Le ministère des Affaires maritimes indonésien vient d’annoncer que 29 investisseurs étrangers étudiaient actuellement le potentiel de centaines de petites îles inhabitées de l’archipel pour y développer le tourisme. Conformément à un décret de 2020, ils se verront accorder un permis d’exploitation de trente ans renouvelable. Dans un article du 21 février, Koran Tempo explique : “Ce décret légalise de fait la privatisation des ressources naturelles dans les zones côtières, les mers et les petites îles. Il va donc à l’encontre de notre Constitution de 1945 et d’une décision récente de la Cour constitutionnelle.”
Le quotidien de Jakarta dénonce ces licences d’exploitation pour le tourisme ou l’extraction minière qui se multiplient depuis plusieurs années, encouragées par la loi dite “de création d’emplois” et qui déclenchent des conflits sans fin avec les communautés insulaires. Mais Parid Ridwanuddin, directeur de la campagne du littoral et des mers de l’organisation Walhi, la plus influente des ONG environnementales indonésiennes, attire l’attention sur un danger bien plus grave :
“Donner la priorité aux petites îles inhabitées pour les investissements étrangers est une très mauvaise politique, parce qu’elle occulte un des problèmes les plus importants auxquels il faut s’attaquer de toute urgence, à savoir la menace de disparition de nombreuses îles en raison de la crise climatique qui entraîne une élévation du niveau de la mer.”
L’activiste cite l’exemple de deux îles de l’archipel d’Enggano, au large de Sumatra, qui ont déjà disparu, englouties par les eaux. Les experts prédisent de nombreux autres cas : “Déjà en 2016, le Centre de recherche et de développement pour la géologie marine du ministère de l’Énergie et des Ressources minérales signalait que, sur les 111 petites îles-bornes, 83 seraient bientôt submergées”, rappelle Parid Ridwanuddin à Koran Tempo.
Avec plus de 17 000 îles, l’Indonésie est le plus grand archipel du monde. Ces 111 petites îles-bornes, bien que minuscules, sont essentielles pour le pays car elles sont les garantes de l’immensité de son territoire maritime. Depuis 1994, conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l’Indonésie bénéficie du statut d’État-archipel, qui lui accorde la pleine souveraineté sur toutes ses mers intérieures, aussi vastes soient-elles, et fixe ses frontières maritimes à 12 milles marins du point terrestre le plus extrême de chacune de ses 111 îles-bornes. Si l’une d’elle vient à disparaître, la frontière est ramenée à l’île-borne suivante, amputant l’archipel d’une partie de ses eaux, qui constituent 75 % de son territoire national.
Koran Tempo
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