La dernière, le 15 janvier, quatrième anniversaire de la naissance du mouvement actuel, où 15 000 personnes sont descendues dans la rue pour défendre un système public de pensions, des pensions décentes, pour exiger des soins de santé publics de qualité (centres de soins primaires, urgences) et des services sociaux et sanitaires dans les foyers et les soins à domicile pour les personnes dépendantes, etc., et en solidarité avec les travailleurs pour défendre des emplois de qualité avec des salaires décents, qui ne sont pas garantis par la réforme du travail promue par le gouvernement espagnol.
Cette mobilisation est basée sur l’unité, la pluralité et le respect de la diversité, dans laquelle un large spectre social a été reconnu : la majorité du mouvement syndical (ELA, LAB, ESK, Steilas -enseignement-, Etxalde -campesino-, Hiru -transport-, CGT-LKN et CNT), divers groupes de jeunes, des associations de parents d’usagers de maisons de retraite (Babestu de Bizkaia et Araba, Gipuzkoako Senideak et Irauli Zaintza de Gipuzkoa) ainsi que divers groupes féministes. Une mobilisation qui a également bénéficié du soutien et de la solidarité des plateformes et mouvements de retraité·es du reste de l’Espagne (ASJUBI40, COESPE, MADPP et FOAM d’Andalousie, MODEPEN de Galice, UNIDAD COESPE, plateformes de retraités de Badajoz et Mostoles), des retraités de Badalona et de Coespe d’Andalousie.
C’est pourquoi, face à certains oiseaux de mauvais augure qui depuis 2019 s’obstinent, année après année, à proclamer le déclin du mouvement ou son caractère testimonial, parce que les mobilisations n’atteignent pas le quota des 115 000 personnes qui se sont mobilisées le 17 mars 2018, la persévérance de ce mouvement est d’une valeur inestimable.
Tout d’abord, parce que dans notre environnement, on ne connaît pas d’autre mouvement social qui maintienne la flamme de ses revendications en mobilisant environ 5000 et 6000 personnes chaque semaine, et plus de 12 000 dans les manifestations provinciales qui ont lieu presque tous les mois, comme le fait le mouvement basque des retraité·es.
Ensuite, parce que sans cette persévérance, sans cette sage obstination, sans la compréhension que la force des revendications dépend non seulement de leur légitimité, mais aussi de l’existence d’une masse sociale pour les défendre, une revendication aussi juste qu’élémentaire (la revendication d’une pension minimale de 1080 € pour rendre la vie des retraités digne), ainsi que d’autres visant à améliorer sensiblement les pensions des femmes ou le scandale des pensions qui ne permettent pas à de nombreux retraités de joindre les deux bouts, auraient disparu de la scène publique depuis longtemps.
Troisièmement, parce que ce n’est que par sa persistance dans le temps que le mouvement est parvenu à consolider un très large consensus social et à élargir son éventail de revendications, qui englobe aujourd’hui toutes les conditions de vie des personnes âgées : d’un système de santé décent à une politique de soins répondant aux besoins de la population, en passant par un système public de centre de santé aujourd’hui plus orienté vers le profit privé que vers les soins aux personnes.
Enfin, l’intérêt de persévérer dans la mobilisation consiste avant tout à se tourner vers l’avenir. Si le mouvement des retraité·es avait plié les voiles après l’approbation parlementaire des recommandations du Pacte de Tolède, pense-t-on que dans un avenir proche il serait possible de soulever un mouvement de masse pour défendre leurs revendications ? Ce serait perdre de vue que si, il y a quatre ans, le mouvement des retraité·es s’est exprimé avec force dans la rue, ces mobilisations ne sont pas tombées du ciel. L’appel à la mobilisation par les réseaux sociaux, que tous citent comme le point de départ du mouvement actuel, est tombé sur un terrain fertile. La lassitude sociale des retraités qui s’est manifestée lors de ces mobilisations ne peut être séparée du patient travail réalisé pendant 10 ans par les Plateformes de Retraités basques, ni d’autres initiatives comme celle qui a réussi à promouvoir une Initiative populaire législative avec le soutien de 71.400 signatures dans la Communauté autonome basque et 8.000 dans la Communauté autonome de Navarre.
