Avec 58,46% des voix exprimées, plus de 17% le sépare de Marine Le Pen, cependant plus de 34% de l’électorat s’est abstenu, ou bien a voté blanc ou nuls. Macron dépasse à peine ce pourcentage, puisqu’il est élu par seulement 38,52% des inscrits. Il est ainsi le président le plus mal élu au regard des onze élections de la Ve République (mis à part le gaulliste Georges Pompidou, élu avec 37% en 1969). Le PCF, alors principale force d’opposition, avait explicitement appelé à l’abstention).
Non seulement Macron est mal élu, mais la moitié de ses voix du second tour ne sont en rien un soutien de son bilan ou de son programme. Elles viennent d’un vote refus pour empêcher l’élection de Marine Le Pen, élection que les sondages du soir du premier tour présentaient comme une éventualité à prendre sérieusement en compte. C’est bien sur ce risque que Macron aura joué pendant 15 jours, devenant le champion de la lutte contre l’extrême droite, déclarant sur le programme de Le Pen : « c’est un programme raciste, qui vise à cliver la société et d’une grande brutalité ». Avec un cynisme sans limite, lui et ses ministres se seront donnés pendant quinze jours une image à 180° de leur politique des 5 dernières années, devenant soudain des opposants radicaux à une gestion violente et autoritaire de la société, s’offusquant, par exemple, des déclarations de Le Pen contre le droit des musulmanes de porter le voile dans l’espace public. L’essentiel des grands médias auront joué un rôle identique de rediabolisation en urgence du RN, « oubliant » qu’ils avaient eux-mêmes favorisé la banalisation des idées et du programme de l’extrême droite, en étant largement complaisants pendant des années envers les idées de Le Pen ou de Zemmour sur la sécurité, l’islam et l’immigration.
Même si le risque d’une élection de Le Pen s’éloignait dans les jours précédant le deuxième tour, le résultat est néanmoins sans appel : recueillant 13,3 millions de voix, l’extrême droite a réalisé le 24 avril son meilleur score dans une élection présidentielle, avec 2,6 millions de voix de plus qu’en 2017, là où Macron en aura lui-même perdu près de 2 millions. En 2002, Jean Marie Le Pen avait créé un cataclysme avec un score largement inférieur à celui de sa fille, 5,5 millions de voix.
Mais en « tordant le bras » de la partie de l’électorat de gauche qui aura voté pour lui, Macron aura réussi son objectif : assurer un écart suffisant avec Le Pen pour que sa victoire soit incontestable et éviter que le nombre des abstentions ne soit plus élevé que celui de ses propres voix. Ce résultat extorqué au forceps ne peut masquer une réalité évidente : le vote pour Macron au second tour, indépendamment de ceux et celles qui auront voté pour faire barrage à Le Pen, penche nettement dans le sens d’un vote bourgeois, de classe et d’un vote de « sécurité » de la part des retraitéEs et des couches les plus privilégiées du salariat.
L’extrême droite
D’un autre côté, l’hostilité envers Macron est largement majoritaire dans les classes populaires et l’extrême droite a, elle aussi, bénéficié d’un vote où la moitié de ses voix ne viennent pas d’une adhésion à son programme mais du refus d’un second quinquennat de Macron. L’extrême droite s’est mise en position politique pour tirer le maximum de profit de ce vote, cherchant à transformer son nouvel échec en tremplin pour les prochaines élections, y compris la présidentielle de 2027. La carte des résultats électoraux montre un vote Le Pen majoritaire dans 30 départements sur 100, notamment dans les régions populaires du Nord de la France et du littoral méditerranéen.
Avec cette élection, le parti d’extrême droite aura réussi de nouveaux pas décisifs dans sa banalisation, grâce à la présence de la candidature Zemmour qui a pu donner de Marine Le Pen l’image d’une femme politique respectable, grâce à la détestation de Macron qui a facilité l’utilisation du bulletin Le Pen pour « en finir avec Macron ». Cette banalisation croissante a été suffisamment forte pour que « le vote pour Marine » accentue sa présence dans des quartiers populaires. Le gain de voix pour Le Pen provient aussi ces dernières semaines de la question brûlante du pouvoir d’achat et la volonté affirmée par Macron, lors de sa campagne, de porter la retraite à 65 ans a exacerbé encore la colère. Le Pen a essayé durant la campagne du deuxième tour de s’adresser prioritairement à l’électorat de Mélenchon, en gommant au maximum les aspects islamophobes et sécuritaires, les questions de sécurité, en mettant en avant les questions sociales, notamment celles du pouvoir d’achat et des retraites, essayant de faire de son vote une sorte de vote de classe dévoyé.
