Crédit Photo. Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemitdi en 2022. Wikimedia Commons
Alors que les combats entre l’armée soudanaise du général Burhane et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le général Hemidti continuent de faire rage, les pourparlers entre les deux belligérants ont débouché sur un accord de création de corridors sécurisés. Ils doivent permettre aux civilEs de quitter le pays et d’acheminer du matériel humanitaire. En revanche, la trêve des armes n’a pu être obtenue par les négociateurs des USA et de l’Arabie saoudite.
Un lourd tribut pour les populations
Ces couloirs humanitaires seront-ils effectifs ? Rien n’est moins sûr. Les différents cessez-le-feu entre les deux généraux n’ont jamais été respectés et le sort des civilEs reste le cadet de leurs soucis.
La situation des populations ne fait qu’empirer chaque jour qui passe. Les vivres, l’eau et le carburant viennent à manquer pour la plupart des habitantEs de Khartoum. Les derniers chiffres font état de 750 mortEs et 5 000 blesséEs dont beaucoup d’enfants. Les civils sont victimes des bombardements terrestres des FSR et aériens de l’armée soudanaise dans des quartiers densément peuplés. À cette insécurité, s’ajoutent les pillages perpétrés soit par les militaires des deux camps soit par des bandes de jeunes désœuvrés. Côté humanitaire, les perspectives ne sont guère brillantes. Il y a une crainte de la famine qui pourrait toucher au moins 2,5 millions de personnes dans un pays qui a souvent connu des crises alimentaires. Autre inquiétude, les combats qui se déroulent dans d’autres parties du pays. En effet, rien qu’au Darfour près de 450 civilEs ont été tués.
Un conflit qui s’inscrit dans la durée
La situation de cette région est d’autant plus inquiétante que l’on assiste à un élargissement du conflit. En effet des civils et des jeunes de certaines tribus ont pris les armes pour se battre aux côtés de l’un des deux camps. À Port-Soudan, la grande ville de la mer Rouge, des membres de la tribu des Beja réclament des armes pour se battre.
Il est hélas très probable que le conflit dure car les forces belligérantes sont pour l’instant ravitaillées en armes. Le gouvernement égyptien de Sissi appuie Burhan, et les milices en Libye du camp Haftar soutiennent Hemidti. Les cessez-le-feu ne peuvent être respectés que s’il y a des mécanismes indépendants de contrôle, présents dans le pays. De plus, une trêve n’a de sens que si elle est une étape vers une solution politique, pour l’instant écartée par les deux camps où chacun rêve d’écraser militairement l’autre.
Renforcer notre solidarité
Lors des évènements révolutionnaires de 2018, une unité entre les différentes populations du Soudan s’était forgée et avait perduré lors de la lutte contre le coup d’État. Elle avait fait fi du racisme largement nourri par la dictature islamiste d’Omar el-Bachir. Dans une situation de violence exacerbée, ces divisions risquent de reprendre le dessus. Hemidti pourrait essayer de se faire le porte-parole des régions marginalisées et stigmatisées du pays, tandis que Burhan jouerait sur la peur des élites de Khartoum de voir les FSR régner au Soudan.
Cette option néfaste n’est pas certaine. Tout dépendra de la capacité de résistance des forces révolutionnaires. Pour l’instant, elles sont unies dans le refus de céder aux sirènes de l’un ou de l’autre camp. Les comités de résistance qui ont joué un rôle central dans la révolution et la lutte contre le coup d’État demeurent un point d’appui d’importance pour la survie des populations civiles. Ce sont eux, avec le personnel médical, qui apportent les soins aux blesséEs. Ils organisent la solidarité en ravitaillant les plus démunis et, à travers un réseau d’information, permettent aux populations de fuir les quartiers les plus touchés par les combats.
À nous d’amplifier notre solidarité avec les comités de résistance, car quelle que soit l’issue du conflit, ils seront décisifs dans la construction d’une alternative à la barbarie des généraux.
Paul Martial