En 1995, le Québec s’est doté d’une politique qui définit clairement la violence conjugale comme « un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle ». Rien, si ce n’est la volonté de l’auteur, ne justifie le contrôle, la violence ou l’homicide. Quand un homme tue sa conjointe, son ex-conjointe ou ses enfants, ce n’est ni un « événement dépourvu de sens », ni un « drame familial ». Il s’agit de féminicides et d’infanticides, calculés et planifiés. Il ne s’agit pas d’un enjeu de santé mentale ou de consommation, il s’agit d’une prise de pouvoir ultime. Il n’a pas « perdu le contrôle », il a choisi la violence.
Mythe #1 : La violence conjugale a un profil type
Les études sont claires : la violence conjugale touche principalement les femmes et les enfants, et les agresseurs présumés sont des hommes dans 78,8% [1] des cas. Cependant, la violence ne discrimine pas en fonction de l’âge, de la classe sociale, du quartier ou du niveau d’éducation. Cette croyance en un « profil type » d’agresseur et de victime contribue à minimiser la gravité du problème et à décourager les victimes à chercher de l’aide. Un conjoint violent et contrôlant peut paraître doux et attentionné en public. Cela fait partie des stratégies de contrôle, qui limitent la capacité de la victime d’agir et d’être crue. Il est impératif de comprendre que personne n’est à l’abri des effets dévastateurs de la violence conjugale, y compris les enfants, qui en sont aussi les victimes.
Mythe #2 : La violence conjugale n’est que physique
La violence physique laisse des traces, alerte l’entourage, et la condamner publiquement fait consensus. Mais la violence conjugale peut prendre des formes bien plus subtiles, souvent invisibles pour les proches, ou encore banalisées par la société. Isoler, contrôler les activités quotidiennes et les dépenses, surveiller, humilier : toutes ces stratégies ont pour effet de priver la victime de sa liberté et de la placer dans un climat de peur constant. Les femmes qui vivent ces abus rapportent que l’effet cumulatif du contrôle, des menaces, du harcèlement et de l’isolement est souvent plus dévastateur que la violence physique. Contrairement à la croyance populaire, les féminicides ne sont d’ailleurs pas toujours précédés d’incidents de violence physique. C’est la raison pour laquelle il importe d’aller au-delà des actes de violence isolés, pour s’intéresser à l’historique de la relation et détecter les signes de contrôle coercitif.
Mythe #3 : La violence conjugale prend fin avec la rupture
On pense encore, à tort, qu’il suffit de partir pour mettre fin à la violence. De nombreuses études démontrent qu’au contraire les facteurs de dangerosité s’accroissent au moment d’une séparation. Le deuxième rapport du Comité d’examen sur les décès liés à la violence conjugale du bureau du Coroner [2] est catégorique : « Dans toutes les situations étudiées, les événements se sont déroulés pendant ou après une rupture ». C’est une période où l’agresseur cherche à reprendre le pouvoir sur sa victime en transformant et multipliant ses stratégies de domination et de contrôle, ce qui expose les femmes et enfants à de plus grands risques d’atteinte à leur sécurité, pouvant aller jusqu’à l’homicide. La non-acceptation de la séparation étant un facteur de risque important, la situation devient hautement dangereuse lorsque s’ajoutent le harcèlement ou encore les craintes verbalisées par la femme ou par son réseau. Doit s’en suivre le déploiement rapide d’un filet de sécurité autour des femmes et enfants. Cela doit se faire via des analyses de risques adéquates de l’ex-conjoint, le déploiement de cellules d’interventions rapides et un accompagnement socio-judiciaire soutenu des victimes dans les étapes du processus judiciaire, si nécessaire.
La société doit s’unir pour démanteler les mythes sur la violence. Il est également impératif de rappeler au gouvernement que la collaboration non partisane, qui a permis des avancées, reste indispensable. Le déploiement d’actions exige désormais une évaluation rigoureuse qui inclut tous les partenaires autour de la table. Pour lutter contre cette problématique sociétale, il est essentiel, entre autres, de travailler à l’éducation et à la sensibilisation du public ainsi qu’à la promotion de rapports égalitaires.
Cosignée par :
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale
La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes