Introduction générale
L’ancienne classification des Lépidoptères (ou papillons, sans doute pratique, ne correspond pas à l’évolution de cet ordre d’insectes. On y distingue les Rhopalocères, (littéralement antenne en forme de massue), des Hétérocères, (littéralement antennes de formes diverses).
Seul le groupe des Rhopalocères forme un groupe homogène. Ce sont les papillons de jour que l’on observe habituellement (Piérides, Vanesses, Lycènes…). On compte seulement un peu plus de 250 espèces de Rhopalocères sur plus de 5000 Hétérocères en France.
Les espèces primitives comme les Micropterigidae ne présentent pas de trompe pour récolter le nectar des plantes à fleurs, mais des mandibules munies de pièces broyeuses pour se nourrir des grains de pollen. A l’inverse, des espèces plus évoluées comme les sphinx sont dotées d’une trompe pouvant atteindre lorsqu’elle est déroulée une dimension de plusieurs centimètres, voir plus d’une dizaine de cm !
De plus si tous les papillons de jour sont immobiles la nuit, les Hétérocères comptent des familles diurnes comme les Zygènes et les Sésies et des exemplaires diurnes dans les familles majoritairement nocturnes.
Par exemple, au parc des Beaumonts on peut observer volant et butinant de jour la doublure jaune (Euclidia glyphica) qui fait partie de la famille des noctuelles.
Il existe deux grandes familles chez les Hétérocères : Les Noctuelles (Noctuidae) possèdent un corps en général massif. Au repos les ailes antérieures recouvrent les ailes postérieures. Leur vol est rapide. Les Géomètres ou Phalènes (Geometridae) ont un corps gracile allongé et des ailes plus amples. Au repos les ailes sont souvent dans un même plan, les ailes postérieures sont bien visibles et il y a en général continuité des dessins entre les ailes antérieures et postérieures.
La famille des Pyrales (Pyralidae) avait été rangée dans les microlépidoptères. La taille n’est pas le critère de séparation des familles. Les pyrales possèdent des écailles à la base de la trompe ce qui n’est pas le cas pour les Noctuelles et les Géomètres. De plus certaines pyrales sont beaucoup plus grandes que des représentants des géomètres et des noctuelles.
Les espèces observées
Les conditions climatiques du 24 septembre étaient favorables avec une température douce pour la saison et l’absence de vent. Pourtant très peu de papillons ont été attirés par les radiations lumineuses dont une partie importante se situe dans le domaine des ultra-violet. En effet, contrairement à notre perception réduite au domaine visible, les yeux à facettes des lépidoptères possèdent des capteurs sensibles aux radiations ultraviolettes . Ces longueurs d’onde inférieure à 0,4 µm leur permettent de se diriger dans l’espace.
Nous n ‘avons compté que 4 espèces de Noctuelle et une seule espèce de Géomètre. Plus curieux aucun « microlépidoptère » a été attiré !
En dehors des Lépidoptères quelques Tipules (ou cousins) se sont posés sur le drap blanc éclairé par la lampe à diodes. L’exemplaire ci-dessous est un mâle. Il présente un abdomen avec son extrémité élargie.

La tipule des Prairies Tipula paludosa Cliché André Lantz le 24 septembre 2021
Ces Tipules qui ressemblent à de très gros moustiques font souvent peur en imaginant la piqûre correspondante à leur taille ! Mais ces grands Diptères sont totalement inoffensifs. Les laves vivent dans le sol et dans les racines de plantes.
Nous n’avons observé qu’une seule espèce sur les 6 ou 7 imagos [adultes] de Tipule qui ont été attirés.
Il s’agit de Tipula paludosa, la Tipule des prairies, qui sort en automne et qui est une espèce très commune. On peut aussi l’observer en journée sur la végétation. Elle s’envole quand on la dérange.
Certains imagos ont perdu quelques unes de leur 6 pattes car elles sont particulièrement fragiles.
A) Noctuelles
1) La première noctuelle qui est arrivée sur le drap est La Xanthie dorée, Tiliacea aurago ou Xanthia aurago.

La Xanthie dorée, Tiliacea aurago, cliché André Lantz le 24 septembre 2021
Cette espèce bien colorée et contrastée se rencontre dans tous les milieux et arrive même en zone urbanisée. Sa chenille consomme diverses plantes ligneuses dont les hêtres, saules, les érables…
Cette espèce ne donne qu’une seule génération annuelle (on dit qu’elle est univoltine). L’imago vole entre août et octobre. C’est la première fois qu’elle est observée dans le parc des Beaumonts et elle ne semble pas, selon le site Lepi’Net de Philippe Mothiron et Claire Hoddé, avoir été revue du département de la Seine-Saint-Denis depuis l’année 1997
2) Luperina dumerilii, la Noctuelle de Duméril est aussi une petite espèce assez bigarrée et facilement identifiable. Elle est présente sur toute la France mais plus abondante dans le Sud-Est. C’est une espèce thermophile de prairie qui est classée comme vulnérable en Île-de-France. Sa chenille consomme les racines de graminées. Cette espèce, également univoltine, vole en août et septembre.
C’est aussi la première observation au parc des Beaumonts.

