Éric Dupond-Moretti ne manque pas de culot. Alors qu’il fait lui-même l’objet d’une mise en examen pour prise illégale d’intérêt durant son premier mandat de ministre, il dénonce le recours à « une justice de droit privé » et invoque les grande valeurs de la démocratie qui seraient remises en cause par les dispositions prises dans les partis politiques pour lutter contre les violences !
Or ce qui constitue aujourd’hui une atteinte majeure à la démocratie, ce n’est pas le fait qu’il y ait une mobilisation des féministes dans les partis politiques sur ces questions. Au regard des disparités entre hommes et femmes, tous partis confondus, c’est même une bonne nouvelle. D’ailleurs Marlène Schiappa s’empresse de faire valoir qu’à Renaissance, le parti de Macron, ils vont faire mieux que les autres.
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Les cellules de veille sur les violences sexistes et sexuelles dans les partis ne remplacent pas la justice. On devient membre d’un parti ou d’une association par la libre adhésion. Ce n’est pas un droit. Et on est libre de le quitter si on n’est pas d’accord. Quand les partis politiques, les syndicats, les associations établissent des règles concernant leurs adhérentEs, en conformité avec leurs principes, c’est leur droit. Ils n’empiètent en rien sur l’action de la justice.
Où est le scandale démocratique ?
La véritable atteinte à la démocratie, c’est le fait que la justice et la police s’avèrent incapables de répondre aux dizaines de milliers de faits de violences sexistes et sexuelles caractérisés qui sont dévoilés par les femmes. Lesquelles, depuis la révolution #metoo et #balancetonporc, ne se taisent plus !
Rappelons quelques chiffres : chaque année en France, 1,2 million de femmes sont victimes d’injures sexistes ; une salariée sur trois déclare avoir subi du harcèlement sexuel au travail ; plus de 200 000 femmes vivent avec un conjoint violent ; une fille de 12 à 15 ans sur six a déjà subi du harcèlement sexuel en ligne ; 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol ; en 2020, 100 femmes ont été assassinées par leur conjoint ; sept plaintes pour violences sexuelles sur 10 sont classées sans suite, et moins de trois sur 10 sont poursuivies ! Voilà bien un scandale démocratique.
N’en déplaise à Élisabeth Badinter, les exigences des nouvelles féministes sont déterminantes pour briser l’omerta patriarcale. Elles permettent que les femmes s’organisent collectivement et ne soient plus isolées face à un système patriarcal tout-puissant. Ces luttes sont porteuses d’espoir de transformations futures des relations entre hommes et femmes.
Une mobilisation qui doit se poursuivre
Novembre 2021, c’est le #Metoo politique avec une tribune parue dans le Monde, signée par de nombreuses femmes invitant à « écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes » de la vie politique. Cela a donné lieu à des révélations concernant plusieurs hommes politiques mis en cause pour violences et viols, dont certains en poste au gouvernement, comme Darmanin et Abad. C’est la force de la mobilisation féministe qui rend possible la mise en place de dispositifs de prise de conscience, de prévention et d’accompagnement des femmes à l’intérieur des organisations.
Les événements que nous voyons dans EÉLV et LFI ne signifient pas qu’il y a plus d’agresseurs dans ces partis. Au contraire, ils sont le signe d’une mobilisation importante des féministes et d’une possibilité d’expression ouverte dans ces partis.
Mais les problèmes que cela pose sont aussi nouveaux et doivent être traités au fur et à mesure, cela demande du travail, de l’énergie et de la réflexion collectives. Rien n’est simple et beaucoup de choses sont à inventer, à imaginer. Et on ne peut que regretter les réactions de repli, parfois hostiles, voire carrément haineuses que cela a déclenchées dans ces partis même. C’est bien le signe de la force de l’oppression patriarcale que nous devons continuer à combattre en renforçant ces collectifs et leur travail d’accueil de la parole des femmes qui permet de lever la chape de plomb dans les milieux militants !
Sonia Casagrande