Contrairement à ce qui est dit, le Fatah al-Islam n’est pas à la solde du régime syrien. Apparu en novembre 2006, il a été financé et armé par les forces gouvernementales pro-occidentales de Fouad Siniora. Il s’agissait, à l’époque, de soutenir des groupes extrémistes sunnites pour contrer, au besoin par les armes, le Hezbollah chiite. C’est l’application à la lettre de la théorie néoconservatrice américaine du « chaos constructif », visant à la déstabilisation générale d’un espace afin de mieux s’y implanter.
Les combats de Nahar al-Bared permettent au gouvernements libanais et américain d’accuser une nouvelle fois la Syrie, l’isolant un peu plus. Surtout, ils permettent de renforcer la coopération armée entre les deux pays : le 24 mai, les États-Unis ont affrété six avions cargos à destination des forces armées libanaises. Il s’agit de tout faire pour isoler l’opposition conduite par le Hezbollah et le général chrétien Michel Aoun, qui, depuis novembre 2006, ont lancé une vaste mobilisation pour demander la démission d’un gouvernement aux ordres de la France et des États-Unis, auteurs de la résolution 1559 de l’automne 2004, demandant entre autre le désarmement du Hezbollah.
La création du tribunal international pour juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri s’inscrit dans la même logique : bénéficiant de pouvoirs extraordinaires, permettant des arrestations arbitraires et sans preuve, ce tribunal, sous contrôle direct du Conseil de sécurité de l’ONU, est une arme dirigée par les pays occidentaux contre le régime syrien, accusé d’office. Et à travers le régime syrien, c’est naturellement le Hezbollah et l’Iran qui sont indirectement visés. Soutenu par ses alliés libanais de la coalition gouvernementale, le bloc impérial France-États-Unis-Israël, a décidé d’en finir avec les deux régimes s’opposant à lui, ainsi qu’avec la résistance libanaise incarnée par le Hezbollah et ses alliés. Il s’agit ainsi d’empêcher l’opposition nationale libanaise d’arriver à la satisfaction de ses revendications : la démission du cabinet Siniora, la formation d’un gouvernement d’unité nationale, et des élections législatives anticipées.
D’autant que se profilent la présidentielle de novembre 2007, auxquelles le général Aoun, soutenu par le Hezbollah et ses alliés constitués de forces politiques nationalistes arabes, nassériennes, islamiques et de gauche, est candidat. L’émergence d’une direction nationaliste libanaise dans la région, non hostile à l’Iran et à la Syrie, opposée aux intérêts néocoloniaux de la France et des États-Unis, serait en effet une catastrophe pour ces derniers.