’abstentions). Ceci peut s’analyser comme le fait qu’une partie de cet électorat, convaincu que Bayrou était le « meilleur candidat contre Sarkozy », venait en fait de la gauche et y est retourné au deuxième tour, alors que l’électorat traditionnel UDF s’est porté assez naturellement sur Sarkozy.
N’oublions pas que l’opposition frontale de Bayrou contre Sarkozy est relativement récente - moins d’un an, en fait -, et que ses motivations proclamées furent parfois de critiquer le manque d’audace du gouvernement Villepin en matière de réformes libérales. La question qui est maintenant posée, et qui va s’avérer déterminante pour les élections législatives, est de savoir quelle est la consistance politique - et numérique - du secteur de l’UDF s’étant effectivement identifié à la tentative revendiquée par Bayrou de faire exploser le bipartisme et l’alternance UMP/PS, et ce que représentent ceux qui l’ont rejoint au cours de la campagne parce qu’ils adhéraient à ce projet.
François Bayrou est obligé maintenant de jouer son va-tout, avec le risque de perdre aux législatives ses gains de la présidentielle, Sarkozy étant peu enclin à lui faire le moindre cadeau. Dimanche 6 mai au soir, la déclaration de François Bayrou est demeurée fort prudente, se contentant d’appeler à un rééquilibrage des pouvoirs car « tout pouvoir doit avoir son contre-pouvoir ». De même, côté PS, la poursuite probable de l’ouverture au centre imposée par Ségolène Royal se fera sur fond de lutte au couteau pour le leadership de l’opposition. Pour Bayrou, la voie est étroite.