Une mise en context
Depuis bientôt cinquante ans, le mouvement national corse se bat pour ses droits face à un Etat français qui applique les lois les plus réactionnaires d’Europe sur les droits des minoritaires nationales présentes au sein de leur territoire. Pourtant, au sein de la collectivité territoriale corse mise en place depuis 2015, le peuple corse a porté en 2021, pour la deuxième fois, une large majorité de partis du mouvement national.
Même des revendications minimales comme l’autonomie, le bilinguisme, le rapprochement des prisonniers politiques, portées par cette majorité ont été systématiquement refusées par les gouvernements français. Ces dernières années, le gouvernement de Macron a fermé la porte à toute discussion.
Le peuple corse n’a ni la maîtrise de son sol ni de son économie et de dispose pas de la souveraineté politique. Comme pour d’autres nations sans Etat, la lutte pour l’émancipation sociale et la fin de l’exploitation capitaliste se couple en Corse avec les revendications d’émancipation nationale.
Depuis plus d’une semaine, la jeunesse corse qui n’a pas connu les années de la lutte clandestine du FLNC, est descendue dans les rues des principales villes de l’île pour clamer sa colère après la tentative d’assassinat dont a été victime le militant indépendantiste Yvan Colonna dans la prison où il est incarcéré. Emprisonné en France depuis 2003, Yvan Colonna a été condamné à la perpétuité, sans preuve, pour le meurtre de Claude Erignac, préfet de Corse, en 1998.
Cette tentative d’assassinat contre Yvan Colonna n’aurait pas pu avoir lieu si comme la loi française le permettait, il avait été libéré après 19 ans de réclusion. De plus, il subissait le statut particulièrement vexatoire de « détenu particulièrement signalé » (DPS) et était interdit de rapprochement en Corse, près de sa famille. L’Etat français a pratiqué depuis des années la vengeance d’Etat, refusant toutes ces demandes, de même que celles formulées par deux autres militants nationalistes, détenus et condamnés dans la même affaire.
Depuis cette tentative d’assassinat contre Yvan Colonna, qui est toujours dans un état critique, des milliers de Corses manifestent. Une nouvelle grande manifestation est prévue à Corte le 12 mars.
Pour exprimer votre solidarité avec la mobilisation populaire et les revendications du peuple Corse, envoyez vos messages à A Manca (organisation de la IVe Internationale en Corse, avec statut d’observateur) : contact a-manca.org.
Libération et amnistie des prisonniers politiques corses
Justice pour Yvan Colonna
Droit à l’autodétermination et à la souveraineté politique
Léon Crémieux
Lettre d’A Manca
Camarades,
Pendant que toute l’attention médiatique est focalisée sur la guerre en Ukraine, ce que nous pouvons comprendre, nous constatons un black-out sur la situation politique en Corse, dont les événements graves qui s’y déroulent actuellement.
La ligne des gouvernements Hollande et Macron sur la question nationale corse se résume à une négation du fait démocratique et à une tentative de liquidation par le pourrissement de la situation, et ce depuis 2015.
Cela fait 7 années que la direction majoritaire du Mouvement National d’essence réformiste et/ou libérale se heurte à des refus systématiques sur toutes les questions (Statut d’Autonomie, Langue Corse, Prisonniers politiques). Même les 70% de suffrages obtenus lors des dernières élections territoriales n’y changent rien.
La tentative d’assassinat du prisonnier politique Yvan Colonna, dans des circonstances qui jettent le trouble, a réactivé la lutte de masse en Corse. Il s’agit d’une mobilisation populaire sans précédent depuis 40 années. Cette mobilisation qui dépasse le cadre des organisations politiques s’est traduite dans un premier temps le 6 mars dernier par une manifestation de plus de 10 000 personnes dans le Centre de la Corse, chiffre que les médias essayent de minorer. Une répression hors-norme s’est abattue sur cette manifestation. Un de nos sympathisants d’origine kurde, membre actif du comité Corsica-Rojava, a été atteint de 3 tirs simultanés de Flashball occasionnant de graves blessures et fractures (comme indiqué par le médecin urgentiste qui l’a pris en charge).
Depuis ce Lundi 7 mars tous les jours la jeunesse se mobilise spontanément dans les villes corses et les affrontements sont de plus en plus violents. La jeunesse s’est autonomisée et s’est appropriée ce mouvement de révolte comme un catalyseur de tous les maux dont elle souffre (Salaires les plus bas, Poids du tourisme et l’économie résidentielle hors nomes, taux de chômage élevé, mal-logement, négation du droit à l’autodétermination, etc...). Elle se heurte à une répression sans borne (Ex : Une collégienne de 14 ans a été victime d’un tir de flashball dans la gorge hier). Le nombre de blessés radicalise un peu plus la réaction de la jeunesse qui n’écoute plus les consignes de modération de la part de l’État et des directions réformistes. Nous avons constaté sur Bastia une implication accrue de jeunes femmes, voire de très jeunes filles dans les combats urbains, ce qui ne s’était jamais vu et doit être mis en relation avec l’émergence d’un mouvement de jeunesse féministe très important en Corse depuis 3 ans.
Il y a donc dans ce mouvement de résistance de la jeunesse corse une dimension de classe et une dimension féministe, mouvement qui est soutenue par la population indigène. Encore ce soir, toutes les villes corses ont connu plusieurs heures d’affrontements. Une manifestation aura lieu Dimanche prochain.
Investi.es parfois pour certains d’entre nous depuis 40 ans dans la lutte de libération nationale du peuple corse nous partageons l’analyse qu’un tel climat pré-insurrectionnel ne s’était plus vu depuis 1980. A la différence que cette génération qui se heurte à l’appareil d’État préfère l’action directe de masse à la lutte armée clandestine. La situation politique est suffisamment sérieuse pour que tous les militant.es internationalistes s’intéressent également à ce qui ce passe en Corse et témoignent de leur solidarité.
A Manca (Corsica)