C’est officiel, après la non-réponse des anglo-saxons à la décision de Poutine de passer au niveau 2 de la menace nucléaire, et malgré la réponse isolée de la France avec l’envoi de 2 SNLE de plus en haute mer, la dissuasion nucléaire est bel et bien trépassée, car si personne ne joue le jeu, il n’y a plus de jeu
Rappelons 2 faits
1- La doctrine McNamara [1] ou doctrine de la riposte graduée est la stratégie de défense choisie par les États-Unis fixant sa doctrine nucléaire. Apparue en 1962, elle définit que l’arme nucléaire américaine pourra être utilisée de manière graduée (avec plus ou moins de puissance) suivant le niveau de menace présent. Cette doctrine permet donc de faire comprendre à l’URSS la détermination des États-Unis à utiliser cette arme si nécessaire, tout en soulignant que son utilisation, graduée, n’engendrerait pas automatiquement une destruction massive des deux superpuissances.
2- Les variantes selon la doctrine française : Selon Bruno Tertrais [2], le système repose « sur un dosage subtil de transparence et d’ambiguïté calculée » : transparence sur la capacité d’armement pour convaincre l’ennemi de la puissance nucléaire dont on dispose et ambiguïté sur les ripostes envisagées en cas d’attaque pour que l’ennemi ne soit pas en mesure de calculer précisément les conséquences d’une frappe.
Dans son ouvrage Repenser les choix nucléaires (Presses de Sciences Po, 2022, 26 euros), Benoît Pelopidas estime que la dissuasion nucléaire est « un pari sur la vulnérabilité comme condition de la sécurité ». Ainsi, le choix de la dissuasion revient, pour un Etat, à se dire que « ne pas pouvoir protéger sa population n’est pas un problème, car l’ennemi n’attaquera pas. Cela suppose aussi qu’il n’y aura pas d’accident. Et cela suppose surtout que l’ennemi sera intimidé par la menace nucléaire et que cette peur le rendra prudent ».
Ce qui, dans le cas de Vladimir Poutine, est loin d’être une certitude. « La doctrine nucléaire russe, qui a changé en 2020, considère cet arsenal comme une arme pouvant répondre à des attaques non nucléaires, mais conventionnelles, si l’existence même de l’Etat est en question, relève Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie (université Paul-Valéry Montpellier 3, Institut diplomatique de Paris). L’interprétation russe de l’engagement militaire européen en Ukraine peut poser un problème dans ce qu’elle considère comme mettant en question l’existence même de l’Etat russe. »
En fait, depuis le retrait des missiles “Perschings“ et “SS20“ avec les médecins de l’IPPNW, au début de ce siècle, je suis allé le dire à la Maison-Blanche à Washington et au 10 Downing Street à Londres, à la douma russe et, en personne, auprès des dirigeants de l’Inde et du Pakistan, et à des responsables chinois à Pékin. Sans succès, le scepticisme étant basé sur un seul point : on ne peut pas dire que la dissuasion atomique est morte tant qu’il n’y a pas une expérience en grandeur réelle.
CETTE CONDITION EST REMPLIE, et il n’y a pas eu de “riposte graduée ».
ALORS ? CHAMPAGNE ?
Ben non, pas vraiment :
• Car les armes nucléaires sont toujours là, de quoi réduire notre planète à l’état d’une assiette creuse sans aucune vie.
• Car la fin de la dissuasion transforme les “capacités“ atomiques en bateau ivre, et il n’y a pas pire que l’incertitude
• Car, de nouveau, comme au moment des missiles nucléaires russes à Cuba, un geste inconsidéré redevient possible.
Tout le travail de Pénélope, ou patiemment nous avons d’abord diminué fortement le stock d’armes grâce aux traités “START“, limité l’expansion par le traité de non-prolifération, bloqué une partie des modernisations avec le traité d’interdiction des essais nucléaires, et essayés de faire mieux encore avec le traité d’interdiction des armes nucléaires, est remis en question.
Pour nous, soignants de l’IPPNW (association des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire) la seule stratégie possible reste la prévention.
Nous sommes à nouveau dans une mobilisation mondiale, dans le contexte de la guerre d’Ukraine, pour empêcher tout dérapage.
Comme toujours, c’est le premier pas qui compte, d’où notre lutte, y compris avec nos collègues russes et ukrainiens, pour un CESSEZ LE FEU IMMÉDIAT.
Sur qui nous comptons ? Sur l’opinion publique mondiale : ce n’est pas gagné, mais c’est la seule planche de salut.
Dr. ABRAHAM BEHAR
MCU PH HON.
Président de l’AMFPGN ancien co-président de l’IPPNW