“Tragédie”, “honte”, “responsabilités”… Tous les quotidiens grecs consacrent leur une au naufrage d’un chalutier qui transportait des centaines d’exilés, le 14 juin, à l’ouest du Peloponnèse. Le bilan provisoire s’élève à 79 morts.
“Le bateau de pêche était parti du port libyen de Tobrouk il y a au moins cinq jours. Chacun des passagers – principalement des ressortissants syriens, égyptiens et pakistanais – avait payé 6 500 dollars [presque 6 000 euros] pour cette traversée qui devait les mener de la côte libyenne à l’Italie. Il y avait au moins 500 personnes à bord”, précise I Kathimerini.
Mais l’état du bateau et la surcharge ont rapidement compliqué la navigation.
“Plusieurs personnes, inquiètes de l’issue du voyage, ont demandé à retourner en Libye. Leur demande est restée lettre morte, les trafiquants ayant décidé de poursuivre la route vers l’Italie”, assure le quotidien de centre droit.
Problème insoluble
“Cent quatre hommes, qui étaient sur le pont, ont été secourus, tandis que ceux qui se trouvaient dans les cabines – notamment des femmes et des enfants – ont été emportés par la mort lorsque le navire en fer a coulé”, ajoute le journal.
Le drame “met en évidence tous les aspects d’un problème insoluble”, pour To Vima.
L’hebdomadaire pointe du doigt “les trafiquants, dont les intentions sont sans équivoque, mais aussi les organisations non gouvernementales, dont les actions sont moins bienveillantes que ce qu’elles prétendent” et “l’idée fausse selon laquelle la question migratoire serait un problème frontalier qui ne concerne que les gardes-frontières italiens, espagnols ou grecs”.
Le rôle des gardes-côtes grecs, régulièrement accusés de refouler illégalement de potentiels demandeurs d’asile, est questionné, tout comme la militarisation des frontières et la politique de dissuasion appliquée. “Le désespoir est plus fort que les refoulements, les clôtures et les camps”, lance le site News247.
“Honte !”
“L’événement tragique, survenu en pleine période électorale en Grèce, est redevenu le sujet d’une microconfrontation politique et d’un débat de comptoir numérique”, regrette la version chypriote d’I Kathimerini.
“Silence quand se noient des enfants”, intime le quotidien.
Efsyn barre sa une d’un mot : “HONTE !”, en grec mais aussi en anglais, en allemand, en italien, en espagnol et en français. Le journal de gauche insiste sur la responsabilité européenne dans cette nouvelle tragédie.
“En notre nom et au nom de la patrie, pour la gloire de la sécurité de l’Europe et pour la protection des frontières, l’Union européenne a mis en œuvre des politiques qui transforment le Vieux Continent en forteresse et les pays frontaliers en prisons”, s’indigne le quotidien.
“Se dépouillant de toute notion d’humanité et laissant derrière elle des décennies de tradition juridique, elle traite ces mendiants comme des ennemis à écraser”, insiste Efsyn.
“L’Occident civilisé face à ses responsabilités”, pose Ta Nea. Il s’agit du naufrage le plus meurtrier des huit dernières années, note le quotidien centriste, qui demande en première page de son édition du jour : “Combien de morts de réfugié pouvons-nous supporter ?”
“L’Europe moderne a permis la disparition de 1 116 personnes depuis le début de l’année en Méditerranée”, fulmine encore Ta Nea.
Trois jours de deuil national
“L’Europe-forteresse tue”, résume le quotidien de gauche I Avgi.
“Tant que l’Europe choisira de fermer les yeux et de faire porter le fardeau aux pays d’accueil, nous continuerons de compter les morts dans nos mers.”
La présidente de la République hellénique, Katerina Sakellaropoulou, ainsi que les différents chefs de parti politique, se rendent chacun leur tour à Kalamata, grande ville de la région qui accueille les survivants. Le débat entre les candidats a été reporté : trois jours de deuil national ont été décrétés.
Alexandros Kottis
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