Nous avons déjà explicité l’intérêt des observations nocturnes des Hétérocères. Le lecteur pourra retrouver ces informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts Nature en Ville.
Les observations et photographies sur le drap éclairé par une lampe Lepiled (lampe à diodes électroluminescentes) ont eu lieu du samedi 6 août vers 22h au dimanche 7 août vers 0h 30. Cette session se situe donc 15 jours après celle réalisée en juillet 2022 [1].
Nous avons donc retrouvé une bonne partie des espèces qui étaient présentes en juillet. La durée de vie des imagos, surtout en période chaude étant limitée, ce sont d’autres imagos issus de nouvelles éclosions qui ont été attirés.
Globalement nous avons constaté moins d’individus. Deux phénomènes indépendants justifient cette diminution. Le premier, bien connu des observateurs, provient de la lumière solaire qui est réfléchie par la surface de la lune et qui sert de repère pour les Hétérocères. Beaucoup moins d’hétérocères sont attirés par les pièges lumineux les jours de pleine lune (non cachée par une couverture nuageuse).
Le second est certainement lié à la période de chaleur et de sécheresse prolongée. Les insectes vivent moins longtemps et les éclosions s’étalent moins dans le temps.
Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères sont également attirés par ces radiations lumineuses : Coléoptères, Diptères, Hémiptères, Trichoptères…
Nous avons donc observé quelques coccinelles, des punaises, et de nouvelles espèces identifiées que nous allons présenter.
Diptères
Nématocères
Concernant les Diptères, nous avons observé un Chironome provenant de la mare attenante à notre emplacement.
L’ordre des Diptères se subdivise en deux sous-ordres : les Nématocères (antennes formées de plus de 3 articles de même taille) et les Brachyptères (antennes constituées de 3 articles ou formées de plus de 3 articles mais de taille très différentes).
Les Nématocères comptent environ 5000 espèces situées essentiellement dans les Tipules, Moustiques et les Chironomes.
Les larves des Chironomes sont très nombreuses par rapport aux nombre d’adultes et vivent beaucoup plus longtemps que les adultes dont le rôle principal est de se reproduire le plus rapidement possible. C’est pour cette raison qu’elles jouent un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire, d’une part en servant de nourriture à de nombreux poissons et dans la filtration de l’eau d’autre part, éliminant des polluants et reminéralisant le milieu. Ces larves sont bien connues des pêcheurs qui les désignent par vers de vase.
La larve, de couleur rouge sang, contient de l’hémoglobine. Cette substance réalise l’absorption de l’oxygène nécessaire aux développement de la larve qui vit souvent dans des eaux peu oxygénées.
L’adulte mâle n’ayant pu être photographié correctement sur le drap, il a été photographié malheureusement déjà mort le lendemain avec la lumière naturelle.
Le Chironome se caractérise par un thorax bombé, un abdomen assez long de l’ordre de 1 cm dépassant la paire d’ailes. Les six pattes sont fines et les tarses des antérieures sont très allongés. On notera les antennes « plumeuses » de ce mâle. La couleur bleutée sur l’aile droite provient des interférences occasionnées par l’orientation de la source et les microstructures de l’aile. Elles disparaissent avec une autre orientation de la source.
Chironome mâle, Beaumonts le 6 août 2022 ; cliché André Lantz.
Les très nombreuses espèces de chironomes ne peuvent être différentiées que par l’étude des génitalia.
Trichoptères
Concenant les Trichoptères nous avons observé un imago de l’espèce : Mystacides longicornis (Linnaeus, 1758).
