Depuis 2002, la droite nous a asséné trois lois durcissant l’immigration et l’asile : loi Sarkozy de 2003, loi Villepin de 2003, loi Sarkozy de 2006... Les décrets d’application de la dernière loi Sarkozy à peine parus, en voici un nouveau projet pour une quatrième loi destinée à être adoptée en urgence dès juillet. Il est signé Hortefeux, « ministre de l’Intégration, de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Co-développement ».
L’intitulé à rallonge dudit ministère est, à lui tout seul, un programme. L’intégration est vue, non comme un processus naturel, mais comme une injonction à l’assimilation culturelle, préalable à tout droit. L’immigration doit être choisie pour son intérêt économique et réduite au minimum si elle est familiale. L’immigration est considérée comme une menace contre l’identité nationale, que le ministère prétend figer et protéger du métissage. L’aide au développement est subordonnée à la collaboration active des États du Sud, considérés comme gardes-frontières de l’Europe forteresse.
Avec ses quatorze articles, l’avant-projet de loi résume tout cela. La création d’un « contrat d’accueil et d’intégration pour la famille » implique une formation aux « droits et devoirs des parents ». Chacun connaît les discours délirants accusant les immigrés d’être de mauvais parents et la polygamie d’être l’origine de la révolte des banlieues. Hortefeux demande aux préfets de traîner les parents devant le juge pour enfants en cas de non respect dudit contrat, pour suspendre le versement direct des allocations familiales. Il sera exigé de l’immigré voulant faire venir sa famille, non plus le Smic, mais, selon le nombre d’enfants, jusqu’à 1,2 Smic, soit plus de 1 500 euros. Comme s’il n’y avait que les familles immigrées qui ne peuvent pas vivre décemment avec moins de 1,2 Smic ! C’est le Smic qu’il faut augmenter et non le seuil des ressources exigées pour le regroupement familial.
La famille désirant se regrouper en France devra savoir parler français avant de pouvoir partir et connaître les « valeurs de la République ». Avec le prétendu lien entre la délinquance et la langue d’origine parlée dans la famille, les relents néocoloniaux qui marquaient le rapport Bénisti sur la prévention de la délinquance reviennent au goût du jour.
Les réfugiés sont aussi dans le collimateur. L’Office public des réfugiés et apatrides (Ofpra), chargé d’examiner les demandes d’asile, ne relèvera plus du ministère des Affaires étrangères et passe sous la tutelle d’Hortefeux. Le droit d’asile, qui est pourtant une obligation internationale, deviendra une variable de la politique d’immigration choisie et de l’identité nationale. La France s’étant fait taper sur les doigts par la Cour européenne des droits de l’Homme à ce sujet, le ministre a dû consentir un droit au recours suspensif de 24 heures pour les demandeurs d’asile enfermés en zone d’attente.
Des indicateurs arbitraires d’intégration seront ajoutés aux rapports annuels sur l’immigration. Le but est de réduire l’immigration « subie » (familles, réfugiés...) et d’augmenter l’immigration « choisie » pour ses compétences professionnelles en fonction des commandes patronales. Pourtant, le regroupement familial ne débouchait déjà plus que sur 17 000 cartes de séjour en 2005, contre 26 000 en 2002. C’est encore trop pour un gouvernement qui voudrait que ce chiffre passe bien en dessous des titres de séjour délivrés pour raisons professionnelles : 14 000 en 2005.
On connaît déjà le coût humain de ces restrictions programmées par le projet de loi Hortefeux. Nécessité faisant loi, les familles se regrouperont, même au prix parfois de risques inouïs. Toujours plus de jeunes deviendront sans-papiers lorsqu’ils auront atteint la majorité. Se mobiliser contre cet avant-projet de loi est une urgence.
SANS-PAPIERS : Cap sur le 1er juillet
Le 1er juillet sera la première manifestation de l’ère Sarkozy contre les agressions anti-immigrés. Les collectifs RESF de l’est parisien, particulièrement exposés aux rafles répétées, ont pris l’initiative d’organiser une manifestation en « farandole ». Les petits ruisseaux de manifestants partiront de plusieurs arrondissements de Paris pour former une grande rivière, à 18 h, place Stalingrad, lieu de convergence, où alterneront musique et prises de parole. Les collectifs de sans-papiers et l’Ucij seront de la partie pour réclamer la régularisation de tous et le retrait du projet de loi Hortefeux.
Le début des vacances annonce, comme l’an dernier, une période difficile pour les sans-papiers et leurs enfants scolarisés. RESF va mettre en place des dispositifs de veille solidaire pour se mobiliser malgré la fermeture des écoles. La chasse aux sans-papiers se heurte aux mobilisations locales du RESF. Les descentes de police dans les entreprises, pour vérifier le droit au séjour des salariés, conduisent à des mobilisations impliquant directement le mouvement syndical, comme au Buffalo Grill de Viry-Chatillon (Essonne) ou au Paris Store de Thiais (Val-de-Marne).
Les objectifs du ministère des 25 000 expulsions et 125 000 arrestations exigent toujours plus de places dans les centres de rétention. L’ouverture de celui de Villeneuve-le-Roi, sur un terrain de l’aéroport d’Orly, a provoqué un rassemblement le 17 juin, à l’appel d’un large collectif « Ni ici, ni ailleurs ». La collaboration d’Air France dans les expulsions suscite de plus en plus de rejet. Le syndicat CGT d’Air France déclare : « Ce n’est pas à Air France d’assumer cette sale besogne », son devoir est « d’imposer un moratoire sur le transport d’expulsés. » Dans une lettre au patron d’Air France, le syndicat Alter des pilotes lui « demande officiellement de renoncer au transport contre leur gré d’immigrants expulsés », comme l’a fait de son côté Air Canada. La résistance s’étend et ne se laisse pas intimider par l’intronisation de Sarkozy.