La manifestation nantaise du 16 mars aurait pu le laisser présager, les deux heures de débrayage, seul dénominateur commun obtenu en intersyndicale contre le plan Power 8, étaient apparues à quelques dizaines de jeunes salariés en total décalage avec le niveau du rapport de force. Ils avaient eu toutes les peines du monde à rentrer travailler.
Vendredi 27 avril, alors que la direction d’EADS annonçait 4 200 suppressions de postes, démarrait à Saint-Nazaire « la grève sauvage des salariés d’Airbus », comme titrait Ouest France le lendemain ; une grève qualifiée de « sauvage » parce qu’elle est partie à l’initiative de jeunes ouvriers, sans attendre un appel des organisations syndicales, bientôt suivie également dans l’établissement de Nantes. La création d’une « coordination » aura permis de pousser pendant quelques jours l’unité syndicale autour d’une plateforme revendicative votée en assemblée générale : le versement d’une prime exceptionnelle équivalente à la participation et l’intéressement versés en 2006 en réponse aux 2 (2,88 pour être exact !) euros, largesse méprisante que la direction avait prévu de distribuer aux salariés ; le refus du plan Power 8 et l’exigence du maintien des emplois sur tous les sites Airbus ; l’embauche en CDI de tous les intérimaires et la compensation des départs en préretraite par des embauches.
Vendredi 4 mai, les salariés reconduisaient la grève jusqu’au mercredi suivant mais, déjà, contre l’avis des syndicats sauf la CGT. Ambiance de grève, fumée de barbecue du côté de l’assemblée générale des ouvriers, ambiance du soupçon de délit d’initiés derrière le parachute doré de Noël Forgeard d’une valeur de 8,5 millions d’euros du côté de l’assemblée générale des actionnaires qui se distribuaient les dividendes dans le même temps. Le mouvement sera suspendu à Saint-Nazaire, jeudi 10 mai, et à Nantes le lendemain.
La direction aura finalement lâché le versement d’une prime de 500 euros en juin, 1,5 % d’augmentation générale des salaires, et deux fois 0,5 % d’augmentation individuelle, ainsi qu’une date, le 16 mai, pour la reprise de négociations salariales, les propositions étant jugées bien loin du compte par les grévistes qui, à Nantes, ont obtenu que le dernier jour de grève ne soit pas comptabilisé. Le paiement des autres jours de grève s’ajoute aux diverses revendications à l’ordre du jour du 16 mai. La direction tiendra-t-elle compte de ce gros coup de semonce ? Dans tous les cas, « rien ne peut plus être comme avant », disait un tract CGT de Saint-Nazaire pendant la grève, mettant en évidence que la « coordination » démontrait toute son efficacité pour la démocratie comme pour la lutte, appelant les salariés à la faire vivre et à rester unis autour des revendications.