À l’heure de la rentrée des classes, de nouvelles têtes font leur apparition dans la course des variants du Covid-19, alors même que Delta a dominé la pandémie tout l’été. En quelques jours, l’attention s’est portée notamment sur deux variants, C.1.2, découvert en Afrique du Sud, et B.1.621, baptisé “Mu” par l’OMS qui l’a ajouté à sa liste des variants d’intérêt, sous surveillance accrue.
Depuis que Delta a été reconnu comme variant préoccupant, 8 autres ont été rajoutés à la liste, à tel point que l’Organisation mondiale de la santé prépare déjà l’après Omega. Quand l’alphabet grec aura été rempli, les variants devraient recevoir le nom de constellations.
Les conditions sont dures pour recevoir une lettre grecque : il faut que l’ensemble de mutations sur cette version du coronavirus soit suspecté d’augmenter la contagiosité, de réduire l’efficacité de l’immunité ou encore d’aggraver la sévérité de la maladie. Mais il faut aussi que la transmission de ce variant soit visible dans plusieurs pays. C.1.2 par exemple, qui possède des mutations inquiétantes, n’a toujours pas reçu de lettre grecque, car il est encore très peu fréquent.
La suprématie de Delta
Mais si tous ces nouveaux variants sont surveillés avec attention, aucun ne semble capable pour le moment de remettre en cause la suprématie du variant Delta. Il représente aujourd’hui plus de 93% des cas de Covid-19 dans le monde. En France, le chiffre monte à 98%, alors que Delta y était invisible il y a quatre mois.
À tel point qu’il éclipse petit à petit les précédents variants plus contagieux que la souche originelle du coronavirus, Alpha, Beta et Gamma. Et la même chose semble en train de se produire avec Mu et C.1.2, comme le rappellent plusieurs chercheurs.
De mars à mi-juillet, le variant Mu se répandait petit à petit, jusqu’à représenter 0,6% des génomes séquencés dans le monde. Mais depuis, il est en chute libre, rappelle le généticien Eric Topol.
Pourquoi ? Le graphique ci-dessous, réalisé par le professeur de biostatistique Tom Wenseleers, l’explique bien. Mu a été découvert en Colombie, où il s’est imposé doucement, depuis le début de l’année, jusqu’à représenter 75% des génomes de coronavirus séquencés dans le pays (c’est la courbe rouge). Et puis Delta, en violet, est arrivé.
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Eric Topol
@EricTopol
1 sept.
Mu (B.1.621), the recent @WHO
designated variant of interest, doesn’t look like it has any chance to compete with Delta
http://outbreak.info
Eric Topol
@EricTopol
1 sept.
Mu (B.1.621), the recent @WHO
designated variant of interest, doesn’t look like it has any chance to compete with Delta
http://outbreak.info
Dans une autre analyse aux États-Unis réalisée par l’équipe du généticien Alexandre Bolze, le même scénario s’est produit : le variant Mu a commencé à s’imposer avant de s’effondrer face à Delta.
Et la même chose est en train d’arriver à C.1.2, un variant plus récent découvert en Afrique du Sud.
Tom Wenseleers
@TWenseleers
En réponse à @TWenseleers
Same for South African C.1.2 strain. High evolutionary divergence, but based on the South African GISAID data it currently has a 2% per day growth rate disadvantage relative to Delta (Y axis shown on logit scale). Hence, little to worry about.
Prof Francois Balloux
@BallouxFrancois
30 août
This thread is ridiculous even for Eric Feigl-Ding’s standards. There have been 101 C.1.2 strains detected globally to date (89 in South Africa). It shows no evidence of increasing in frequency, and it may be extinct by now.
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Surveiller la naissance d’un nouveau monstre
Cela ne veut pas dire que l’OMS s’affole pour rien et que ces variants ne sont pas si dangereux. Ils le sont probablement plus que la souche originelle du coronavirus. C’est simplement que Delta est beaucoup plus efficace pour nous contaminer que tous les autres variants connus.
On sait par exemple que Delta produit environ 1000 fois plus de virus dans les voies respiratoires que la souche originelle, selon une récente étude réalisée en Chine. Les personnes infectées sont plus contaminantes et le sont plus tôt.
Cet avantage est dû à un ensemble de mutations, dont une particulière, peu analysée par le passé : P681R. Elle permettrait au virus de se multiplier bien plus rapidement dans notre organisme, rappelleNature. Ce qui a surpris les chercheurs, c’est que cette mutation ne faisait pas partie de celles surveillées, car présentes sur les variants Alpha, Beta et Gamma.
Pour autant, P681R ne peut pas tout expliquer. Kappa, un cousin de Delta qui porte cette fameuse mutation, fut le variant dominant au début de la vague d’avril en Inde. Mais il a très vite été remplacé par Delta et n’a jamais réussi à s’imposer véritablement ailleurs. Dans un article prépublié mi-août, des chercheurs ont d’ailleurs montré que Kappa est bien moins efficace que Delta pour infecter les cellules, alors même qu’il possède P681R.
Si certaines mutations clés ouvrent la voie à des coronavirus plus efficaces et plus dangereux, elles ne se suffisent pas à elles-mêmes. C’est un ensemble, encore mal connu, de changements qui permettent ou non à un variant de surpasser ses cousins.
Et c’est pour cela qu’il est important de surveiller les nouveaux variants, même s’ils ne s’imposent pas face à Delta. Il n’est pas impossible par exemple qu’un variant comme Mu, après quelques nouvelles mutations, donne par hasard naissance à un nouveau variant bien plus dangereux, qui pourrait lui remplacer Delta.
Grégory Rozières