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L’histoire de la gauche socialiste mexicaine au cours des trois dernières décennies a plus été celle de divisions ou d’unifications illusoires qui se sont presque toujours terminées par de nouvelles divisions qui ont découragé les militants et contribué à aggraver leur atomisation. Si par un étrange miracle en ce moment nous parvenions à réunir les militants ou les cadres de toutes les organisations de la gauche socialiste et communiste mexicaine, nous arriverions difficilement à remplir une salle de 1500 personnes dans un pays de plus de 120 millions d’habitants.
Le dénominateur commun qui explique l’échec de ces processus d’unification a été le manque de consistance politique et idéologique, de stratégie socialiste des organisations, produit du manque de compréhension de la situation politique nationale et internationale, l’absence d’accords politiques stratégiques pour l’action, le fait d’avoir été des unifications conçues par des directions lors de discussions de café sans la participation des bases de leurs organisations ni du peuple, l’absence d’un cadre démocratique léniniste de fonctionnement, de droit de tendances et de discipline envers les accords majoritaires, à cause du sempiternel « caudillisme » de leurs directions et de l’intolérance et l’incapacité à gérer les divergences tactiques et secondaires au sein des organisations. En outre, et il convient de le souligner, à cause de l’énorme poids de l’opportunisme électoral qui a prévalu lors des dernières décennies au sein de la gauche mexicaine.
Nous prétendons être un cas différent. Nous cherchons à partir d’accords solides sur la caractérisation de la situation politique nationale et d’une pratique commune au sein des mouvements sociaux auxquels nous participons. Si nous ne dédaignons pas la participation électorale nous n’en n’avons pas pour autant fait le centre de notre activité. Nous avons cherché à mener les discussions à la base et pas seulement entre nos délégations. Nous partageons la volonté de créer une organisation marxiste révolutionnaire, démocratique, internationaliste, anti néolibérale, écosocialiste et féministe, pour que construire du pouvoir populaire dans les différents secteurs sociaux qui composent le peuple mexicain.
Nos grandes convergences politiques et stratégiques n’excluent pas des divergences tactiques, mais nous chercherons à les résoudre dans un cadre respectueux et démocratique, en sachant que la construction d’un parti révolutionnaire de profil léniniste nécessite une énorme richesse de débats pour trouver les meilleures réponses à la grande diversité de problèmes que la lutte de classes nous posera.
Le processus de rapprochement entre l’ONPP et la CSR a débuté au sein de l’Organisation Politique du Peuple et des Travailleurs (OPT), où nos deux organisations ont eu une série de convergences depuis 2012. Le processus s’est poursuivi depuis avec la formation d’un front d’organisations de la gauche socialiste (appelé Mouvement d’Unité Socialiste – MUS), à partir de la défaite du bloc néolibéral au pouvoir et de la victoire éclatante d’Andres Manuel Lopez Obrador en juillet 2018, avec également la lutte pour la renationalisation de l’industrie électrique, l’audit sur le paiement de la dette publique et la lutte pour l’organisation indépendante et démocratique des travailleurs de la ville et de la campagne. Nous caractérisons de la même manière le gouvernement d’Andres Manuel Lopez Obrador comme un gouvernement capitaliste d’aspect bonapartiste progressiste qui, bien qu’il ne rompe pas avec le néolibéralisme n’est pas de même nature que les partis de la droite néolibérale et assume des politiques nationalistes et hétérodoxes sur les questions sociales et économiques et maintient une autonomie relative vis-à-vis de l’oligarchie.
En conséquence nous avons soutenu des réformes progressistes de même que les programmes sociaux ou la récupération de la souveraineté énergétique du gouvernement, mais nous critiquons sa politique qui consiste à continuer de payer la dette illégitime ou son inconséquence quand il s’agit de répondre aux demandes et de résoudre les conflits de la classe travailleuse.
Nous considérons que la construction du MUS il y a 3 ans, en décembre 2019, a été un grand pas en avant sur le chemin du regroupement de la gauche mexicaine. C’est pourquoi notre nouvelle organisation non seulement maintiendra son appartenance au MUS et dans les autres espaces de fronts que nous avons créés mais nous continuerons à être déterminés à approfondir et atteindre la plus large unité de la gauche socialiste mexicaine avec l’objectif de former une organisation politique de masses large et puissante capable de peser sur le futur du pays, pour liquider le néolibéralisme comme pour établir un nouveau régime démocratique et prolétarien qui pose les fondations pour construire le socialisme.
Bien que notre origine idéologique provienne de sources différentes du marxisme, ceci n’implique aucun obstacle empêchement pour la fusion. Le plus important est notre accord sur ce qu’il faut faire maintenant dans une perspective stratégique partagée. En outre ce type de fusion n’est pas une nouveauté. Au Portugal la formation du Bloc de Gauche (Bloco de Esquerda), résultat de la fusion de deux organisations de tendances différentes a été un succès. La même chose est advenue avec la formation du Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL) au Brésil. Au Philippines une scission du Parti Communiste, non trotskyste, a intégré la IVe Internationale. Et il y a d’autres exemples. C’est pourquoi je considère qu’une des tâches de la nouvelle organisation sera de contribuer à l’impulsion d’un mouvement internationaliste de la gauche socialiste révolutionnaire dans le monde entier et en particulier en Amérique Latine.
L’unification de l’ONPP et de la CSR va impliquer divers changements organisationnels dans notre travail militant et social. Un peu plus d’une cinquantaine de militants de la CSR et plus d’une centaine de militants de l’ONPP intègreront la nouvelle organisation. L’ONPP continuera à exister comme front d’organisations sociales dans lequel nous participerons, mais la nouvelle organisation sera composée des militants politiques des deux organisations.
Notre nouvelle organisation restera fidèle aux principes du marxisme. Sans l’existence d’une alternative écosocialiste, fondée sur l’auto organisation de ceux d’en bas, la machine infernale du grand capital continuera à fonctionner sans contrôle sur toute la planète. En tant qu’internationalistes et anticolonialistes, nos espoirs se nourrissent des mobilisations féministes et anti dictatoriales en Iran, des grèves pour les salaires en Angleterre, des manifestations pour la démocratie en Chine, des luttes syndicales et contre le racisme aux États-Unis et de la lutte contre la nouvelle dictature au Pérou.
Avec la IVe internationale nous maintiendrons l’appartenance et la collaboration étroite. Nous participerons à ses réunions, débats et activités mais l’affiliation individuelle ne sera pas obligatoire et nous chercherons à avancer dans la construction d’une internationale qui regroupe les forces marxistes révolutionnaires du monde entier.
En 2023 nous commençons la construction d’une nouvelle organisation politique avec l’espoir de nous regrouper dans un parti unique avec tous ceux qui sont engagés dans une perspective socialiste. Nous ne sommes pas une gauche de gestion du système. Nous cherchons à être une organisation convaincue que nous ne pouvons en finir avec l’exploitation, l’oppression et la destruction des écosystèmes sans renverser le capitalisme néolibéral et rapace et sans une transformation révolutionnaire de la société. Nous cherchons à créer une organisation dans le dialogue et le débat, sans sectarismes, avec d’autres courants du mouvement social. Nous sommes ouverts à l’intégration de nouvelles organisations comme à l’adhésion individuelle. Nous voulons que notre unification soit un point de départ et non une fin en soi. C’est en cela que notre projet est plus pertinent que jamais.
Aujourd’hui nous cherchons à reprendre le fil de la construction d’un parti utile pour les exploités et les opprimés.
José Luis Hernández Ayala