Ainsi, plutôt que de proclamer son déclin, la question à se poser aujourd’hui est de savoir s’il y a des raisons de continuer à mobiliser, construire et consolider le mouvement des retraités. Et ces raisons sont encore plus fortes aujourd’hui qu’il y a quatre ans.
Les trois piliers du mouvement
Sans aucun doute, l’élément central qui explique l’existence de ce mouvement et le fait qu’il continue à se mobiliser dans la rue est la situation précaire des retraites et le démantèlement progressif du système public de retraite. À ce jour, et malgré le fait que la limite d’augmentation annuelle de 0,25 % imposée par le gouvernement Rajoy ait été levée, la situation de la majorité des 9 916 000 retraité.es reste dramatique (dont près de six millions cent mille, c’est-à-dire plus de 60%, n’atteignent pas la pension mensuelle de 1000 euros), sans que le gouvernement de coalition PSOE-UP, ni les gouvernements de Gasteiz et Iruña (qui pourraient compléter les pensions conformément aux pouvoirs de leurs statuts d’autonomie pour les placer aux 1080 euros réclamés par le mouvement) ne répondent favorablement à leurs demandes. Une situation qui, à la fin de 2021, s’est particulièrement aggravée avec l’inflation cumulée, qui réduit drastiquement l’augmentation des pensions, puisque la nouvelle formule de revalorisation basée sur l’augmentation moyenne de l’IPC d’une année sur l’autre, réduit cette augmentation pour 2021 à 2,5% par rapport aux 5,5% qui correspondraient selon le critère précédent basé sur l’inflation cumulée de décembre 2020 à novembre 2021. En d’autres termes, les pensions perdront 3 % de leur pouvoir d’achat. Une réduction qui est étendue à 4% si l’on tient compte du fait qu’en décembre 2021, elle était de 6,5%.
Le deuxième élément est son enracinement social, le caractère unitaire du mouvement et son fonctionnement démocratique. Un mouvement de base construit village par village, au plus près du terrain, et promouvant de multiples initiatives qui touchent la vie quotidienne des retraités, comme les soins de santé, la situation des maisons de retraite, les soins, la précarité énergétique, les soins personnels, etc. On ne compte plus les rassemblements devant les centres de santé, les hôpitaux, les maisons de retraite, les banques et les compagnies d’électricité, sans compter les manifestations de solidarité avec le mouvement ouvrier (grève de Tubacex, etc.) et les autres mouvements sociaux.
Son caractère unitaire et son fonctionnement démocratique vont de pair, même si cela n’a pas toujours été facile. En particulier lorsque certains secteurs minoritaires et non représentatifs ont utilisé l’approche consensuelle pour bloquer des initiatives soutenues par des majorités hautement qualifiées. Ce conflit a été résolu en combinant la représentativité avec la prise de décision à la majorité lorsque cela était nécessaire.
Troisièmement, et non des moindres, sa persistance ne peut être comprise sans son caractère autonome et indépendant. Malgré le fait qu’avant même son premier anniversaire, certains médias (El Mundo, entre autres) ont commencé à le harceler et à le démolir, l’accusant, dans un premier temps, d’être manipulé par Podemos et la Gauche Abertzale, puis uniquement par la Gauche Abertzale, le mouvement reste fidèle à un élément central de son identité : être unitaire et respecter la diversité, libre de tout lien politique, indépendant des partis et des gouvernements. C’est ce qui lui a permis non seulement de dialoguer avec tous les syndicats et toutes les forces politiques, mais aussi d’avoir ses propres critères face aux décisions que certaines forces politiques proches du mouvement (comme UP ou EH Bildu) ont pu adopter sur la question des retraites à un moment donné.
