Les données météorologiques étaient les suivantes : La température supérieure à 20°C en début de soirée a baissée jusqu’à 14,7°C vers 0h30 le 27. Présence d’un vent modéré et ciel légèrement éclairé par la lune.
Nous avons déjà explicité l’intérêt des observations nocturnes des Hétérocères. Le lecteur pourra retrouver ces informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts Nature en Ville. Les observations et photographies ont été réalisées sur un drap blanc éclairé par une lampe LepiLED (lampe à diodes électroluminescentes), sauf mention contraire. La répartition de l’éclairement énergétique lumineux en fonction des longueurs d’onde est illustrée par le graphe suivant fourni par le concepteur des lampes Dr Gunnar Brehm. En ordonnées la densité d’éclairement en W par m2 et par nm et en absisse la longueur d’onde des radiations lumineuses en nm. Les courbes sont associées à 3 modèles de lampe. La courbe rouge correspond à la lampe standard que nous utilisons. (1 nm = 10-9 m)
Courbes d’éclaurement lumineux par longueur d’onde pour 3 modèles de Lampes LepiLED. (documentation du constructeur.
Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères ont également été attirés par ces radiations lumineuses, essentiellement des Diptères, et des Hyménoptères.
L’installation et la mise en route se sont faites accompagnées d’un musicien s’exerçant sur divers instruments à vent : trombone, conques et autres coquillages. Malgré la faible diversité de cette session, d’agréables surprises se sont présentées.
LEPIDOPTERES
A Géomètres : 3 espèces ont été attirées par la lampe.
Un peu plus de 4 imagos de l’Alternée Epirrhoe alternata (Müller, 1764). Cette géomètre est très commune au parc des Beaumonts. Sa chenille se nourrit des nombreux gaillets dont le Gaillet gratteron (Galium aparine) qui prospère dans les friches. Certains imagos avaient les ailes étalées. D’autres les ailes relevées à la verticale sur le dos (comme pour les papillons de jour).
L’Alternée. Epirrhoe alternata, Beaumonts le 26 mai 2023, clichés : Pierre Rousset
Un peu plus de 5 imagos de la Divisée Siona lineata (Scopoli,1763) tournaient au dessus du drap et des environs caillouteux. Cette espèce est entièrement blanche. Les nervures, surtout sur le revers des ailes, sont soulignées de noir. Cette espèce vole aussi de jour et s’enfuie quand on la dérange. Elle peut être confondue par les novices à une Piéride, voir un gazé (Aporia crataegi) ! Ses antennes sont filiformes.
Siona lineata, Beaumonts le 26 mai 2023, cliché : André Lantz
Divisée. Siona lineata, Beaumonts le 26 mai 2023, clichés : Pierre Rousset
Cette belle géomètre a souvent été observée le jour aux Beaumonts, mais c’est la première fois que nous la voyons attirée par la lampe.
L’espèce est considérée comme vulnérable en Île-de-France d’après Philippe Mothiron : « Hôte des prairies mésophiles ou sèches, des friches, bord des chemins et autres milieux herbacés ouverts. Généralement fréquente dans ses biotopes, ces derniers étant par ailleurs en régression ». L’espèce n’admet qu’une seule génération annuelle (monovoltine). L’adulte vole de mai à juin. La chenille consomme diverses plantes basses. Au parc des Beaumonts on la rencontre uniquement dans les prairies où les graminées sont assez hautes. La fermeture de ces milieux par les arbustes dont les cornouillers pourrait lui être est fatale.
Un beau mâle frais de la Boarmie rhomboïdale Peribatodes rhomboidaria (Denis & Schiffermüller, 1775) s’est posé vers 0h20 le 27 mai. Cette espèce est assez courante car elle vient fréquemment à la lampe.
Peribatodes rhomboidaria, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché André Lantz
Photo au flash qui modifie les coloris.
