Les tensions entre la junte et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) s’exacerbent. L’enjeu est qui des deux occupera les bases militaires du nord du pays après le départ de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) consécutive à la demande expresse des putschistes.
L’occupation des bases militaires
Des incidents ont déjà éclaté à Ber près de Tombouctou. À Anéfis, les forces armées maliennes ont bombardé un camp de la CMA. Dernièrement, c’est à Bourem, sur l’axe menant aux principales villes du nord du Mali, qu’une violente altercation s’est produite faisant plusieurs morts dans chaque camp.
Si l’accord de paix signé entre les autorités maliennes et les indépendantistes du nord du Mali à Alger en 2015 n’a jamais été réellement respecté, l’arrivée au pouvoir des putschistes a dégradé une confiance bien précaire. La CMA s’est positionnée contre l’adoption de la nouvelle Constitution qui tournerait le dos aux accords d’Alger en favorisant une plus grande centralisation du pays. Quant à la junte, faute d’améliorer la situation sécuritaire du pays, elle tente de s’affirmer vis-à-vis de la CMA. D’autant qu’elle fait de la question de la souveraineté nationale le point cardinal de son discours politique.
La CMA n’est nullement disposée à laisser installer les forces armées maliennes et leurs supplétifs de Wagner dans le nord du pays qui reste sous son contrôle. Ce qui lui permet de maintenir un rapport de force et garder le contrôle les échanges commerciaux légaux ou non.
Une nouvelle alliance ?
La situation ne peut que s’aggraver. Les colonels tentent de régler les problèmes tant avec les indépendantistes que les islamistes, uniquement par la voie militaire. Cette fuite en avant détériore aussi la vie démocratique du pays. La moindre critique à l’égard du pouvoir est réprimée. Ainsi Rokia Doumbia, connue dans sa lutte contre l’inflation, est emprisonnée pour ses critiques acerbes sur les autorités.
Avant, les nombreux différends entre putschistes et CMA étaient aplanis par la médiation des responsables de la Minusma. Avec son départ programmé, le dialogue est rompu, et chacun accumule hommes et armes et se prépare à une confrontation armée jugée inévitable.
Du coté des djihadistes, le modus vivendi entre le Groupement de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaida et les membres de l’État islamique, est terminé. Le GSIM est bien décidé à stopper leur avancée. Ainsi Iyad Ag Ghali, le leader du GSIM, a rencontré les principaux dirigeants touaregs et d’autres personnalités communautaires pour leur proposer un front commun. Une telle alliance contre l’État islamique pourrait fort bien se prolonger aussi contre le gouvernement de Bamako.
Cette éventuelle reconfiguration des forces en présence mettrait en grande difficulté les putschistes qui ne cessent de subir des revers militaires.
Paul Martial