Les entreprises sont toujours plus nombreuses à employer activement les seniors désireux de travailler. Nojima, une grande enseigne d’électroménager, a, de fait, supprimé l’âge limite d’activité, jusqu’alors fixé à 80 ans. En avril, le groupe YKK avait de son côté aboli l’âge de la retraite pour les employés permanents [CDI].
En plus de répondre aux réformes visant à encourager l’emploi des seniors, ces mesures pallient le manque de main-d’œuvre qui accompagne la reprise économique postpandémie. Alors que la population continue de vieillir, l’emploi des plus âgés devrait aussi jouer sur la compétitivité des entreprises.
Recrutement d’octogénaires
Chez Nojima, la suppression de l’âge maximal d’activité, entrée en vigueur en octobre, concerne les quelque 3 000 employés permanents du siège social et des magasins, parmi lesquels une dizaine ont 75 ans ou plus. L’entreprise recrute par ailleurs des octogénaires, qui, en travaillant en magasin cinq heures par jour, quatre jours par semaine, touchent environ 120 000 yens [910 euros] par mois. À partir de ce mois [d’octobre], ceux qui le souhaitent et dont la santé le permet auront la possibilité de prolonger leur contrat.
En juillet 2020, le règlement de la société avait été modifié pour permettre aux salariés de continuer à travailler après l’âge de la retraite – 65 ans – comme employés temporaires jusqu’à 80 ans, mais beaucoup ont émis le souhait de rester actifs au-delà. Pour Nojima, qui a pour caractéristique de ne pas recourir aux assistants de vente des fabricants, le lien que les seniors ont créé avec la clientèle et leur profonde connaissance des produits en font de précieux atouts.
Chez YKK, les salariés peuvent désormais travailler comme employés permanents jusqu’à l’âge qu’ils souhaitent. Mitsubishi Chemical [industriel de la chimie, 42 660 salariés] envisage également de supprimer l’âge de la retraite. Nojima prévoit d’embaucher 870 personnes dans l’ensemble du groupe d’ici au printemps 2022, mais pour le moment, seuls 700 postes ont été pourvus.
En 2040, 35,3% de plus de 65 ans
La pénurie de main-d’œuvre justifie l’extension de l’activité des seniors. Selon les estimations réalisées en 2017 par l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale, la population active (15-64 ans) représentera 59,78 millions de personnes en 2040, soit 17,5 millions de moins qu’en 2015. Parallèlement, la part des 65 ans et plus devrait grimper jusqu’à 35,3 %.
Pour nombre d’entreprises, le recul de l’âge de la retraite est la réponse immédiate à l’évolution démographique. À partir d’avril 2022, Kubota [fabricant de machines agricoles, 41 605 salariés] reculera l’âge de la retraite de 60 à 65 ans pour les employés permanents, à l’exclusion des cadres. Cela permettra aux techniciens qui travaillent dans ses usines de transmettre leur savoir-faire aux générations suivantes, notamment en matière de dépannage et d’amélioration de la production. Mazda [constructeur automobile, 49 785 salariés] repoussera également progressivement l’âge de la retraite de 60 à 65 ans d’ici à 2030 [depuis 2006, l’âge légal de la retraite est de 65 ans et 60 ans dans certaines entreprises].
Au Japon, où la rémunération à l’ancienneté est la norme, les dépenses de personnel augmentent en même temps que la durée d’emploi des salariés. On estime que repousser l’âge de leur retraite coûte environ 40 % plus cher que de les réembaucher en contrat temporaire.
Les plus âgés évalués plus sévèrement
Pour alléger leurs charges, les entreprises ont tendance à différencier les salaires en appliquant aux plus vieux un système de rémunération fondé sur les résultats. Casio a par exemple introduit un système qui évalue plus sévèrement les 60 ans et plus que les générations dites “actives”. La loi révisée sur la stabilisation de l’emploi des personnes âgées, promulguée par le gouvernement en avril, contraint les entreprises à faire des efforts pour garantir aux seniors des possibilités d’emploi jusqu’à 70 ans.
En septembre, le Nihon Keizai Shimbun a réalisé un sondage auprès de 100 PDG. Interrogés sur ce qu’ils comptaient faire pour répondre aux nouvelles exigences légales, 36,8 % d’entre eux ont déclaré qu’ils réembaucheraient en contrat temporaire et 10,4 % qu’ils repousseraient l’âge de la retraite ; 25,7 % ont avoué n’avoir encore pris aucune mesure.
Si les entreprises hésitent à reculer l’âge de la retraite, ce n’est pas seulement en raison de l’augmentation potentielle de leurs coûts de personnel et du risque de non-renouvellement des talents, mais aussi à cause des règles japonaises strictes en matière de licenciement. Ainsi, pour généraliser l’emploi flexible des seniors, patronat et syndicats devront également revoir la réglementation relative au licenciement.
Nihon Keizai Shimbun
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