Enfin, la persistance du mouvement est également due, il ne faut pas l’oublier, au fait d’avoir réussi à renverser le blocage imposé par Rajoy sur la revalorisation des pensions et à empêcher la mise en œuvre du facteur de durabilité qui allait réduire de plus en plus intensément les pensions initiales, à la tension permanente pour promouvoir des initiatives de manière régulière (il y a le calendrier des manifestations au-delà des rassemblements hebdomadaires que le mouvement a développés) et la mise en place d’un bulletin électronique (distribué à plus de 4000 personnes inscrites) qui, semaine après semaine, fournit des informations et une réflexion non seulement sur les questions directement liées aux pensions, mais aussi sur toute une série de questions sociales, économiques et politiques qui touchent les retraités et permettent de comprendre la place du mouvement dans la société : les luttes d’autres secteurs (féminisme, mouvements ouvriers ou étudiants, environnementalisme), les politiques fiscales ou énergétiques, le démantèlement du système public... qui alimentent la réflexion sur les politiques gouvernementales ou communautaires, donnent des raisons de continuer sur la brèche et valorisent leur activité.
Des initiatives en cours
Le plan d’initiatives immédiates du mouvement basque des retraités couvre un large éventail de questions :
• Soutien et participation aux manifestations du dimanche 23 janvier, à l’appel des syndicats d’Osakidetza (Service basque de la Santé), pour exiger une augmentation immédiate des effectifs pour faire face à l’effondrement, en particulier, mais pas seulement, des soins primaires, et pour permettre la reprise de soins de santé décents, en récupérant ce qui a été interrompu par la pandémie. Dans la note de soutien aux mobilisations, le mouvement des retraités dénonce le fait que « non seulement ils nous ont obligé à payer de notre poche d’abord les masques et ensuite les tests antigéniques et même les tests PCR, mais ils nous ont même rendus responsables de notre propre contrôle de la pandémie, du confinement, de la médication et du contrôle de nos contacts. Ces problèmes s’ajoutent aux difficultés que nous rencontrons pour accéder à des soins en face à face non filtrés, indispensables à un bon diagnostic, et aux fermetures temporaires de centres de santé ou de PAC (points de soins continus), indispensables à des soins de qualité ».
Bien qu’elle n’ait pas encore été approuvée, il est prévu qu’elle soutienne les mobilisations à Bilbao, Donostia-San Sebastian, Vitoria-Gazteiz et Iruña-Pamplona de la majorité syndicale basque le 30 janvier contre la réforme du travail, en défense du cadre basque des relations de travail et en particulier en faveur de la priorité des accords provinciaux et régionaux pour empêcher l’application des accords d’État, qui comprennent des conditions salariales et sociales plus mauvaises, et des licenciements à bas prix. Ces mobilisations seront accompagnées de rassemblements sur les lieux de travail la veille du vote sur la réforme du travail.
• Une mobilisation coïncidant à l’échelle nationale - c’est-à-dire avec toutes les plateformes et tous les mouvements de retraité.es du reste de l’Espagne - le 12 février, avec deux thèmes centraux : a) la dénonciation de la perte des pensions avec le nouvel IPC et la demande d’application de l’ancien ; b) la demande d’une pension minimale de 1080 euros.
• Dans les prochaines semaines, il prévoit de préparer un plan de mobilisations soutenues jusqu’à l’été. Elle combinera trois thèmes : la poursuite des retraites, à la fois pour exiger l’abrogation des mesures régressives des réformes de 2011 et 2013 toujours en vigueur et les nouvelles issues du Pacte de Tolède de 2020, la question de la santé et de la vie, problème accentué par la pandémie, et le soutien aux luttes visées et dépendantes de la réforme du travail. Un aspect qui réunira les mobilisations des retraités et des actifs est celui de la revalorisation des pensions et des salaires, puisque les employeurs ont l’intention d’appliquer aux salaires le nouveau mode de calcul de l’IPC qui est appliqué cette année aux pensions, même si dans les accords actuels, c’est le critère traditionnel qui est appliqué.
Ainsi, pour conclure, s’il y a un élément à souligner en ce quatrième anniversaire du mouvement des retraité·es basques, c’est l’intérêt de persévérer dans la mobilisation qui a débuté le 15 janvier 2018. Espérons que son exemple servira également à renforcer le mouvement des retraité·es à l’échelle nationale et que la confluence des mouvements de retraité·es améliorera le rapport de force face aux politiques gouvernementales.
22/01/2022
Mikel de la Fuente et Josu Egireun