Quel est le degré de répression à Hong Kong ?
Entre juin 2019 et juin 2021, les autorités ont arrêté plus de 10 000 personnes, et poursuivi 2 600 manifestantEs. En vertu de la loi sur la Sécurité nationale du 30 juin 2020, 153 manifestantEs ont été poursuivis et risquent des peines pouvant aller jusqu’à la prison à vie. Le célèbre journal Apple Daily a été contraint de fermer ses portes le 24 juin 2021.
La grande purge actuelle vise à écraser le mouvement social hongkongais. Une purge culturelle est également en cours dans le but de contrôler la pensée et l’âme de la population, par exemple en remplaçant le cantonais par le mandarin et en censurant la presse.
Quelle est la situation des organisations ?
Selon un rapport, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la Sécurité nationale, au moins 50 organisations se sont dissoutes, suite aux menaces répétées et au harcèlement permanent des autorités. Il s’agit de syndicats, d’églises, de médias et de partis politiques [3].
Les cas les plus importants ont été ceux du syndicat enseignant PTU [4], de la centrale syndicale HKCTU [5] et de la coalition Alliance [6] qui est la structure la plus détestée par le régime de Pékin pour son soutien au mouvement démocratique du continent.
Des éléments de résistance existent-ils ?
Certaines personnes refusent de courber l’échine face au pouvoir de Pékin.
Une forte opposition à l’autodissolution existait par exemple au sein de l’Alliance – celle-ci n’a été adoptée qu’à une courte majorité de quatre contre trois. L’opposition à la dissolution était menée par Chow Hang-tung, une jeune militante. Elle a fait valoir que la tactique d’« accepter la dissolution en échange de la clémence » était erronée, et que refuser de capituler montrerait au monde la détermination de la population de Hong Kong à poursuivre la lutte. Alors qu’elle était emprisonnée, elle a sauvé l’honneur de la résistance hongkongaise. Beaucoup de gens la considèrent comme un nouveau symbole de la résistance.
Par ailleurs, beaucoup de gens ordinaires font ce qu’ils peuvent pour résister au régime, même de manière symbolique. Par exemple, lorsque les autorités harcèlent les « magasins jaunes » [le jaune est la couleur du mouvement pour la démocratie], des personnes viennent y faire leurs courses pour exprimer leur solidarité.
Il existe également des personnes qui, de leur propre initiative, coordonnent des sympathisantEs pour envoyer des lettres de solidarité aux emprisonnéEs, ou pour sauver des archives risquant d’être détruites, ou encore pour soutenir des luttes de salariéEs.
Quelle est la situation actuelle en Chine ?
La croissance économique de la Chine s’est ralentie, passant d’une croissance à deux chiffres à une croissance à un chiffre. La plupart des facteurs ayant par le passé facilité l’essor de la Chine ont épuisé leur potentiel, et les problèmes s’aggravent.
Depuis février 2021, les actions chinoises cotées aux États-Unis ont déjà chuté de 50 %. Il n’est pas surprenant de voir les actions du groupe Evergrande, fortement endetté, plonger également, provoquant des secousses sur le marché de l’immobilier.
La répression politique à Hong Kong est nuisible à l’économie chinoise, car elle signifie que Pékin ne tient pas la promesse faite à l’Occident de protéger la liberté politique et économique à Hong Kong, ce qui est essentiel pour y maintenir les investissements étrangers ainsi qu’en Chine continentale. Si le flux d’investissements étrangers s’inverse, cela exacerbera la crise économique, en particulier celle de la dette.
Étant donné l’ampleur de la répression politique, il est très difficile à la population de déclencher des actions collectives. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de résistance.
Il y a quelque temps, a été lancé un appel au « tangping », qui signifie littéralement « s’allonger à plat », c’est-à-dire boycotter silencieusement le gouvernement. Cet appel a été largement diffusé, ce qui témoigne de l’impopularité du parti-État.
Quelle position devons-nous adopter face aux tensions entre la Chine et les États-Unis ?
La lutte actuelle de Pékin contre les États-Unis n’est pas en tant que telle une lutte contre l’impérialisme, elle ne vise pas à le remplacer par quelque chose de meilleur. Il s’agit d’une lutte pour la répartition de la chaîne de valeur mondiale, une lutte qui est profondément injuste.
Les entreprises chinoises agissent exactement de la même façon que tout régime impérialiste, à savoir poursuivre la maximisation du profit. Au lieu de prendre parti pour des entreprises de l’un ou l’autre de ces deux pays, nous devrions appeler les salariéEs des deux pays, ainsi que celles et ceux du monde entier, à résister à leur politique d’exploitation.
Je pense que dans le débat sur le conflit entre la Chine et les États-Unis, certains se concentrent trop sur les mérites ou les démérites de tel ou tel État, sans jamais se préoccuper des populations concernées et de leur bien-être. Certains partisans du régime de Pékin répondent en présentant des chiffres officiels sur les performances de Pékin en matière de progrès économique, mais ils comprennent rarement que les autorités manipulent les statistiques et qu’elles sont peu enclines à faire respecter la législation sociale.
Je soutiens que la question de savoir si la population jouit de droits politiques devrait être notre critère primordial pour évaluer le régime de Pékin. Si ces droits lui sont refusés, les citoyenEs perdront littéralement tout, tôt ou tard. La confrontation entre la Chine et les États-Unis devrait être jugée en fonction de l’intérêt des populations concernées dans le cadre de leur lutte pour l’émancipation.
Quelles formes pourrait prendre la solidarité internationale ?
Toutes les personnes progressistes doivent être solidaires de celles qui sont persécutées par Pékin, qu’il s’agisse de salariéEs chinois, de Hongkongais, de Ouïghours, etc. La mondialisation a facilité les choses car aujourd’hui, des millions de salariéEs en Occident et en Chine travaillent pour les mêmes entreprises, qu’il s’agisse d’Amazon, Huawei ou Renault.
Il est dans l’intérêt des organisations ouvrières d’Occident de nouer des contacts avec les salariéEs chinois, et de dire au pouvoir chinois d’arrêter sa politique anti-ouvrière.
Au Loong-Yu
Propos recueillis pas Dominique Lerouge
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