L’ordre des Trichoptères regroupe environ 12 000 espèces mondiales. Les laves vivent dans les milieux aquatiques : mares, étangs, rivières… Elles se développent en construisant un fourreau au moyen de sable, graviers, bois qu’elles récupèrent dans l’eau. Certaines sont végétariennes et d’autres carnivores. Les adultes possèdent 4 ailes nervurées et recouvertes de poils. Les ailes de papillons (diurnes et nocturnes) sont munies d’écailles. Les membres de la famille des Leptoceridae possèdent de très longues antennes et ressemblent un peu aux papillons de la famille des Adelidae. Mystacides longicornis possède un corps et des ailes d’environ 8 à 10mm de long. Par contre les antennes annelées dépassent 2 cm. L’adulte vole en soirée.
Mystacides longicornis, Beaumonts, 6 août 2022 ; cliché André Lantz.
Les ailes antérieures sont assez sombres, mais une vue rapprochée et une image plus contrastée permet d’observer des bandes alternées de poils jaune et noir sur l’aile supérieure gauche de cet individu.
Hétérocères
Trois nouvelles espèces d’Hétérocères pour le parc des Beaumonts ont été observées lors de cet inventaire.
La première appartient à la famille des Géométridae. Il s’agit de la Phalène des pâturages ou l’Acidalie invariable : Scopula immutata ( Linnaeus, 1758). Cette espèce est restée quelque temps sur le drap mais s’est envolée avant la fin de la session. Cette gracieuse géomètre est caractéristique avec son fond blanc jaunâtre clair et ses lignes sinueuses transversales jaunes. Les points noirs discaux sur chaque aile sont bien marqués. La chenille consomme différentes plantes basses et affectionne les endroits frais ou humides : prés, bord des cours d’eau, lisières fraîches…
La Phalène des pâturages, Scopula immutata, Beaumonts, 6 août 2022, cliché André Lantz/
L’Acidalie invariable est bien répandue en France mais peu fréquente.
Notodontidae
La seconde appartient à la famille des Notodontidae qui regroupe en France seulement une quarantaine d’espèces. Les adultes sont de taille moyenne (envergure de 3cm environ) à grande (7 cm). Leur corps est assez volumineux. C’est dans cette famille que l’on trouve les processionnaires du pin et du chêne dont les chenilles grégaires tissent des nids collectifs et sont recouvertes de poils particulièrement urticants.
Le Museau Pterostoma palpina (Clerck, 1759) ne s’est posé, pas plus d’une minute vers 23h, avant de repartir. C’est la seule espèce dans la famille a posséder des palpes très allongés d’où son nom vernaculaire. La chenille consomme les feuilles de différentes essences arbustives : peupliers, aulnes, chênes, tilleuls…
Le Museau, Pterostoma palpina, Beaumonts, 6 août 2022, cliché André Lantz.
L’espèce est bivoltine. La première génération vole de d’avril à juin et la seconde de juillet à septembre. Cette espèce est considérée commune. Philippe Mothiron signalait dans son ouvrage en 2010 : Très commun partout , même en ville. Vol du mâle souvent assez tardif (minuit). Il est assez paradoxal que cette espèce n’ait pas été signalée dans les inventaires du département de la Seine-Saint-Denis depuis sa « dernière » observation par Gérard Brusseaux en 1993.
La troisième nouvelle espèce pour le parc est l’Hydrille domestique Proxenus hospes ( Freyer, 1831). Cette espèce ne se trouvait encore très récemment que dans les régions méditerranéennes, et sur la côte atlantique. Elle a migré rapidement vers le nord et a été observée récemment à Paris dans les jardins du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris par Partice Leraut. Elle a été observée également en 2020 par Alexis Borge en 2020 en Seine-Saint-Denis. Cette espèce est bivoltine. On rencontre l’adulte de mars à juin puis d’août à septembre. La chenille consomme diverses plantes basses. C’est un migrateur qui se retrouve en zone urbanisée.
L’envergure de l’adulte se situe entre 23 à 29 mm. L’aile antérieure est étroite à apex obtus, de couleur brun noirâtre. Les dessins sont vestigiaux. L’aile postérieure est blanche.