Cela n’aura eu aucune conséquence dans de nombreuses zones urbaines, comme la région parisienne où Mélenchon était arrivé devant Macron au premier tour, s’appuyant notamment sur les départements populaires comme la Seine Saint Denis et le Val de Marne. L’abstention n’a pas progressé au second tour et l’électorat Mélenchon s’est largement reporté sur Macron qui réalise 73% des voix. Il en a été de même à Lille ou à Marseille.
Mais le contre-exemple le plus spectaculaire réside dans les départements français des Antilles, de Guyane ou à La Réunion. Là, même si l’abstention aura été nettement majoritaire pour les deux tours, le vote anti Macron avait été massif au premier tour, provoqué par la gestion de la crise sanitaire, le mouvement des gilets jaunes à La Réunion ; et aux Antilles, par le scandale de la distribution de l’eau, celui du pesticide chlordécone, sans oublier plusieurs semaines de grève générale à l’automne dernier. La colère sociale était synonyme d’un vote majoritaire pour Mélenchon au premier tour. Au second tour, le glissement aura été quasi automatique vers un vote Le Pen.
Un lit de braises sociales
Macron entame donc son mandat en s’asseyant à nouveau sur les cendres du Parti socialiste et des Républicains, mais, sous ces cendres, il y a un lit de braises sociales qu’il a lui-même attisées pendant son quinquennat et il va être confronté à deux pôles politiques, un d’extrême-droite, un autre d’une gauche s’affirmant comme radicale et antilibérale. Il aura obtenu exactement le résultat inverse de ce à quoi il s’engageait le 7 mai 2017, au soir de son élection : « Je ferai tout pour qu’il n’y ait plus aucune raison de voter pour les extrêmes ». Cinq ans plus tard, il a contribué à démanteler davantage la crédibilité politique de la social-démocratie et de la droite gaulliste, mais surtout sa politique aura exacerbé les tensions sociales, accentué les divisions.
Sur tous les fronts, des problèmes urgents se posent et le bilan des gouvernements Macron est sans appel. Les questions lourdes se sont accumulées et Macron va, d’une manière ou d’une autre, être confronté à la colère sociale : la situation a été aggravée par la pandémie dans les quartiers et les communes populaires, avec comme seule réponse des lois racistes et des violences policières, l’augmentation du coût de la vie, la faiblesse des salaires, la montée des inégalités, la précarisation des contrats de travail et les attaques contre les droits des chômeurs.
Macron ne promet pour son second mandat que de nouvelles attaques sur les retraites, le système public de santé et celui de l’Educations nationale. Pour imposer le passage de la retraite à 65 ans, le ministre de l’Economie sortant, Bruno Le Maire n’écarte pas le recours à l’article 49-3 de la Constitution permettant de passer au-dessus du débat et du vote parlementaires. Face à la misère du système de santé, la pandémie et les scandales apparus ces derniers mois dans les EHPADs, après des années de pénuries et de fermetures de lits, font toujours davantage ressortir l’exigence d’ouvertures de lits d’hospitalisations, d’embauches, d’un système public fondé sur les besoins de santé de la population.
Dans un autre domaine, la convention citoyenne pour le climat, pourtant organisée par Macron en 2019, a vu 90% de ses préconisations rejetées et la France a été deux fois condamnée pour son inaction climatique. Aucune des questions posées par les Gilets jaunes n’a été réglée et elles ont même été aggravées par la pandémie et les hausses récentes des denrées alimentaires et de l’énergie. Les féminicides, les viols et violences faites aux femmes, loin de diminuer se sont accrus ces dernières années et beaucoup de nouveaux drames font ressortir l’absence de prise en charge des plaintes, la passivité face aux criminels sexuels, l’absence de protection des victimes.
Malgré de fortes mobilisations aux Antilles, la seule réponse aura été une pirouette pour promettre l’autonomie et aucune réponse sur les questions sociales urgentes, les réparations exigées sur le chlordécone, les questions de l’eau, les dégâts de la crise sanitaires. En Kanaky, le pseudo référendum sur l’indépendance laisse frontalement posée la question du chemin vers la souveraineté kanake. De même, en Corse, tout dialogue a été rompu avec la majorité nationaliste.
