• Comment la Journée mondiale a-t-elle été créée ?
Louis-Georges Tin - J’ai lancé l’idée de la Journée mondiale en août 2004. Elle a été accueillie favorablement par les gays et lesbiennes qui militent à travers le monde, et la première Journée a été célébrée le 17 mai 2005 dans plus de 50 pays.
• Pourquoi avoir choisi le 17 mai ?
L.-G. Tin - Le 17 mai 1990, l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a supprimé l’homosexualité de la liste des maladies mentales. C’est pourquoi j’ai choisi cette date. Elle a trois avantages. D’abord, c’est une date positive, le symbole d’une victoire pour celles et ceux qui défendent les droits humains. Ensuite, c’est une date internationale, dans laquelle tout le monde peut se retrouver. Enfin, c’est une date qui permettra bientôt au comité Idaho1 de demander à l’OMS de faire demain, pour les personnes trans, ce qui a été fait hier pour les personnes homosexuelles. En effet, le « transsexualisme » est encore considéré comme une maladie par les instances médicales internationales. Il faut que cela cesse.
• Quels sont les objectifs de cette Journée ?
L.-G. Tin - L’objectif principal est de susciter des actions. Elles peuvent prendre des formes très diverses : débats, expositions, animations de rue, émissions télé, projections de films, festivals culturels, manifestations, campagne de sensibilisation, etc. Ces initiatives sont portées par des associations LGBT [Lesbiennes, gays, bi et trans, NDLR] par des organisations de défense des droits humains, par des syndicats, par des partis, par des municipalités, etc. Par ailleurs, depuis son lancement, le comité Idaho a lancé plusieurs campagnes annuelles. En 2005, la campagne « Pour une reconnaissance internationale de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie » : la Journée a déjà été reconnue officiellement par le Parlement européen, la Belgique, le Royaume-Uni, le Mexique et plusieurs États ou provinces de l’Espagne, du Québec ou du Brésil.
En 2006, la campagne « Pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité » : l’appel a été signé par plusieurs Prix Nobel (Desmond Tutu, Dario Fo, José Saramago, Amartya Sen, Elfriede Jelinek), plusieurs artistes (Victoria Abril, Merryl Streep, Cyndi Lauper, Elton John, David Bowie, etc.), plusieurs intellectuels (Noam Chomsky, Judith Bulter, George Chauncey, etc.), le but de cette initiative étant de faire voter une résolution aux Nations unies, car plus de 70 pays condamnent encore l’homosexualité. En 2007, le slogan retenu est « Non à l’homophobie, oui à l’éducation », car l’éducation est sans doute l’une des meilleures façons d’éradiquer l’homophobie. Cela dit, si elle concerne les jeunes et l’institution scolaire en particulier, l’éducation est aussi l’affaire de la société tout entière, car nous avons tous, jeunes ou moins jeunes, besoin d’être sensibilisés à ces questions, qui relèvent des droits humains.
• À l’échelle internationale, quelles sont les grandes tendances en matière d’homophobie ? Comment définis-tu l’homophobie ?
L.-G. Tin - L’homophobie est la hiérarchie sociale qui voudrait que l’homosexualité soit inférieure à l’hétérosexualité. Elle produit donc des violences physiques (brimades dans les cours de récréation, bastonnades dans les lieux de drague, viols punitifs, condamnations à mort, etc.), des violences morales (harcèlement moral, stigmatisation, exclusion) et des violences symboliques (discrimination à l’embauche, licenciement abusif, refus de l’égalité pour les couples de même sexe et pour les familles homoparentales).
Dans le monde entier, la situation n’est pas à l’amélioration générale, loin de là. Il ne faut pas croire que le Marais soit Paris, que Paris soit la France, et que la France soit le monde. Les pays où la vie démocratique est peu développée sont souvent les pays les plus homophobes. Les pays où s’applique la charia condamnent les homosexuels à mort. Par ailleurs, depuis vingt ans, le Vatican a puissamment contribué à renforcer l’homophobie internationale. Jean-Paul II a réussi à rassembler derrière lui tous les États catholiques bien sûr, mais aussi les États protestants, orthodoxes, musulmans, afin d’organiser la réaction quant aux questions liées aux homosexuels, aux femmes, au Sida, à la sexualité en général. Son successeur, hélas, n’est guère plus progressiste !
• Peux-tu présenter quelques-uns des événements organisés à cette occasion en France ?
L.-G. Tin - Autour du thème annuel de la Journée, l’éducation, doit se tenir un colloque à Paris, mercredi 16 mai, dans les locaux du conseil régional d’Île-de-France. Le colloque « Contre l’homophobie et pour la diversité par l’éducation » est piloté par un collectif d’associations, d’organisations, de personnels de l’Éducation nationale et de l’éducation populaire, d’étudiants et de lycéens. Il s’agit de faire mieux connaître cette thématique auprès du grand public, des professionnels de l’éducation et du secteur médico-social, à partir des expériences qui sont menées en France, notamment en matière d’interventions en milieu scolaire (IMS) et de formation des intervenants adultes.
C’est l’occasion aussi d’établir un état des lieux des avancées institutionnelles au niveau international. Du mardi 15 au jeudi 17 mai, des associations LGBT, de lutte contre le Sida et la Ligue de l’enseignement doivent présenter leurs actions, lors d’une exposition intitulée « Paroles d’ados contre l’homophobie ». Durant les trois demi-journées, ces organisations seront à la gare Montparnasse, afin d’accueillir les jeunes et de répondre aux questions du public, lors d’une exposition de témoignages d’adolescents à propos de l’homophobie.
Enfin, samedi 19 mai, la coordination Lesbiennes en France propose le colloque « Visibilité et invisibilité des lesbiennes ». Les lesbiennes ont-elles leur place dans la société, du point de vue de l’égalité, de la visibilité et des représentations sociales ? Ce colloque vise à situer les lesbiennes aujourd’hui, militantes ou non, dans l’histoire du mouvement lesbien en France et le contexte européen actuel. Il est organisé à l’Hôtel de Ville de Paris, sur réservation. Ce ne sont que quelques exemples. De nombreuses manifestations auront lieu en France et dans le monde. Pour plus d’infos, visitez les pages France du site www.idahomophobia.org.
Note
1. International Day Against Homophobia (« Journée mondiale contre l’homophobie »).