I. Le gouvernement Legault à l’aulne de la résistance populaire
Spécialiste en communication et en manipulation politique, le premier ministre tente d’éviter que l’on puisse faire un bilan sérieux de son premier mandat. Pour ce faire, il cherche à se présenter comme le grand défenseur de la nation québécoise, de sa langue et de sa culture. Les communautés culturelles et les personnes migrantes en général constitueraient un danger pour la nation québécoise et son avenir.
Voici une revue des politiques du gouvernement caquiste de ces quatre dernières années dont la caractéristique fondamentale est qu’elles constituent des attaques contre les intérêts de la majorité populaire.
A) Refus de s’attaquer de façon urgente à la crise climatique et à ses conséquences
La CAQ a déposé son Plan pour une économie verte (PEV) en octobre 2020. Ne tenant aucun compte des recommandations du GIEC, il reprend la cible de réduction de GES du gouvernement Couillard, soit une réduction de 37,5 % pour 2030. Mais le ministre de l’Environnement et la lutte aux changements climatiques affirme que les mesures prévues ne permettraient l’atteinte que de la moitié de cette cible déjà insuffisante. Et le gouvernement continue de se fier à la Bourse du carbone (SPEDE) alors que cette dernière n’en finit pas de démontrer son inefficacité en matière de réduction des GES.
Le gouvernement se vante aujourd’hui d’avoir interdit toute exploration et toute exploitation d’énergies fossiles sur le territoire québécois. Voilà une demi vérité. Car, le gouvernement définit le gaz naturel (tiré des sables bitumineux) comme une énergie de transition profitable pour le Québec. Hydro-Québec a signé une entente avec Energir qui coûtera au Québec plusieurs centaines millions et qui permettra la conversion de bâtiments alimentés au gaz vers l’électricité tout en continuant de recourir au gaz pour les périodes de pointes hivernales.
Dans le domaine des transports, le gouvernement Legault, dans ses différents budgets a continué de donner la priorité aux infrastructures autoroutières au détriment du transport public. Il s’est entêté à défendre son projet de tunnel sous fluvial dans lequel il est prêt à investir près de 10 milliards de dollars. Refusant toute transformation importante des modes de transport, il n’hésite pas à voir dans la reconstruction d’un parc d’automobiles électriques (avec tous les dangers d’un nouvel extractivisme à la clé) la solution à l’urgence climatique.
Le gouvernement parle de croissance verte. Et au nom de cette croissance, il continue de distribuer généreusement les fonds publics aux entreprises sans même vérifier si les fonds distribués contribuent à une réelle réduction de GES.
En somme, le gouvernement Legault est un gouvernement irresponsable face à l’urgence climatique et il a le toupet de prétendre au rôle de leader dans cette lutte, la lutte aux changements climatiques. Jeter de la poudre aux yeux est le cœur de ses pratiques effectives à ce niveau.
B) Gestion autoritaire et manipulatrice de la pandémie de la COVID-19
Le gouvernement fait, en ce moment, une campagne publicitaire pour se vanter de sa gestion de la crise de la Covid. Mais la triste réalité c’est que le Québec a le pire taux de décès COVID au Canada, selon les données officielles de l’Institut National de la Santé Publique du Québec (INSOQ) [1]. Dans un premier temps, le Dr Arruda a affirmé que les masques étaient inutiles, sinon dangereux, car ils donnaient une fausse impression de sécurité. Le nombre de morts dans les CHSLD et autres foyers pour ainé-e-s a été facilité par la circulation du personnel soignant entre les différents établissements. Le gouvernement a décidé d’expulser les personnes les plus vulnérables des hôpitaux (un millier au total) puis de ne pas les hospitaliser si elles tombaient malades de la COVID-19. Dans tous les milieux, l’accès à du matériel de protection efficace a relevé d’un perpétuel combat. Le discours gouvernemental cherchait à rejeter sur le dos de la population l’importance de la transmission pour se dédouaner du refus des investissements qui auraient été nécessaires pour protéger la population. Car ce qu’a révélé la pandémie, c’est la fragilité du réseau de la santé, la vétusté des écoles, la pénurie d’infirmières, d’enseignant-e-s et d’éducatrices.
C) Des investissements insuffisants en éducation et en santé
Les offres du gouvernement Legault aux travailleuses et travailleurs du secteur public ne prenait nullement en compte le retard de la rémunération de ce secteur face au secteur privé. Le gouvernement a prétendu ne pas avoir les sommes nécessaires pour offrir plus de 2% d’augmentation par année pour les employé-e-s du secteur public. Ces employé-e-s vont voir cet écart s’accentuer et encaisser une véritable chute de leur pouvoir d’achat en raison de la nouvelle poussée inflationniste.
