La présidente du Medef, Laurence Parisot, était « fumasse », paraît-il, lorsqu’elle a appris qu’après les 8,5 millions de prime de Noël Forgeard, un autre dirigeant EADS (J.-P. Gut) s’apprêtait à empocher 12 millions ! Ce qui l’énerve, c’est que Sarkozy va être obligé de légiférer sur les « parachutes dorés », qui ternissent le capitalisme. Sarkozy s’est donc « parachuté » sur le site Airbus de Toulouse, à peine entré dans sa fonction élyséenne. Il a même partagé la cantine avec les salariés.
La question d’Airbus synthétise bien les rapports du salariat aux décideurs politiques d’aujourd’hui. Premièrement, il y a le refus des gestions libérales. Les salariés Airbus de Saint-Nazaire et de Nantes ont montré, par leur grève, qu’ils tapaient là où cela fait mal. La grève de l’entre-deux tours [1] a contraint Airbus à relever légèrement les augmentations générales de salaire mais, si les syndicats avaient amplifié le mouvement plutôt que de le laisser pourrir, ils avaient beaucoup de cartes en main pour installer un vrai rapport de force global. Car, deuxièmement, les salariés veulent un pouvoir politique qui rompe avec le laisser-faire traditionnel.
Sarkozy l’a compris. Sauf qu’il entre maintenant dans les vrais rapports de force internationaux. Après avoir dit, en avril, qu’il ne se sentait « pas tenu » par le plan Power 8 et que l’usine de Méaulte resterait à Airbus, il recule (vente de Méaulte à Latécoère ou à un autre repreneur) et défend les 10 000 licenciements. Il voudrait un seul PDG d’EADS et il semble envisager des capitaux publics, provisoirement. Mais les actionnaires, ou Angela Merkel, ne l’entendent pas ainsi, ou ils vont faire payer cher un compromis.
Contre le bonimenteur président, les salariés ont besoin d’une stratégie nette sur le fond. Airbus n’est pas en faillite (les actionnaires ont empoché 96 millions d’euros de bénéfices). Cela implique le retrait du plan Power 8, la défense d’un projet de groupe public européen de l’aéronautique et la coopération contre la logique prédatrice du marché mondialisé. Cela implique la renationalisation en France. Les salariés de l’aéronautique ont besoin qu’on soutienne leur savoir-faire et leur collectif de travail. La vie de régions entières en dépend.
1. Rouge du 17 mai : Airbus : salariés virés, actionnaires choyés