La Noctuelle de Duméril Luperina dumerilii, cliché André Lantz, 24 septembre 2021
3) La Hulotte, Noctua comes est une noctuelle de plus grande taille que les précédentes. Les ailes antérieures sont brunes et les postérieures sont jaune, bordées par une bande noire. Un dessin noir en forme de virgule inversée s’insère sur l’aire jaune vers la côte. C’est une espèce commune. Elle se distingue du Hibou Noctua pronuba par une taille plus importante d’une part et par ce dessin noir sur l’aile postérieure. La Hulotte se trouve dans de très nombreux biotopes et aussi dans les jardins, les parcs et même en ville. Sa chenille se développe sur diverses plantes basses et n’est donc pas exigeante. Cette espèce vole de mai à novembre en une seule génération : en effet elle effectue une diapause estivale (L’adulte reste immobile tout une partie de l’été). Cette espèce pourtant courante n’avait pas encore été signalée dans le parc des Breaumonts. L’imago qui s’est posé sur le drap était passablement frotté et les critères de séparation des espèces n’étaient pas visibles. L’examen des ailes ailes postérieures a été nécessaire. Vu la piètre qualité de l’insecte, je n’ai pas estimé utile de présenter une photo.
4) Le Casque, Noctua janthina. Cette espèce était confondue avec une espèce très voisine, le Collier soufré Noctua janthe jusqu’en 1991. Ces deux espèce aux caractères morphologiques presque identiques vivent dans les mêmes milieux aux mêmes époques. Il est donc impossible de pouvoir les distinguer lorsqu’elles sont posées dans la nature ou sur un drap blanc ! La distinction se fait sur la bordure noire de l’aile postérieure qui envahit davantage l’aile chez N. janthina que chez N. janthe.
Les chenilles de ces deux espèces s’alimentent sur des plantes basses et arbustes.
L’imago a déjà été frotté car il a perdu une bonne partie des poils qui revêtaient son thorax.

Le Casque, Noctua janthina, cliché André Lantz le 24 septembre 2021
L’imago suivant observé de jour dans le parc est beaucoup plus frais.

Le casque, Noctua janthina, Beaumonts, cliché André Lantz le 13 août 2020
B) Géomètre.
5 imagos mâles sont arrivés entre 23h et 23h 30 de la Boarmie rhomboïdale Peribatodes rhomboidaria.
Les premiers imagos passablement défraîchis pouvaient poser quelques difficultés pour leur identification. Les suivants, mieux conservés, ont permis de lever le doute.
Cette espèce a déjà été observée plusieurs fois de jour posée sur les murs à côté du parc. Nous l’avions également notée lors de l’inventaire nocturne de 2019.
Sa chenille vit sur diverses plantes basses et arbustives. Cette espèce est plurivoltine. Les générations se succèdent de mai à septembre. La chenille hiverne.
Les antennes du mâle sont bipectinées, comme pour d’autres espèces de Géomètres. Celles de la femelle sont filiforme. Les antennes bipectinées possèdent beaucoup de capteurs biochimiques qui permettent au mâle de rechercher et trouver une femelle qui émet des phéromones. Les accouplements ont lieu la nuit et le repérage des femelles ne peut se faire que par un déplacement du mâle dans le gradient de concentration des phéromones.

La Boarmie rhomboïdale, Peribatodes rhomboidaria, cliché André Lantz le 24 septembre 2021
En dehors des lignes et diverses stries sur les deux ailes permettant l’identification de cette espèce, un autre critère concernant les mâles porte sur la pectination des antennes. Elle n’est pas complète, elle s’estompe et disparaît avant d’atteindre l’extrémité de l’antenne.
Comme d’autres Boarmies, La Boarmie rhomboïdale peut présenter une coloration presque entièrement noire. Il s’agit de la forme rebeli. Cette forme a été observée au parc des Beaumonts. La photo présente un imago femelle. Les antennes sont filiformes.

Femelle de Peribatodes rhomboidaria rebeli, Boarmie rhomboïdale, Beaumonts, cliché André Lantz le 13septembre 2015
Si la meilleure saison de l’observation des nocturnes s’étale du printemps à l’été, il est utile d’opérer des inventaires lors des autres saisons. En effet, certains hétérocères, certes peu nombreux, volent durant l’automne et l’hiver. Cette session, malgré le très faible nombre d’imagos observés, a révélé 3 espèces qui n’avaient pas encore été inventoriées sur le parc.
André Lantz