Ainsi la liste est longue des motifs de colère que charrient les gouvernements de Macron. Toutes ces questions, laissées sans réponse depuis de longues années, ont usé les bases sociales des partis traditionnels, provoqué leur crise. Crise accentuée par un système politique concentrant tous les pouvoirs politiques réels au niveau national. Ce système accroit d’autant plus la colère contre les partis prétendant gérer l’Etat. Macron a évité de rendre des comptes pour sa politique libérale et autoritaire, là où le PS et Les Républicains, pour des politiques similaires, viennent d’être laminés. Mais cette esquive de Macron n’aura qu’un temps face à la colère sociale.
Les élections législatives
Les prochaines étapes politiques vont être les élections législatives des 12 et 19 juin, avec l’élection des 577 députés qui forment l’Assemblée nationale, chambre législative, devant laquelle est responsable le gouvernement, dans le système politique français.
Même si depuis l’existence du quinquennat existe une forte prime au parti du président fraîchement élu et écrase les oppositions, l’espoir existe que le contexte particulier de cette élection présidentielle modifie la donne. Généralement, les élections législatives voient un taux plus élevé d’abstention que la présidentielle, plus de 51% au premier tour il y a cinq ans. L’élection se fait au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, et il faut avoir obtenu, au premier tour, le vote de 12,5% des inscrits pour se maintenir au second. En pratique, pour un taux d’abstention équivalent à celui de 2017, cela représenterait, en moyenne, plus de 25% des voix exprimées.
Ce système évidemment amène à un écrémage radical et imposerait donc de larges unions électorales pour passer le 1er tour. La plus grande probabilité est donc une nouvelle majorité pour le parti présidentiel, rejeté par la grande majorité des électeurs, bâillonnant pendant cinq ans tout débat politique et faisant avancer le rouleau compresseur des réformes libérales… sauf si les six semaines perturbent ce scénario.
De nombreux enjeux différents sont présents pour cette élection et de nombreuses clarifications n’auront lieu que dans les jours qui viennent.
Evidemment pour Macron, l’enjeu des législatives est d’asseoir une majorité absolue (il ne dispose aujourd’hui que de 267 députés, même si 79 autres députés centristes participent à la majorité présidentielle), le but est de grapiller au maximum à ses marges, du côté de la droite gaulliste comme du côté du PS, pour essayer d’élargir son assise par des ralliements individuels.
Même si les élections législatives sont le prolongement de la présidentielle, le poids subsistant à l’échelle locale et régionale pour le PS et les LR fait contrepoids au score présidentiel de leurs candidates. Le PS, les Républicains et leurs élu.es apparenté.es sont bien plus présents dans les institutions départementales et régionales que ne l’est En Marche (le mouvement macroniste) : 685 conseillers départementaux pour le PS et 838 pour LR, (et un nombre équivalent pour les Conseils régionaux), largement devant les 400 conseillers départementaux et 118 conseillers régionaux d’En Marche. De même, dans les villes de plus de 30000 habitants, il y a 50 maires PS et apparentéEs, 99 LR et apparentéEs, 3 En Marche et alliés.
Le maillage politique institutionnel est toujours l’apanage des deux vieux partis traditionnels même si leur poids s’est effondré à l’échelle nationale. En Marche doit donc faire un effort, non pas en ayant une alliance nationale avec le PS ou LR, mais en essayant d’asseoir son poids sur des personnalités locales, les députéEs En Marche ayant souvent l’image d’élu.es hors sol sans réseau local. Macron veut éviter une éventuelle absence de majorité absolue.
A l’extrême droite, la ligne est simple. Il n’y aura pas d’alliance entre le RN et Reconquête ! le parti de Zemmour et de Marion Maréchal. Le but de Le Pen est même d’asphyxier Zemmour en imposant, comme à la Présidentielle, un vote utile au premier tour pour garantir la présence de l’extrême droite au deuxième tour. Marine Le Pen est arrivée en tête lors de la présidentielle dans 260 circonscriptions législatives et les premiers sondages lui donnent une fourchette de 75 à 100 députés. Cependant, les élections ne sont pas la stricte projection des votes nationaux. Présentant des candidat.es partout, le RN ne nourrit pas l’illusion d’être majoritaire à l’Assemblée, mais par contre de multiplier peut-être par dix son nombre de députéEs, qui ne sont que huit dans l’Assemblée sortante.
Par ailleurs, le financement public des partis politiques (66 millions d’euros annuels) est calculé moitié sur le nombre de voix recueillies aux législatives, moitié sur le nombre de députéEs éluEs. Pour Zemmour comme pour Le Pen l’enjeu est donc aussi financier, 55% des ressources déclarées du RN viennent aujourd’hui du financement public (soit 5 millions d’euros). Le RN compte bien transformer sa défaite présidentielle en tremplin pour les législatives et se consolider, malgré sa crise récente. Le RN aussi, comme En Marche, a une faible implantation institutionnelle locale et table sur les prochaines élections pour se construire, avec la présidentielle de 2027 comme objectif (peut-être avec une 4e candidature de Marine Le Pen). Dans tous les cas, fermer la parenthèse Zemmour est son objectif immédiat. Ce dernier n’a pour l’instant pas de perspective, d’autant moins pour les prochaines élections.
Pour Les Républicains (LR), la situation est dramatique. La pression ne vient plus tant du RN que du côté de la majorité présidentielle. Nicolas Sarkozy, dernier président LR élu, véritable « statue du commandeur » du parti gaulliste, a clairement marqué sa défiance envers la campagne et la candidate LR, son soutien explicite à Macron. Il ne cache pas, comme beaucoup d’autres responsables LR, son souhait que les gaullistes s’intègrent d’une manière ou d’une autre dans la majorité présidentielle. Les dirigeants du parti, divisés, voudraient essayer de sauver les meubles et l’existence du parti comme parti indépendant, comme ils l’ont fait en 2017 où ils avaient gardé un peu plus de cent députés. Mais ce nombre risque cette année d’être divisé par deux. L’issue est donc incertaine. Ainsi, le président du groupe parlementaire, Damien Abad, apparait favorable à sauter le pas pour se joindre à Macron dès aujourd’hui.
A gauche
Enfin, la grande nouveauté pourrait venir du côté de la gauche et de la gauche radicale. La France insoumise, entre les deux tours de la présidentielle, a fait une proposition de front commun pour les législatives, au PC, au NPA, à EELV pour une union autour des grands axes du programme « L’Avenir en commun » présenté par Jean Luc Mélenchon, avec comme objectif une majorité Union populaire à l’Assemblée nationale imposant Mélenchon comme premier ministre.
Le PCF a répondu positivement, sans émettre de divergences avec le cadre proposé par la France insoumise. Concernant EELV, la question est plus complexe. Le parti écologiste est lourdement endetté, ayant recueilli moins de 5% des voix. Le parti va être remboursé de ses frais de campagne sur une base de 800000 euros et pas des 8 millions sur lesquels il a construit son budget. La direction a décidé de « sauver les meubles », d’ouvrir les discussions avec la France insoumise, alors que leur candidat Yannick Jadot marquait ses désaccords avec Mélenchon tout au long de la campagne sur le respect du cadre institutionnel de l’Union européenne ou sur la retraite à 60 ans. D’ailleurs, de multiples voix discordantes se font entendre, Yannick Jadot lui-même refuse le leadership de Mélenchon dans cette union.
Sur le fond, EELV est partagée entre une ligne nettement compatible avec le social-libéralisme et une ligne plus radicale et proche de la France insoumise, représentée lors les primaires du parti par Sandrine Rousseau. Là non plus, les choses ne sont pas bouclées, loin de là.
Une surprise est venue il y a quelques jours du PS, qui n’était pas prévu dans l’équation proposée par la France insoumise. Le 19 avril, un Conseil national du parti, tout en faisant le bilan de la catastrophe financière et politique de la candidature d’Anne Hidalgo (1,75%) a majoritairement décidé de demander à la France insoumise de participer à la discussion pour les législatives, malgré le désaccord notable d’Anne Hidalgo et de plusieurs dirigeants historiques du parti. Alors que la FI disait jusque-là que l’accord ne pouvait s’élargir aux sociaux-libéraux, Jean Luc Mélenchon, deux jours plus tard se prononçait pour une alliance large, de Lutte ouvrière au PS. Manuel Bompard, porte-parole de la France insoumise pour cette négociation a tenu à rappeler, depuis cette évolution, que l’accord impliquerait pour le PS de se prononcer pour l’abrogation de la loi travail El Khomri (cocktail d’attaques sociales sur les droits collectifs dans l’entreprise), imposé par le gouvernement Hollande, le retour à la retraite à 60 ans et l’effacement de la réforme Touraine sur les retraites qui, là encore sous Hollande a instauré la retraite à 62 ans et une baisse des pensions, et l’acceptation par le PS du projet de la VIe République avancé par la FI, remettant en cause la Constitution de 1958.
