L’annonce de la fin du régime universel des pensions de retraite, accordées à tous les Thaïlandais de plus de 60 ans, passe mal. Désormais, des critères d’attribution s’appliqueront et “les versements ne seront effectués qu’aux ‘personnes sans revenus ou avec des revenus insuffisants pour assurer leur subsistance’”, explique le site Khao Sod. Les critères de revenus seront définis dans un texte de loi à venir.
Les nouvelles règles devant entrer en vigueur le 19 août sont accueillies froidement dans un pays parmi les plus inégalitaires au monde, un sujet largement débattu lors de la campagne électorale de mai dernier.
Jusqu’ici, tous les Thaïlandais de plus de 60 ans avaient droit à une pension de retraite versée par l’État. Des allocations mensuelles allant de 600 à 1 000 bahts (entre 15 et 26 euros) en fonction de l’âge, les plus de 90 ans touchant le montant le plus élevé. Le gouvernement assure que les bénéficiaires actuels ne se verront pas appliquer les nouveaux critères.
Le gouvernement estime pouvoir ainsi économiser 90 milliards de bahts par an, soit plus de 2 milliards d’euros, au budget de l’État, poursuit le journal.
19 % de la population âgée de plus de 60 ans
Le Bangkok Post cite notamment le ministre du Développement et de la Protection sociale, Juti Krairiksh, qui déclare que “si les anciens critères n’étaient pas révisés, le gouvernement devrait supporter des coûts pouvant atteindre 100 milliards de bahts par an à partir de 2025”.
“Depuis 2005, la population thaïlandaise vieillit”, explique Khao Sod. En 2023, les plus de 60 ans représentent 19,21 % des plus de 66 millions de Thaïlandais.
“Il y a environ 12 millions de personnes âgées, le groupe des 60-69 ans représentant plus de la moitié du total.”
Dans le Bangkok Post, le ministre précise qu’“actuellement il y a environ 4 millions de personnes âgées pauvres. Les fonds budgétaires étant limités, le gouvernement doit d’abord aider les plus démunis.”
Un argument qui ne semble pas convaincre une partie de la société civile. Welfare State Network, We Fair Group et Four Regions Slum Network ont organisé une manifestation devant le ministère de l’Intérieur, jeudi 17 août, demandant l’annulation de cette réforme, raconte le quotidien The Nation. Leur déclaration commune souligne que le programme de pension a été élargi il y a plus de dix ans pour couvrir toutes les personnes âgées de 60 ans et plus.
En outre, elles dénoncent le gouvernement intérimaire du Premier ministre, le général Prayut Chan-ocha, qui “ne croit pas en la protection sociale universelle”, et demandent de procéder à des coupes budgétaires dans les “dépenses inutiles”. À leurs yeux, il est nécessaire de rechercher de nouvelles sources de revenus pour l’État, telles qu’un impôt sur la fortune pour les personnes riches et une taxe sur les bénéfices exceptionnels pour les entreprises.
Un débat au cœur de la société
Selon le site Khao Sod, ces organisations ont également indiqué qu’“actuellement seules 40 familles dans le pays détiennent environ 30 % du PIB.”
Le débat est d’autant plus vif que la décision de réduire les pensions est prise par un gouvernement intérimaire désavoué lors des élections législatives de mai dernier. Candidat à sa succession, Prayuth Chan-ocha avait été largement battu dans les urnes, mais il reste à son poste le temps de la nomination d’un nouveau Premier ministre.
Grand vainqueur du scrutin, le parti Move Forward n’a pu, en revanche, former un gouvernement en raison des multiples blocages, effectués par le camp conservateur, de l’élection de son candidat au poste de Premier ministre. Move Forward avait largement séduit les électeurs par une campagne axée sur de vastes réformes remettant en cause les équilibres politiques et économiques d’une société thaïlandaise très hiérarchisée. Il avait notamment promis une allocation mensuelle universelle de 3 000 bahts (77 euros).
Courrier International
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