Boarmie rhomboïdale. Peribatodes rhomboidaria, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Pierre Rousset
B Noctuelles
Quatre imagos d’espèces différentes sont arrivée sur le drap :
– Le plus commun que l’on peut aussi observer en journée est le gamma Autographa gamma (Linnaeus, 1758). Nom attribué par la présence d’un dessin blanc possédant la forme de la lettre grecque sur le fond noirâtre de l’aile antérieure. Cette espèce très commune est aussi migratrice. Elle peut se rencontrer presque toute l’année mais est plus courante de mai à octobre.
Gamma, Autographa gamma, photo prise de jour le 25 mai au parc des Beaumonts . L’espèce se cache dans les herbes. Cliché Pierre Rousset.
– Le point blanc Mythimna albipuncta (Denis & Schiffermüller, 1775) est également une espèce bien répandue déjà observée à plusieurs reprises au parc. L’aile antérieure brun roussâtre est décorée par un petit point blanc très visible. La chenille vit sur les graminées et les Poacées. L’adulte se rencontre de mai à novembre. Cette espèce commune peut également migrer vers le nord. On l’observe parfois butiner le jour.
Mythimna albipuncta, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Sylvain Clede
Point blanc. Mythimna albipuncta, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Pierre Rousset
– Le C noir Xestia c-nigrum (Linnaeus, 1758) est aussi une espèce très commune déjà répertoriée aux Beaumonts. Les ailes antérieures sont assez étroites d’un brun plus ou moins foncé. Un C noir bordé de crème est disposé sur la côte de l’aile antérieure. La chenille consomme diverses plantes basses. L’adulte vole en deux générations de mai à juin puis de juillet à octobre dans des biotopes variés, y compris aux abords des habitations.
Xestia c-nigrum, Beaumonts, 27 mai 2023, cliché André Lantz
C noir. Xestia c-nigrum, Beaumonts, 27 mai 2023, cliché Pierre Rousset
La Leucanie obsolète Leucania obsoleta (Hübner, 1803) est une nouvelle espèce observée au parc des Beaumonts. Si son statut en France est considéré comme assez commun elle est selon Philippe Mothiron vulnérable en Île-de-France.
« Espèce paludicole localisée, quoique répandue dans toute la région, fréquente surtout les phragmitaies. Il semble qu’on puisse observer de temps en temps des individus erratiques, à plusieurs centaines de mètres de leurs marais d’élection, parfois en plein xérobrométum. » Cette espèce est donc signalée comme menacé en Île-de-France. Monovoltine, l’adulte vole en mai, juin et juillet.
Leucania obsoleta, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Sylvain Clede
Leucania obsoleta, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché André Lantz
Leucanie obsolète. Leucania obsoleta, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Pierre Rousset
Les phragmites de la mare perchée ont sans doute permis à cette espèce de s’installer.
Sur le site de Lépinet, il n’apparaît aucune donnée de cette espèce dans Paris et sa petite couronne, (Val-de-Marne, Hauts de Seine, Seine-Saint-Denis). Cette observation est la première mention connue pour le département de la Seine-Saint-Denis.
Espérons qu’on puisse retrouver quelques imagos de cette belle espèce.
C Pyrales
Très peu de spécimens se sont manifestés lors de cette session.
Nous n’avons compté que quelques Crambus des jardins Chrysoteuchia culmella (Linnaeus 1758), espèce très courante liée aux graminées.
Crambus des jardins, Chrysoteuchia culmella, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Pierre Rousset
Ainsi qu’une Eudorée anguleuse Eudonia angustea (Curtis, 1827).
Eudonia angustea, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché André Lantz
Eudonia angustea, Beaumonts, 26 mai 2023, clichés Pierre Rousset
Cette dernière espèce est souvent observée en plein jour posée sur les murs d’habitation même en ville. Elle se distingue des autres espèces du même genre par des ailes plus élancées et dont l’apex est pointu. La chenille se nourrit de mousses. L’adulte hiverne.
D Tordeuses
Un seul représentant de ce groupe de petits papillons dont les chenilles ont la particularité d’enrouler ou de tordre les feuilles pour s’y nourrir en se cachant fut attiré lors de cette séance.
