Crédit Photo. Istituto Nazionale Assicurazione contro gli Infortuni sul Lavoro-Wikimedia Commons
L’expression « morts blanches » utilisée en Italie pour indiquer que les décès sont survenus sur le lieu du travail est trompeuse. Elle vise à dépolitiser et à individualiser ces accidents tragiques inhérents au capitalisme. Dans la plupart des cas, il y a en effet bel et bien des coupables et des causes clairement identifiables : la course au profit, les rythmes et les conditions de travail épouvantables.
La froideur des chiffres et des statistiques cache en effet souvent l’expérience de la pénibilité. C’est le cas de Gianfranco Corso, mort à Brescia après une semaine d’agonie. Le 30 août, cet ouvrier de 50 ans employé dans une entreprise de drainage s’était retrouvé coincé à 9 mètres de profondeur dans un puits. Corso était descendu dans le puits par une trappe pour aider un collègue qui s’était senti mal à cause de la présence de gaz, mais il était tombé malade à son tour en respirant des fumées toxiques, en particulier des émissions de sulfure d’hydrogène.
Les très jeunes et les étrangèrEs parmi les plus touchéEs
Le taux de mortalité professionnelle chez les très jeunes (âgéEs de 15 à 24 ans) est un autre fait inquiétant qui ressort de l’Observatoire Vega. Ce taux a augmenté de 100 % par rapport au groupe d’âge des 25-34 ans.
En ligne générale, la tranche d’âge numériquement la plus touchée par les accidents mortels du travail reste celle des 55-64 ans (101 sur un total de 271).
Le nombre de femmes qui ont perdu la vie au travail de janvier à mai 2023 est de 16, tandis que 11 ont perdu la vie sur le trajet domicile-travail. La situation est aussi très mauvaise pour les travailleurEs étrangèrEs pour qui le risque d’accident mortel est presque le double de celui des Italiens.
L’Italie en bas de la moyenne européenne
Selon les données d’Eurostat, le pays ayant le plus grand nombre d’accidents par rapport à la population employée est Chypre, suivi de la Bulgarie puis de l’Italie avec 3,39 pour 100 000 salariés tandis qu’en France le taux est de 2,54 [1].
On s’interroge de plus en plus sur les corrélations possibles entre les processus de réorganisation post-crise Covid et cette recrudescence des mortEs sur le travail. La reprise de l’activité productive dans un contexte de crise économique pourrait bien être la cause sous-jacente de cette nouvelle spirale d’accidents.
Des voix se lèvent contre l’injustice et le mépris
Le gouvernement néofasciste de Giorgia Meloni pense résoudre la crise à coups de « bonus ». L’État a déboursé 270 milliards d’euros en primes économiques et contributions diverses. C’est ainsi qu’il tente d’anesthésier les tensions sociales, sans résoudre les problèmes mais en contrecarrant l’auto-organisation des masses dans les moments les plus chauds. Paiements individuels ponctuels, les primes ne sont pas des droits collectifs et sont distribuées dans le but de détruire et entraver tout processus de construction d’une classe pour soi.
Bien que fragmentée et hétérogène, quelques voix contestataires se dressent face à cette vague d’injustices et de mépris. À Naples, ceux et celles qui avaient perçu le revenu de citoyenneté se sont organiséEs en différents comités. L’État leur propose une subvention de 350 euros par mois (moins que le revenu de citoyenneté) pendant 12 mois seulement, à condition de s’inscrire sur une plateforme électronique et de suivre une formation. Il faudra observer les évolutions de ce mouvement de chômeurEs du Sud de l’Italie dont la politisation pourrait donner un élan aux luttes du salariat.
Hélène Marra