Cette ronde de négociation s’est faite dans le cadre de la pandémie de la COVID 19. Le gouvernement a imposé une loi d’urgence sanitaire qui lui a permis d’imposer des décrets ayant pour effet de donner aux administrations du réseau de la santé le droit de suspendre certaines dispositions des conventions collectives : annulation de congés, modification des horaires, augmentation de la charge de travail. Sans parler des travailleuses et travailleurs envers lesquelles les administrations n’ont pas fourni les moyens de protection adéquate. Ces mesures ont eu des effets dévastateurs : épuisement professionnel, contamination par le virus et départs. Le manque d’investissements pour augmenter le personnel a fragilisé le secteur de la santé. En éducation, le caractère vétuste de nombreuses écoles est un fait avéré. Alors que la transmission se fait principalement par aérosols, le ministre de l’Éducation a tergiversé sur la ventilation des classes et a ainsi permis que les écoles deviennent des foyers d’infections.
C’est avec mépris que le gouvernement Legault a mené ses négociations avec les femmes travaillant dans les garderies. Il a fallu une mobilisation exemplaire de ces dernières pour arracher des concessions au gouvernement. Pire encore le gouvernement refuse, malgré les montants importants qui seront transférés par Ottawa, de profiter de ces sommes pour généraliser le réseau des CPE. Il persiste à soutenir les garderies privées non subventionnés, visant la recherche de profits, qui sont reconnus comme offrant une formation inférieure à celle donnée dans les CPE.
D) Appui au développement des inégalités dans la société québécoise
Le gouvernement Legault subventionne grassement les entreprises. Mais, il refuse de s’attaquer à l’évitement fiscal et aux paradis fiscaux utilisés par des entreprises afin d’éviter de payer leur juste part. Même la Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ) qui reconnaît investir dans les paradis fiscaux n’est pas mise au pas.
Mais le gouvernement refuse de hausser le salaire minimum à 18$ de l’heure. Il refuse de reconnaître la réalité de la crise des logements et d’investir pour augmenter la construction de logements sociaux. Il maintient un barème de l’aide sociale à un niveau qui ne permet pas aux bénéficierEs de pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels et sous-finance les organismes populaires. Prétendant s’attaquer aux effets de l’inflation, le gouvernement Legault distribue à 94 % de la population un chèque de 500$. Il promet un nouveau chèque s’il est réélu. Le gouvernement de la CAQ soigne son image mais, en fait, il refuse de s’attaquer réellement à la concentration de la richesse dans les sommets de la société.
E) Rejet de nombreuses demandes des Premières nations et dénégation de l’existence du racisme systémique
Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard a dénoncé les politiques de la CAQ envers les Premières nations. [2] Le refus du premier ministre de reconnaître le racisme systémique que vivent les Premières nations leur est apparu comme particulièrement inacceptable. Le gouvernement a refusé les propositions faites par l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador sur la protection de la jeunesse. Il a rejeté la demande d’exemption d’application de la loi 96 aux Premières Nations. Le Premier ministre Legault s’est adressé à Ottawa pour contester la législation fédérale reconnaissant une capacité de gouvernance des communautés autochtones (C-92) concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières nations, des Inuits et des Métis. Le gouvernement conteste la constitutionnalité de cette loi devant la Cour suprême du Canada. Malgré l’adoption unanime d’une résolution des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones par l’Assemblée nationale en octobre 2019, le gouvernement ne s’est pas engagé dans une véritable discussion pour veiller à la concrétisation des principes reconnus dans cette déclaration.
F) Politique de division de la population avec sa démagogie identitaire
En fait, le nationalisme identitaire et autonomiste du gouvernement Legault est impuissant et sans ambition. Il se fonde sur le mépris de la lutte pour l’indépendance du Québec et fait fi du sens d’une véritable souveraineté populaire du Québec sur son destin. Il demande des transferts en santé. Le fédéral refuse. Il affirme manquer d’argent pour la santé mais il envisage de baisser les impôts. Il présente l’immigration comme un danger mortel pour le Québec français et il ose parler de lousianisation du Québec. Il promeut un nationalisme conservateur, essentialiste et défensif qui augure de nouveaux reculs pour le Québec et il couvre cette politique de démission par une démagogie contre l’immigration qui donne de la légitimité aux discours xénophobes. Sa négation du racisme systémique appuyée par tous les chroniqueurs de la droite est révélatrice à cet égard.
G) Une urgence : en finir avec le gouvernement Legault
Bref, le gouvernement Legault a imposé des politiques calamiteuses à la majorité populaire. Il essaie maintenant de les masquer sous la couverture d’un nationalisme identitaire qu’il agite ouvertement tel un bon truc pour aller chercher plus de votes. La prochaine campagne électorale de la gauche sociale et politique doit permettre de jeter le plus de lumière possible sur le bilan désastreux de ce gouvernement. Le retour au pouvoir d’un tel gouvernement lui permettra de continuer sa dénégation de l’urgence climatique, ses attaques contre les acquis de la majorité populaire, l’organisation du détournement des richesses vers les plus riches de la société et la poursuite de sa politique de division de la société québécoise. Plus que jamais, face à la multiplication des problèmes qui frappent et qui frapperont encore la société québécoise alors que la crise climatique s’approfondit et que la récession économique s’annonce, il est nécessaire d’en finir avec un gouvernement qui a démontré qu’il est d’abord avant tout au service des profiteurs.
II. Québec solidaire, la seule alternative aux politiques néolibérales
Les deux grands partis qui ont dominé la scène politique québécoise depuis plus de trente ans, le Parti Libéral et le Parti Québécois, sont maintenant à l’agonie. L’usure du parti Libéral corrompu a ouvert la voie à un nouveau véhicule néolibéral. La CAQ a en même temps repris à son compte le nationalisme identitaire, terrain occupé jusqu’alors par le PQ.
Face aux politiques anti ouvrières, anti sociales et anti immigrants de la CAQ, Québec solidaire représente donc la seule alternative. Pour combattre la droite identitaire nationaliste il faut contraposer un projet d’indépendance socialiste, féministe et inclusif et nécessairement de changement social. QS est le seul parti bâti sur ces prémisses, il faut les mettre de l’avant.
Le défi sera de centrer la campagne sur les enjeux cruciaux auxquels nous devons faire face et ramener la campagne sur notre terrain. Le défi pour la société québécoise ne consiste pas uniquement à battre le gouvernement de la CAQ et ultimement prendre le pouvoir, mais à construire Québec solidaire comme parti qui joint le travail parlementaire à la lutte pour le renforcement des mouvements sociaux dans leur résistance aux politiques néolibérales et dans leurs aspirations à l’émancipation sociale et nationale du Québec maintenant ! L’élection d’un gouvernement solidaire ne peut se réaliser qu’en symbiose avec la mobilisation populaire pour un changement de société. Autrement nous demeurerons sur les sentiers d’un cadre politique où les figures sont imposées par la pression dominante qu’exercent les banques, les corporations et les think tank néolibéraux.
La promotion de l’indépendance doit être au centre de cette perspective. Peut-on imaginer un instant réaliser un contrôle populaire en reprenant de façon autonome les leviers économiques et juridiques, dans le cadre institutionnel de l’impérialisme canadien et de la pression que les corporations exercent au Québec ? L’assemblée constituante et l’accession à un Québec souverain représentent la seule façon de redéfinir les bases égalitaires avec lesquelles nous voulons et devons construire cette nouvelle société.
Le bilan de la gestion néolibérale au Québec, au Canada et au niveau international a amené notre planète au bord du gouffre. La logique du profit est contraire à tout projet de planification juste et respectueuse de l’environnement. Notre combat au Québec doit immanquablement s’insérer dans une perspective de liaison avec les mouvements progressistes dans le reste du Canada et dans le reste de la planète.
Plusieurs des éléments de la plateforme adoptée en décembre de l’année dernière vont dans ce sens, en voici quelques-uns :
- Réduction GES du Québec d’au moins « 55% par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030, en se rapprochant le plus possible de la cible de 65 %.
- Nationalisation sous contrôle régional de l’ensemble des industries produisant des énergies renouvelables.
- Amélioration de la protection des locataires contre les « rénovictions » et autres évictions abusives
- Mise sur pied d’une Commission d’enquête sur le racisme systémique et d’un programme d’accès à l’égalité en emploi
- Démarche d’assemblée constituante dès le premier mandat et en invitant les peuples autochtones à y participer.
- Transformer le 30 septembre, la journée vérité et réconciliation, en congé férié pour toutes les Québécoises et tous Québécois.
- Remise en question des accords et conventions internationales économiques et militaires signées par le Canada.
- Aménagement des corridors fauniques et adoption de normes minimales en ce qui a trait au traitement des animaux d’élevage.
- Droits des travailleurs et travailleuses à la libre négociation sans recours aux lock-out ou lois spéciales. Renforcement de la loi de santé-sécurité au travail et de la loi anti-scab.
- Participation démocratique aux élections municipales pour les personnes immigrantes avec résidence permanente.
- Attention particulière au droit à l’avortement ici et ailleurs dans le monde et solidaire de toute lutte exigeant la généralisation de ce droit.
L’Immigration, invention d’une menace imaginaire, sera-t-elle la question de l’urne ?
C’est bien ce qu’on doit comprendre. L’ensemble de l’œuvre de Legault, la loi 21, la loi 96, ses déclarations sur le Chemin Roxham auxquelles s’allie le PQ et sa récente affirmation selon laquelle le Québec risque de se transformer en Louisiane si la province ne contrôle pas davantage l’immigration, vont dans ce sens.
Québec solidaire possède tous les éléments pour y répondre. Nous sommes le seul parti politique en mesure de contrer cette propagande haineuse et nous possédons beaucoup d’alliés tant dans les organismes civils que dans la population. Nous devons nous préparer à faire face à cette situation même si nous devons tout mettre en œuvre afin d’amener le débat sur le terrain des réels enjeux politiques.
Notre victoire se mesurera en fonction de notre capacité à faire adhérer un plus grand nombre de personnes à l’urgence de changer les bases de cette société, à joindre QS et à comprendre le travail parlementaire comme un instrument pour y arriver, et non une fin en soi.
André Frappier
Bernard Rioux
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