Au 7 mars, plus de 5 000 jeunes iraniennes ont été intoxiquées depuis la fin novembre par voies respiratoires dans des écoles primaires, collèges et lycées, ainsi qu’une résidence universitaire.
Les victimes ont été prises, de nausées, vertiges, évanouissements, maux de tête, engourdissements, pertes de sensibilité notamment au niveau des membres, difficultés pour marcher pendant plusieurs jours, palpitations, baisse provisoire de la vue et de l’odorat. Des centaines d’entre elles ont été brièvement hospitalisées, dont bon nombre sous masque à oxygène.
Ces intoxications sont causées par des fumées s’échappant de petites bombes aérosol. Une des substances utilisées proviendrait de produits utilisés dans l’industrie ou comme engrais agricole.
La main du régime
Cette vague d’attentats est très bien orchestrée : au 5 mars, elle concernait 230 établissements, situés dans 25 des 31 provinces du pays. Etant donné l’omniprésence des services de renseignement, il est inimaginable que ces attaques aient pu être menées à leur insu.
De plus en plus d’Iranien.nes voient dans ces agressions la main du pouvoir, ou de certains de ses clans. Le régime pourrait poursuivre plusieurs buts convergents :
1) Réprimer la contestation des filles et jeunes femmes scolarisée en suscitant leur peur et celle de leurs parents.
On peut analyser ces attaques comme une punition collective des jeunes Iraniennes en première ligne des manifestations contre le régime. Beaucoup de vidéos et d’images ont été publiées les montrant en train de brûler leur foulard ainsi que le portrait du Guide suprême. Les attaques actuelles constitueraient une forme de vengeance.
2) Revenir sur certaines libertés obtenues ces derniers mois, et notamment le début de liberté vestimentaire imposée grâce aux mobilisations : actuellement, de plus en plus de filles et femmes ne se couvrent plus les cheveux dans l’espace public.
3) Dissuader les jeunes de sexe féminin de venir sur les lieux d’étude. Dans l’immédiat cela permettrait d’affaiblir un des foyers de contestation.
Un but plus lointain pourrait de tester la capacité de résistance à une remise en cause partielle de la scolarisation féminine, et se rapprocher des règles en vigueur en Afghanistan où elle est interdite après l’âge de 12 ans. Il y a une dizaine d’années, des écoles de jeunes Afghanes avaient fait l’objet de pareilles agressions.
4) Franchir un pas vers une restauration de « l’ordre patriarcal » aujourd’hui sérieusement ébranlé.
Il est significatifs qu’en plus de ces intoxications, des lycéennes aient été contraintes de regarder des films X, avec des scènes de bestialité et de viol, apportés par des hommes venus de l’extérieur et vêtus d’uniformes de miliciens. Selon le site Iranwire, le but était de leur montrer à quoi elles seraient confrontées si elles revendiquaient la liberté sexuelle.1
Un effet boomerang ?
Malgré la censure, des vidéos concernant ces attaques ont immédiatement circulé sur les réseaux sociaux puis une partie de la presse. Une vague de colère et d’indignation s’est répandue dans le pays.
Paniqués, des parents d’élèves en colère se sont massé.es un peu partout devant les établissements scolaires concernés et des bâtiments de l’Etat. Un nouveau slogan est désormais lancé depuis les toits et les fenêtres : « Mort à l’État tueur de filles ! ».
Mais ces agressions pourraient avoir un effet boomerang. Celui-ci serait le bienvenu dans une situation où les grandes manifestations de rue ont pour l’instant disparu, sauf dans le Sistan-Balouchistan, et où ne sont pas pour l’instant à l’horizon des grèves d’un niveau comparable à celles de 1979 qui avaient fait tomber la dictature en place.