“Depuis deux jours, les habitants de Wadas vivent dans la peur. Ils ont verrouillé la porte de leur maison. Ils n’osent plus sortir pour cultiver leurs champs, ni aller chercher de l’herbe pour nourrir leurs vaches. Les femmes ont cessé de tresser leurs paniers en bambou. Les enfants ne vont plus à l’école”, observe Koran Tempo.
Le mardi 8 février, plusieurs centaines de policiers armés sont entrés dans ce village, au centre de Java. Ils ont fait des descentes dans les maisons et jusque dans la mosquée pour arrêter les villageois qui s’opposent depuis des années à l’exploitation d’une carrière d’andésite et refusent de vendre leurs champs à cette fin. L’extraction de cette roche volcanique, qui va dévorer deux tiers des terres du village, est destinée à la construction d’un grand barrage dans la région.
Uut est le tout premier habitant à avoir été arrêté. La police l’accuse d’avoir diffusé de fausses informations et des contenus haineux via les réseaux sociaux avec le hastag #WadasMelawan (WadasRefuse).
“Selon le directeur régional de l’Institut d’aide légale, Yogi Zud Fadhli, la police a utilisé l’article 28 de la loi sur les informations et les transactions électroniques, qui interdit la diffusion de propos offensant l’ethnicité, la religion, la race et l’identité communautaire”, note Koran Tempo.
Une menace pour l’écosystème
Le chef de la division des relations publiques, l’inspecteur général Dedi Prasetyo, affirme que les affrontements à Wadas ont été déclenchés par un conflit entre les villageois qui soutiennent le projet du barrage et ceux qui s’y opposent. “L’objectif est d’améliorer le bien-être des agriculteurs en leur fournissant de l’eau pour leurs champs”, a-t-il déclaré au quotidien.
Un des représentants de la communauté de Wadas explique pour sa part que les villageois ne s’opposent pas au barrage mais à l’exploitation de l’andésite sur leurs terres :
“Cette extraction minière menace l’écosystème de la colline de Menoreh qui est une zone de captage et sujette à des glissements de terrain. Ce n’est pas une question d’argent. Quel que soit le montant de la compensation, nous ne vendrons pas nos terres.”
Alors que plus d’une centaine de policiers occupent toujours le village, les soutiens au combat des habitants de Wadas se multiplient dans le pays. La direction de la Muhammadiyah, deuxième plus grande organisation musulmane d’Indonésie, a même qualifié ces arrestations et intimidations de “terreur de l’appareil d’État”, et a promis de déployer une équipe juridique pour aider les habitants de Wadas à obtenir le respect de leurs droits.
Dans son éditorial, Koran Tempo rappelle que le village de Wadas n’est hélas pas le seul à subir ce type de pression dans sa lutte contre des projets stratégiques nationaux menaçant l’environnement : “D’après les données d’Amnesty International, rien qu’entre juin 2020 et juin 2021, des membres de la police [indonésienne] ont été impliqués dans au moins 17 cas de torture et dans la mort de 30 personnes.”
Koran Tempo
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