De taille modeste et de teinte gris et brun il s’agit de Syndemis musculana (Hübner, 1799). Sa chenille s’alimente sur divers arbres, arbustes et également sur ronce. Patrice Leraut dans son dernier ouvrage sur les Microlépidoptères 1 précise en ces termes ses biotopes : bois clairs, parcs, haies, landes et jardins. L’adulte vole d’Avril à juillet.
Syndemis musculana, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché André Lantz
Une autre photo en studio de l’espèce a été prise en macrophotographie.
Syndemis musculana , Beaumonts, 26 mai 2023, cliché André Lantz
Syndemis musculana , Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Pierre Rousset
Cette observation vient donc enrichir notre inventaire du parc des Beaumonts d’une espèce supplémentaire. Je l’avais déjà collecté dans le jardin familial de Montreuil en 1965 !
E Adèles
Ce groupe est maintenant divisé en deux familles bien distinctes : Les Adelidae et les Nematopogonidae.
Les représentants de ces deux familles partagent les caractères suivants :
Au repos,les adultes ne dépassent en général pas plus de 10mm. Les ailes supérieures recouvrent les ailes inférieures et le corps formant une sorte de toit assez pentu. Les antennes sont particulièrement fines et longues, pouvant atteindre chez certaines espèces plus de 3 ou 4 cm. Les chenilles commencent leur développement en se nourrissant de fleurs, fruits ou feuilles de plantes basses. Elles confectionnent pour le reste de leur vie un fourreau. Elles vivent alors dans la litière où elles consommeront des parties de feuilles sèches et des débris organiques. La nymphose se fera dans la litière. Au printemps les adultes émergeront. Chez certaines espèces le dimorphisme sexuel se traduit par une différence de la longueur des antennes. La femelle est munie d’antennes plus courtes que celles du mâle.
L’exemplaire attirée par la LED est Nematopogon swammerdamella (Linnaeus, 1758) le Nematopogon de Jan Swammerdam.
Nematopogon swammerdamella, Beaumonts, 26 mai 2023, cliché Sylvain Clede
Les ailes antérieures sont unies, brillantes, de teinte blond clair. Elles sont très peu réticulées et ne possèdent pas de point discal. Cette espèce se distingue de Nematopogon adansoniella (Villers, 1789) par des antennes ne présentant pas une suite d’anneaux clairs et foncés. Ces deux espèces partagent souvent le même biotope où croît le Lierre terrestre Glechoma hederacea.
Elles cohabitent au parc des Beaumonts.
DIPTERES
Cet ordre se subdivise entre les Nématocères (antennes possédant plus de 3 articles de même taille) et les Brachycères (antennes avec 3 articles ou plus de 3 articles de tailles différentes).
La majorité des espèces attirées par la lumière sont des Nématocères.
Comme lors des autres sessions nocturnes la lampe située au voisinage de la mare a attiré quelques Chironomes. Le corps est allongé et les antennes sont plumeuses. Les larves sont aquatiques et sont consommées par les larves d’Odonates. Des photos fugurent déjà dans les articles précédents.
Les Tipules nommées également « Cousins » sont munies de pattes très allongées. Les antennes se composent très souvent de 13 articles. Les larves vivent dans le sol humide se nourrissant de racines ou de détritus. Leur détermination est souvent délicate.
André Lantz le 2 juin 2023
Littérature consultée :
– Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France I. Noctuelles 1997, Philippe Mothiron : supplément hors-série au tome 19 d’Alexanor.
– Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France II. Géomètres 2001, Philippe Mothiron : supplément hors-série au tome 21 d’Alexanor.
– Guide des Mouches et des Moustiques, J. et H. Haupt, Delachaux & Niestlé, 2000
– Papillons de nuit d’Europe, volume 2 Géomètres ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2009
– Papillons de nuit d’Europe, volume 6 Noctuelles 2 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2019
– Papillons de nuit d’Europe, volume 7 Microlépidoptères 1 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2023