“Dans nos contrées arabes, la femme n’a pas beaucoup d’étapes importantes dans sa vie. Elle naît, a ses règles, devient ainsi une femme prête à se marier et à enfanter, puis elle meurt. C’est comme ça que la société nous regarde, et c’est peut-être ce qui explique les célébrations organisées dans de nombreuses familles lorsque les filles ont leurs premières règles.”
C’est ainsi que la journaliste May Sabbagh résume la vie des femmes arabes dans un article publié par le site panarabe Raseef22. Elle a recueilli le témoignage de plusieurs femmes ayant vécu ou plutôt subi cette expérience dans leur enfance.
“Les célébrations diffèrent d’une famille à l’autre. Alors que certaines apportent de la pâtisserie et organisent une fête familiale, il y en a qui se contentent de pousser des youyous”, poursuit la journaliste.
“Culpabilité et honte”
Nada Mohammad, 22 ans, avait 9 ans lorsqu’elle a eu ses premières règles. “Ma mère était surprise. Elle ne cessait de me demander : ‘tu t’es touchée ?’” raconte-t-elle. “Elle a ensuite appelé ma grand-mère et m’a expliqué le cycle menstruel. […] Quelques heures plus tard, beaucoup de friandises ont été apportées. Ils ont fait une fête et m’ont félicitée.”
Après les célébrations, le contrecoup. “Comme toutes les filles du quartier […], j’ai porté le hidjab quelques mois après l’arrivée de mes règles, ce qui a eu un effet sur ma relation avec mon corps.” En le portant, “j’ai aussi porté les sentiments de culpabilité et de honte”.
Signe qu’elle était devenue “adulte”, la jeune fille, qui vit au Caire, explique avoir été depuis la cible de “remarques” désobligeantes et de harcèlement.
J’allongeais délibérément mon voile pour couvrir ma poitrine. J’ai tellement souhaité qu’elle disparaisse complètement et avec elle mon sentiment d’inconfort.”
“Mes parents se sont remis ensemble”
Les parents de Lama Hijazi étaient séparés lorsqu’elle a eu ses règles, à l’âge de 11 ans. Elle vivait alors avec son père. Il “est sorti de la maison et est revenu avec un gâteau et des serviettes hygiéniques, a mis de la musique […] et a continué à me serrer dans ses bras et à pleurer”, se souvient l’adolescente de 17 ans.
Surtout, cet événement a mis fin à la séparation de ses parents.
Ma mère et mon père se sont remis ensemble. Je ne savais pas que les menstruations pouvaient provoquer une chose pareille.”
“J’aurais aimé être un garçon”
Christina Malak, 26 ans, se souvient aussi de ses premières règles. “Alors que j’avais demandé à ma mère de ne le raconter à personne, […] la voici qu’elle lance des youyous, ma culotte tachée de sang à la main. J’avais 12 ans.”
“On m’a ensuite imposé une longue liste d’interdictions : se mélanger aux autres enfants, porter des vêtements moulants ou des robes, faire du vélo”, raconte-elle.
On m’a totalement privée de mon enfance à cause de mes règles.”
Lama, 27 ans, a, elle, eu des premières règles tardives. Lorsqu’elles sont arrivées, sa famille les a aussi célébrées. “Ma vie allait basculer. […] Le voile, le mariage… À ce moment-là, j’aurais aimé être un garçon. Je ne voulais ni du hidjab ni du soutien-gorge, que les femmes de notre famille commencent à porter dès les premières menstruations.”
Sa famille a, dès lors, essayé de la marier. “Mais je n’ai pas abandonné. J’ai [d’abord] terminé des études d’ingénieur […] avant de me marier à l’âge de 25 ans”, raconte-t-elle à Raseef22.
Raseef22
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