Au total, ces discussions autour d’une Union populaire élargie, impulsées grâce un réel élan populaire autour de la campagne de Mélenchon, mélangent des dynamiques militantes avec des calculs financiers de sauvetage d’appareil et de maintien de groupes parlementaires. La question est de savoir laquelle des deux dynamiques l’emportera sur l’autre.
L’enjeu politique
Le NPA, s’est disposé, dès le départ, favorablement à un accord qui, basé sur le programme de « l’Avenir en Commun » ne pourrait donc se faire qu’en rupture avec les bases sociales-libérales du PS, et par aussi une clarification d’EELV sur ces axes. Il s’est aussi prononcé pour que chacun garde son identité et qu’il n’y ait aucune obligation de participation et de solidarité a priori avec un gouvernement issu d’une éventuelle majorité.
L’objectif électoral d’une majorité « Union populaire » à l’assemblée impose sur le papier, en un mois une mobilisation militante locale exceptionnelle contre l’atonie habituelle des élections législatives, d’autant que Mélenchon n’est arrivé en tête que dans 105 circonscriptions législatives sur 577.
Dans tous les cas, l’enjeu politique est bien réel. Pour la première fois à gauche, depuis très longtemps, apparait la possibilité de construire un front politique et social, un front d’action commune autour d’axes politiques et sociaux de rupture avec le social-libéralisme, même si le cadre est circonscrit aux élections législatives et donc dans un but uniquement institutionnel. Le programme de Mélenchon et la construction de la France insoumise se sont faits en rupture explicite avec le quinquennat de François Hollande de 2012/2017 et la dérive sociale-libérale du PS.
Même si le programme de « L’Avenir en commun » est avant tout un programme électoral dont l’Union populaire envisage la mise en œuvre par l’obtention d’une majorité parlementaire, la polarisation politique des dernières semaines pose des questions qui vont au-delà de l’échéance de juin dans le prolongement des luttes sociales des dernières années. Car l’enjeu pourrait être, à une échelle plus large, et en dépassant ce qui a été fait par la France insoumise avec le parlement de l’Union populaire, de créer un creuset politique et social qui permette la présence et l’activité d’un front militant d’action dans les villes et les quartiers populaires. L’enjeu serait de changer la situation, notamment face à l’extrême droite et aux dérives réactionnaires, en permettant que des axes de justice sociale, de droits sociaux et démocratiques, de lutte contre les exclusions et les discriminations s’imposent dans le débat public autour des luttes sociales, et dans des mobilisations rassemblant des courants militants aujourd’hui éclatés.
Un front commun pour les législatives pourrait dès lors être un tremplin pour un tel projet, à condition évidemment que la présence du PS ne vienne pas brouiller l’image de ce rassemblement et le transforme en « tambouille électorale » sans principe aux antipodes des combats sociaux des dernières années.
De nombreux axes mis en avant par la campagne de la France insoumise entrent en écho avec des positions, des exigences avancées par le NPA et Philippe Poutou lors de sa campagne. Sur d’autres points, le NPA développe un programme anticapitaliste qui évidemment va plus loin et, surtout, lie ce programme à la nécessité de mobilisations sociales, même pour réaliser les objectifs les plus élémentaires de justice sociale, ainsi que la nécessité de s’affronter au pouvoir et aux leviers politiques dont disposent les capitalistes. Cela n’est pas qu’une question de majorité parlementaire et rejoint le bilan imparable des expériences de Syriza et de Podemos. Néanmoins, un accord même électoral sur quelques points essentiels serait un pas en avant concret. Par ailleurs, si au lendemain du 19 juin, un groupe de front large autour de l’Union populaire rassemblait ne serait-ce que 100, 50 ou même 30 députés, la perspective qui se poserait à tout le monde serait bien celle de la construction de ce front militant politique et social.
Beaucoup de choses seront clarifiées dans les jours qui viennent, jusqu’à la date butoir du 7 mai, avec une convention de lancement de la campagne. Beaucoup de courants militants espèrent une issue positive à ce processus.
Léon Crémieux