Depuis le début de l’intervention française au Mali en 2013 avec l’opération Serval, la France a mené cette guerre comme elle l’entendait, sans prise en considération de l’avis des autorités du pays et a fortiori des populations.
En terrain conquis
Dès le début, au nord du Mali, l’armée française a travaillé de concert avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) organisation armée de Touaregs qui était pourtant à l’origine de la crise avec ses attaques au nom de l’indépendance de l’Azawad. Paris a laissé leur milice s’installer notamment aux alentours de Kidal, sans faire aucun effort pour que l’État puisse reprendre ses prérogatives dans cette région. Beaucoup de MalienEs ont vu, dans l’alliance entre l’armée française et le MNLA, un mépris de l’intégrité du territoire du Mali, en tous cas une complicité problématique.
Crédit Photo Wikimedia commons
Puis, la guerre s’éternisant et en l’absence de résultats tangibles dans le domaine sécuritaire, les populations, lors d’une Conférence d’entente nationale tenue en avril 2017, appelaient à ouvrir un dialogue avec les groupes armés islamistes. Là aussi la France s’y est opposée et a fait des pressions considérables pour éviter que les pourparlers ne s’engagent. Ainsi c’est trois ans après, au vu de la dégradation de la situation, que le gouvernement malien d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a commencé à prendre langue avec les rebelles dans certaines régions du pays.
L’état-major de l’armée française a défini lui-même ses priorités d’intervention, actuellement sur la région dite des trois frontières du Mali, Burkina Faso et Niger, en redimensionnant ses emprises sur le terrain. Là aussi un choix imposé aux autorités du pays.
Mépris aussi, lorsque les autorités françaises affirment leur innocence dans le bombardement du mariage du village de Bounti le 3 janvier 2021. Pourtant les résultats de l’enquête diligentée par l’ONU confirment bien la responsabilité de l’armée française dans cette tragédie où 19 personnes ont trouvé la mort.
Silence dans les rangs
Par contre, quand Toumani Djimé Diallo, l’ambassadeur malien auditionné par le Sénat en février 2020, se permet une critique sur le comportement des militaires français à Bamako, c’est aussitôt l’indignation générale. Christian Cambon, président de la commission de la défense du Sénat, menace d’un retrait des troupes françaises. L’ambassadeur est rappelé à Bamako et le ministre des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, doit se déplacer pour faire amende honorable.
Pour Macron et Le Drian, la junte est illégitime. On dénie au Premier ministre malien le droit d’émettre une critique sur la réorganisation de Barkhane à l’Assemblée générale de l’ONU. On conteste aux autorités le droit de contrôler les troupes étrangères qui s’installent au Mali. Rappelons que le dossier d’acception pour les troupes danoises était toujours en cours d’étude. On réprouve le souhait du Mali de revoir les accords militaires passés entre les deux pays.
Wagner, la mauvaise partition
Avec IBK, les choses étaient claires, pour Paris il était légitime, peu importe si sa seconde élection était entachée de fraudes électorales et, surtout, il disait oui à tout. La junte militaire c’est différent. Non qu’elle soit plus progressiste ou plus nationaliste, elle tient seulement compte du rapport de forces qui s’est installé depuis un an et demi suite aux mobilisations populaires. Faute de pouvoir présenter des succès, la junte fait miroiter aux populations que les mercenaires de Wagner seraient la solution. Rappelons que Wagner s’est pris une sérieuse défaite lors de son intervention dans l’État de Cabo Delgado au Mozambique contre les djihadistes. Quant à la Centrafrique où ils interviennent, le pillage du pays s’accompagne de nombreuses violations des droits humains.
La situation au Mali, comme dans les autres pays du Sahel ne se réglera pas par les armes. Les djihadistes ainsi que les autres groupes armés prospèrent sur les conflits faute d’une intervention efficiente de l’État. Il y a au moins deux problèmes majeurs : la stigmatisation de la communauté peule, associée à tort aux groupes djihadistes, nourrissant des oppositions intercommunautaires ; la compétition pour l’accès aux ressources qui devient notamment, avec la crise climatique, de plus en plus conflictuelle. Il y a donc besoin d’une médiation reconnue par tous et assise sur l’autorité de l’État. C’est un processus qui est long mais bien plus efficace et surtout moins coûteux en vies humaines que d’essayer de régler les problèmes par les armes.
Paul Martial