Malgré les dividendes engrangés depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, grâce à sa politique de relance de l’Opep et au boom des prix du pétrole, le Venezuela, pays possédant les plus grandes réserves pétrolières prouvées de la planète, n’a pas encore trouvé la voie d’un développement harmonieux permettant de sortir l’ensemble de la population de la pauvreté. Les missions sociales, financées grâce à la rente pétrolière, ont permis que tous les Vénézuéliens soient suivis gratuitement par un médecin, que la moitié de la population reprenne des études, que des milliers de coopératives voient le jour... Mais cela n’a pas réduit l’immense part de la population qui travaille encore dans le secteur informel (50 % environ), et le pays dépend encore de ses importations pour sa consommation alimentaire.
En annonçant une hausse du salaire minimum - le plus haut d’Amérique latine -, Chavez sait donc que cela n’aura d’impact que dans le secteur public et sur le salariat de l’industrie nationale et transnationale privée, si les patrons l’applique. Il s’agit néanmoins d’un nouveau geste en faveur des travailleurs et des pauvres, souvent obligés de cumuler plusieurs emplois pour joindre les deux bouts. Mieux, en engageant un débat sur la réduction du temps de travail, Chavez reconnaît l’aliénation du travail et accompagne l’expérience de l’usine sidérurgique Alcasa (aluminium) qui, en ayant mis en place des conseils ouvriers hebdomadaires pour prendre les grandes décisions de gestion de l’entreprise, s’est engagée sur la voie de la journée de six heures.
Chavez a annoncé, par ailleurs, la sortie du Venezuela des instances phares du néolibéralisme de ces deux dernières décennies, le FMI et la Banque mondiale. Le FMI et le gouvernement social-démocrate de l’ancien président vénézuélien Carlos Andres Perez sont responsables du premier plan d’ajustement structurel, qui mit des millions de Vénézuéliens dans les rues le 27 février 1989, déclenchant une répression militaire qui fit 3 000 morts. Cette date est traditionnellement considérée comme le point de départ de la « révolution bolivarienne ».
À l’arrivée au pouvoir de Chavez, en 1999, le Venezuela avait une dette de 3 milliards de dollars auprès de la Banque mondiale et du FMI. Grâce à la rente pétrolière, le pays a pu rembourser l’ensemble de sa dette et ainsi se libérer de ses obligations usurières. En quittant le FMI, qualifié « d’illégitime » et « au service des intérêts impérialistes », le Venezuela réclame le remboursement de sa quote-part déposée dans le fonds. Avec cet argent, il s’est engagé, conjointement avec l’Équateur de Rafael Correa et d’autres pays de la région, à la constitution d’une « Banque du Sud », sorte de fonds monétaire régional contrôlé par les gouvernements hostiles au néolibéralisme, quelles que soient leurs différentes orientations.
Dette illégitime
Cette sortie du FMI ne masque pas les débats qui ont lieu dans la gauche radicale et révolutionnaire latino-américaine sur l’opportunité de payer une dette indue. Ainsi, après l’Argentine, le Venezuela est le deuxième pays à rembourser l’intégralité de sa dette. Le pays se libère donc de la pression que représentait le paiement mensuel des intérêts. Cependant, la gauche radicale vénézuélienne, relayée en cela par le Comité pour l’annulation de la dette dans le tiers monde, dénonce le fait que le Venezuela continue de payer une dette contractée par des gouvernements antérieurs corrompus ayant précipité le pays dans la faillite financière et sociale. Le ministre des Finances s’est, par ailleurs, prononcé dans la foulée pour le respect de tous les engagements financiers concernant le reste de sa dette hors FMI, publique comme privée, nationale comme internationale. Nous sommes donc encore loin de la revendication d’annulation pure et simple de la dette des pays dépendants, comme de la stratégie de relance d’un front international des pays endettés.
Cependant, il faut reconnaître, malgré ces critiques, que le Venezuela a fait un nouveau pas en avant dans la rupture avec le système international façonné pour leurs intérêts par les puissances impérialistes mondiales. Quel autre gouvernement a dénoncé le terrorisme des États-Unis lors de la guerre en Afghanistan, retiré son ambassadeur en Israël lors de la guerre au Liban puis, désormais, annoncé son retrait du FMI ? Ces mesures, annoncées en plein débat sur la construction du socialisme et de son outil politique, le Parti socialiste unifié, montre que la situation politique de la « révolution bolivarienne » continue d’être une des plus encourageantes pour les révolutionnaires.