Proxenus hospes, Beaumonts, photo studio, 6 août 2022, cliché André Lantz
Proxenus hospes, imago préparé, Beaumonts, 6 août 2022, cliché André Lantz
Autres espèces observées
Tortricidae : Eucosma conterminana
Voir la photo sur l’inventaire du 23 juillet.
Pyrales : Agriphila straminella
Agriphila straminella, le crambe des chaumes, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Cliché Pierre Rousset.
Voici à quoi ressemble le crambe des chaumes à la lumière du jour et pas d’un flash.
Agriphila straminella, le crambe des chaumes, parc des Beaumonts, 1er août 2022. Cliché Pierre Rousset.
Ancylolomia tentaculella
Ancylolomia tentaculella, l’Ancylolome commun, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Homoeosoma sinuella
Elle est notamment reconnaissable à ses stries ocre sur le fond beige clair.
Homoeosoma sinuella, la Phycide du Plantain, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Sitochroa verticalis
L’atmosphère violette provient de la lampe à UV.
Sitochroa verticalis, le Botys vertical, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Géometridae : Ematurga atomaria
Ematurga atomaria, la Phalène picotée, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Horisme radicaria
Horisme radicaria, l’Horisme jumeau, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Idaea degeneraria
Idaea degeneraria, l’Acidalie dégénérée, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Noctuidae : Acronicta rumicis
Acronicta rumicis, la Noctuelle de la Patience, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Craniophora ligustri
Voir les photos sur l’inventaire du 23 juillet et du 28 mai.
Mythimna pallens
Mythimna pallens, la Leucanie blafarde, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Clichés Pierre Rousset.
Noctua janthina
Voir la photo sur l’inventaire du 28 mai.
Xestia c-nigrum
Xestia c-nigrum, C-noir, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Cliché Pierre Rousset.
Araignées
Cheiracanthium, Chiracanthe
Cheiracanthium sp.
Avec de tels chélicères*, l’individu photographié est probablement un mâle de Chiracanthe nourrice (Cheiracanthium punctorium). Des espèces proches, C. punctorium serait ici la plus commune, l’espèce semblant bien présente dans l’est de la petite couronne parisienne (INPN). Il existe 15 espèces appartenant à ce genre en France et il est nécessaire de faire les genitalia pour déterminer les identifier.
Cheiracanthium punctorium probable, Chiracanthe nourrice, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Cliché Pierre Rousset.
* Les chélicères sont deux appendices venimeux portés sur la tête par les araignées, les scorpions, les limules.
Blattaria, blattariens
Les blattariens regroupent les blattes et les termites. Les blattes sont aplaties, ovales et de couleur brun foncé, rougeâtre voire noir ou vert. Vu du dessus la tête est dissimulée par le pronotum. Les yeux composés sont généralement bien développés mais souvent absents chez les espèces cavernicoles et myrmécophiles. Les antennes sont longues et filiformes. Ils ont souvent deux paires d’ailes dont les ailes antérieures épaissies, bien qu’elles soient réduites ou absentes chez de nombreuses espèces [2].
Blattodea, Blattellidae
Ectobius est un genre de blatte de la famille des Blattellidae appartenant à l’ordre des Blattodea. Les espèces de ce genre sont principalement présentes en Europe, dans les régions paléarctiques et au Proche-Orient. Les adultes atteignent entre 6 et 12 mm de longueur et sont de coloration brune ou jaunâtre avec une marge plus claire. Les femelles sont généralement plus grandes que les mâles et ont des ailes plus courtes.
Ectobius
Ectobius, parc des Beaumonts, 6 août 2022. Cliché Pierre Rousset.
André Lantz le 12 août 2022.
littérature consultée :
– Guide des Mouches et des Moustiques, J. et H. Haupt, Delachaux & Niestlé, 2000
– Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France III Bombicoïdes, Philippe Mothiron
– Supplément hors-série au tome 23 d’Alexanor, 2010
– Papillons de nuit d’Europe, volume 2 Géomètres ; Patrice Leraut, N.A.P. Editions, 2009