Confronté à une révolte qui ne s’éteint pas en Iran, Téhéran cherche des boucs émissaires. La République islamique a lancé une nouvelle série de frappes de missiles et de drones, lundi 14 novembre, contre des groupes d’opposition kurdes iraniens basés au Kurdistan d’Irak voisin. Au moins une personne est morte et huit autres ont été blessées, selon des responsables locaux.
Téhéran accuse ces groupes, de longue date dans sa ligne de mire, d’attiser les troubles actuels en Iran. Des manifestations ont lieu quasi quotidiennement dans le pays depuis la mort en détention, le 16 septembre, de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini, après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran.
L’Iran a confirmé des frappes contre ce qu’il a qualifié de « groupes terroristes » basés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak (Nord), limitrophe du territoire iranien.
Le ministère des affaires étrangères irakien a « condamné avec la plus grande fermeté » ces frappes, qui « empiètent sur la souveraineté irakienne », assurant qu’il prendrait « des mesures diplomatiques de haut niveau », sans toutefois les détailler.
De son côté, la mission des Nations unies (ONU) en Irak a « condamné ces nouvelles attaques de drones et de missiles au Kurdistan qui violent la souveraineté de l’Irak ». Même réprobation de la part des Etats-Unis, qui ont appelé l’Iran à « cesser ces attaques et à s’abstenir de toute nouvelle menace contre l’intégrité territoriale de l’Irak », par la voix du porte-parole du département d’Etat, Ned Price.
Des missiles et des drones
« Cinq missiles iraniens ont visé un bâtiment du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) », a détaillé à l’Agence France-Presse (AFP) Tariq Al-Haidari, maire de Koysanjaq, une ville située à l’est d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. « Il y a un mort et huit blessés. Il s’agit de Kurdes iraniens », a détaillé le ministère de la santé de la région autonome.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré des panaches de fumée noire s’élever dans le ciel, après les frappes.
Au même moment, « quatre frappes de drones » ont visé des bases du Parti communiste iranien et du groupe nationaliste kurde iranien Komala dans la région de Zrgoiz, a expliqué Atta Seqzi, un chef de Komala, joint par l’AFP. D’après lui, les militants ont été « prévenus de l’imminence des frappes » et ils ont évacué les installations. « Il n’y a ni mort ni blessé », a-t-il ajouté.
Une source militaire iranienne a confirmé des attaques avec « des missiles et des drones » contre « des sièges des partis terroristes » en Irak. Les personnes visées étaient des « terroristes ayant activement participé aux émeutes des deux derniers mois, notamment en provoquant des incendies contre des banques et des bâtiments administratifs dans plusieurs localités » du Kurdistan iranien, a affirmé le général Mohammad-Taghi Osanlou, commandant d’une base des gardiens de la révolution, l’armée idéologique de l’Iran, à la télévision publique. Les autorités iraniennes qualifient d’« émeutes » les manifestations contre la mort de Mahsa Amini.
L’Iran a accentué ses attaques contre ces groupes d’opposition kurdes iraniens depuis le début des protestations. Fin septembre, au moins quatorze personnes ont été tuées et 58 blessées, « en majorité des civils », dans des bombardements iraniens, selon les forces antiterroristes du Kurdistan d’Irak.
Le Kurdistan d’Irak, dont les autorités entretiennent des relations très tendues avec le gouvernement central de Bagdad, est aussi régulièrement le théâtre de bombardements turcs.
De nouvelles sanctions occidentales contre Téhéran
Téhéran a été visé, lundi, par de nouvelles sanctions occidentales pour sa répression des manifestations engendrées par la mort de Mahsa Amini. Le Royaume-Uni a ainsi visé une vingtaine « de dirigeants iraniens responsables de violations odieuses des droits de l’homme ».
Ces mesures ont été prises de manière coordonnée avec l’Union européenne, qui a également approuvé un nouveau train de sanctions, concernant, notamment, le ministre de l’intérieur iranien, Ahmad Vahidi, et la chaîne publique Press TV, accusée d’avoir diffusé « les aveux forcés » de détenus.
A Genève, une session d’urgence du Conseil des droits de l’homme de l’ONU doit se tenir le 24 novembre sur la situation en Iran, lors de laquelle sera proposée l’ouverture d’une enquête internationale sur la répression qui a fait plus de 326 morts, selon l’ONG Iran Human Rights basée à Oslo.