“L’argent l’emporte sur l’idéologie […]. Toute la subtilité consiste à ne pas perdre la face”, lance l’hebdomadaire libéral polonais Polityka au sujet de ces assemblées municipales, cantonales ou régionales qui abrogent les unes après les autres les résolutions défavorables aux LGBTQI qu’elles avaient adoptées il y a trois ou quatre ans.
C’est le canton de Swidnik, à l’est du pays, qui avait lancé la tendance, en adoptant une résolution déclarant sa collectivité “sans l’idéologie LGBT” en mars 2019. L’idée a fait des émules, finissant par recouvrir jusqu’au tiers du territoire national, selon l’Atlas de la haine, une initiative montée par quatre militants des droits humains.
Ces résolutions avaient alors provoqué un tollé dans le pays et à l’international. À Bruxelles, elles ont déclenché une procédure d’infraction envers la Pologne. Les menaces de suspension de partenariats se sont multipliées, y compris le non-versement des fonds de cohésion de l’Union européenne. De quoi inciter plusieurs localités à faire machine arrière.
À l’instar du canton de Bialystok, qui, en 2019, avait adopté un texte pourfendant les “idées et les pratiques portant atteinte à la dignité humaine et contribuant à la dépravation des enfants”, rappelle Polityka. Récemment, les élus du canton ont été convoqués, à distance, à “une séance extraordinaire, sur les questions budgétaires”. Sauf que subitement, un “projet de résolution” a fait son apparition, portant “sur les principes horizontaux et le respect du principe de liberté”. Personne ne semblait être au courant du changement à l’ordre du jour, sauf les élus locaux du PiS (Droit et Justice), le parti ultra-conservateur au pouvoir en Pologne, qui règne souvent en maître au sein des conseils municipaux de l’est et du sud-est du pays.
Défense de Jean-Paul II
La fameuse commune de Swidnik est, elle, “soudainement devenue partisane de ‘la protection des droits et libertés fondamentaux’”, sans autre formalité, en décembre 2022. D’autres le font incognito. La localité de Konskowola a abrogé sa résolution en conseil municipal, “en levant la main, sans aucun document ni vote”.
D’autres encore se sont repliées sur la figure de Jean-Paul II, annulant “les résolutions anti-LGBT” et adoptant un nouveau texte dans la foulée, cette fois sur la défense du pape. “La narration anti-LGBT s’est usée et s’est mise à menacer les finances et les plans d’investissement des gouvernements locaux, alors ses élus en ont trouvé une nouvelle”, commente Jakub Gawron, cocréateur de l’Atlas de la haine, cité dans Polityka.
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