“Après des années d’imbroglio”, le long-métrage brésilien Marighella “sortira enfin au Brésil” jeudi 4 novembre, annonçait la semaine dernière Metrópoles. Aucune distribution n’est pour l’instant prévue en France. “Ovationné” lors de son avant-première mondiale au festival de Berlin, en 2019, ce film dresse le portrait de Carlos Marighella, ancien député, “poète, écrivain et guérillero”, “acteur de la lutte contre la dictature militaire au Brésil [1964-1985]”, assassiné lors d’une embuscade policière en 1969, résume le site d’actualité.
La sortie du biopic dans les salles de cinéma brésiliennes était prévue quelques mois seulement après sa présentation au festival. Mais une série de “problèmes avec l’Agence nationale du cinéma” (Ancine, agence fédérale brièvement liée au ministère de la Citoyenneté, et désormais à celui du Tourisme, depuis la dissolution du ministère de la Culture, en 2019) a retardé ce lancement, explique le site. Et de citer notamment des questions de délais et de contrats à respecter pour décrocher des fonds publics permettant de commercialiser le long-métrage, dont la sortie nationale avait même été annoncée comme annulée dans un premier temps, en septembre 2019, rapportait à l’époque El País Brasil. La pandémie de Covid-19 a aussi provoqué de nouveaux problèmes de calendrier.
En août 2021, “autre frayeur”, rappelle Metrópoles : “Le secteur d’analyse technique et de sélection des projets de l’Ancine a archivé le projet de lancement commercial du film.” Quelques heures plus tard, l’agence évoque finalement “une erreur”.
“Censure bureaucratique”
Pour Istoé, l’Ancine a “gêné le versement de fonds prévus pour la finalisation” de Marighella, une “critique féroce du régime militaire, ce qui va à l’encontre du discours du gouvernement fédéral” de Jair Bolsonaro, un admirateur assumé de la dictature.
Interviewé par Folha de São Paulo, le réalisateur brésilien Wagner Moura, notamment connu pour avoir interprété le trafiquant de drogue colombien Pablo Escobar dans la série Narcos de Netflix, ou encore le capitaine Nascimento dans le film Troupe d’élite et son deuxième volet, affirme “n’avoir aucun doute sur le fait que le long-métrage a été censuré”, et ce “par voie bureaucratique”, par le gouvernement brésilien.
“Nos demandes de lancement ont été rejetées à l’époque” où le président brésilien “disait publiquement vouloir un filtrage” des films soutenus par l’Ancine et déclarait “qu’il ne donnerait pas d’argent pour financer les films [aux thématiques] LGBT”, rappelle le cinéaste. Il ajoute :
“La polémique de ‘Marighella’ est moins sur Carlos Marighella et la lutte armée [contre la dictature] que sur le gouvernement Bolsonaro.”
En 2019, El País Brasil évoquait déjà à propos de Marighella des “lenteurs” au sein de l’agence, provoquées par des “turbulences administratives” et des “coupes budgétaires”. Le site évoquait par ailleurs la “centralisation” au sein de la direction de l’Ancine des décisions concernant le financement des films, avec un risque que des “filtres idéologiques” ne soient appliqués.
Courrier International
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