Avec l’expiration du Titre 42, une mesure de santé publique utilisée par l’ancien président Trump puis par Biden pendant la pandémie de Covid-19 pour empêcher des centaines de milliers de migrantEs d’entrer dans le pays, Joe Biden s’est tourné vers une nouvelle politique qui est tout aussi onéreuse et qui pourrait violer le droit d’asile tant étatsunien qu’international. De nombreux libéraux, progressistes et communautés d’immigrés vont considérer que Biden est revenu sur ses promesses et qu’il viole les valeurs nationales fondamentales.
40 millions d’immigréEs
Historiquement, les États-Unis accueillent chaque année environ un million d’immigrants légaux qui obtiennent le statut de résident permanent légal (carte verte) tandis qu’environ un demi-million de personnes entrent chaque année sans papiers. La population immigrée totale des États-Unis s’élève à plus de 40 millions de personnes, soit, en valeur absolue, plus que dans n’importe quel autre pays. Ils représentent 13,7 % de la population, parmi lesquels les 10,5 millions d’immigrés sans papiers n’en représentent que 3,2 %. Les réfugiés, c’est-à-dire les personnes qui fuient les persécutions et la violence et qui sont admises au titre du droit d’asile, ne sont que 25 000 par an.
Les Démocrates (avec des différences entre eux) et les progressistes ont tendance à considérer que l’immigration contribue à l’économie US et enrichit sa culture, tandis que les Républicains affirment aujourd’hui que la société étatsunienne est submergée par des étrangers qui menacent la culture nationale. De nombreuses grandes entreprises sont favorables à l’immigration parce qu’elle leur permet de disposer d’un plus grand nombre de travailleurs, souvent plus mal payés. Sous la pression des Républicains, Joe Biden semble vouloir adopter des politiques anti-immigration afin de gagner le soutien des électeurs indépendants (c’est-à-dire qui oscillent entre les votes républicain et démocrate) en vue des prochaines élections de 2024, bien que ces nouvelles règles reflètent également la tendance à long terme des Démocrates à durcir leurs politiques en matière d’immigration et de frontières.
Complications multiples
La nouvelle loi est compliquée. Les immigrants de quelques pays — Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela, Afghanistan et Ukraine — pouront obtenir un « permis provisoire pour raisons humanitaires », c’est-à-dire deux ans de résidence légale. Cette mesure est limitée à 30 000 personnes par mois qui doivent avoir un garant financier étatsunien. Les autres migrants, tout en attendant à l’étranger, devront utiliser une application pour obtenir un rendez-vous, environ 1 000 seront disponibles par jour, mais les auditions nécessitent aujourd’hui une attente de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
Pour ce qui est de l’asile sur la base de la crainte de persécutions et de violences, les migrantEs qui ont traversé d’autres pays pour atteindre les USA devront d’abord avoir demandé et s’être vu refuser l’asile dans ces pays. Certaines personnes franchissent la frontière dans un lieu non autorisé et se présentent aux autorités pour demander l’asile. Les personnes accompagnées d’enfants seront libérées et recevront une date d’audition, mais elles devront attendre des mois, voire des années, avant d’être entendues. La plupart des adultes voyageant seuls et demandant l’asile seront rapidement traités et expulsés et peut-être accusés d’une infraction pénale. D’après les données antérieures, peut-être la moitié des demandeurs d’asile seront acceptés et les autres seront expulsés.
Impérialisme US
Pourquoi tant de migrantEs cherchent-ils à entrer aux États-Unis ? L’immigration européenne est aujourd’hui très minoritaire. À l’heure actuelle, 25 % des migrants viennent du Mexique, 15 % d’Amérique centrale et un pourcentage plus faible des Philippines, ancienne colonie US. L’impérialisme étatsunien pourrait être considéré comme la principale force motrice de ces migrations latino-américaines. Les États-Unis ont dominé le Mexique, les Caraïbes et l’Amérique centrale pendant plus de cent ans, et l’Amérique du Sud pendant 70 ans. L’exploitation économique, les guerres et les occupations militaires, ainsi que le soutien aux coups d’État militaires ont handicapé le développement de l’Amérique latine tout en détruisant la démocratie, et en favorisant l’autoritarisme. Puis sont apparus les cartels de la drogue et leur extrême violence. Maintenant, les Asiatiques, principalement en provenance d’Inde et de Chine, représentent un grand nombre de migrantEs, poussés par les inégalités mondiales. Aujourd’hui, la crise climatique entraîne également des migrations.
L’impérialisme étatsunien, économique et militaire, a provoqué un afflux de migrantEs, et les politiques migratoires et frontalières des États-Unis sont censées les arrêter. Mais la « crise migratoire » se poursuivra tant que l’impérialisme, le militarisme et les crises environnementales perdureront.
Dan La Botz