Les films et les séries sud-coréennes connaissent à ce jour un succès fulgurant à l’étranger. À titre d’exemple, le film Parasite, œuvre du réalisateur Bong Joon-ho, a remporté l’oscar du meilleur film en 2020. Quant à la série Squid Game, créée par Hwang Dong-hyeok, elle a été visionnée par 111 millions de personnes lors des seuls vingt-huit jours suivant le début de sa diffusion, conduisant Forbes a la qualifier en octobre de “série la plus populaire de l’histoire de Netflix”.
Ces deux œuvres ont ceci de particulier qu’elles s’articulent autour d’un des thèmes majeurs de la société sud-coréenne : les inégalités sociales. En dépit de la croissance économique spectaculaire de ces dernières décennies, le taux de pauvreté du pays s’établit à 17 %. Plus grave encore, celui des personnes ayant plus de 65 ans culmine à 43 %, soit trois fois plus que la moyenne des pays de l’OCDE. À l’approche de l’élection présidentielle, qui doit se tenir en mars prochain, le journal japonais Asahi Shimbun a dépêché son correspondant dans un bidonville situé en plein cœur de la capitale Séoul, symbole des inégalités qui gangrènent la Corée du Sud.
“C’est comme si le temps s’était arrêté ici”
Le bidonville en question se trouve à deux pas de la gare de Yeongdeungpo, dans le sud-ouest de la ville. Après le cessez-le-feu de la guerre de Corée, en 1953, l’endroit était surtout connu pour ses nombreuses maisons closes. “Du fait de l’état vétuste de leurs bâtiments, celles-ci ont quitté le quartier au bout d’un certain temps pour partir dans un autre district de la ville. Des gens pauvres s’y sont ainsi installés, prenant la place que les anciens occupants avaient laissée”, explique le journaliste.
Afin de leur venir en aide, une organisation caritative a été fondée en 2001. Son représentant, Kim Hyeong-ok, 51 ans, suggère au journaliste que le quartier est “une version de Squid Game en miniature, mais plus réelle que la série”.
Sur place, de vieux appartements s’agglutinent les uns contre les autres. Certains ont un toit troué, recouvert par des couvertures. “Les Sud-Coréens appellent ce district ‘tchok-ppang’, terme désignant de petits logements inconfortables”, explique le journaliste. Dans ces bâtiments, les couloirs sont si étroits qu’une personne peut à peine circuler. Les chambres font 5 mètres carrés en moyenne, mais les plus petites se limitent à 1,7 mètre carré.
Nombre d’appartements ne sont pas dotés de sanitaires, les habitants se rendent donc aux toilettes publiques. La télévision est partout, mais “aucun des habitants n’a les moyens de s’abonner à Netflix”, glisse ironiquement Kim, fustigeant l’immobilisme des autorités sur la question des inégalités. “On a commencé à travailler ici il y a une vingtaine d’années, mais les choses n’ont presque pas changé depuis. C’est comme si le temps s’était arrêté ici”, poursuit-il.
Les promesses “floues” des candidats du scrutin présidentiel
La plupart des habitants dépendent du RSA, d’un montant de 800 000 wons coréens (environ 590 euros), mais ils doivent payer un loyer de quelque 200 000 wons. La somme qui reste n’étant pas suffisante, ils survivent grâce aux aides des associations qui leur donnent de la nourriture et des objets du quotidien. Bien des habitants sont âgés : parmi eux, environ 400 personnes ont plus de 55 ans.
“Ils consomment des plats préparés et ont presque tous des problèmes de santé. Cependant, ils n’ont pas accès à des soins médicaux décents, même les hôpitaux publics mettent la rentabilité avant tout le reste”, déplore Kim.
Pour l’élection présidentielle qui aura lieu en mars, les candidats en lice – que ce soit Lee Jae-myung, du parti Minju (centre gauche) ou Yoon Seok-youl, de Pouvoir des nationaux (conservateur) – avancent des mesures destinées à lutter contre les inégalités. Or “il leur manque des mesures concrètes sur ce sujet, tous les deux restant flous sur la question du financement. Il n’est pas sûr que les personnes qui ont vraiment besoin de l’aide des pouvoirs publics y auront accès”, conclut le journaliste
Asahi Shimbun
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.