Ce texte revient aujourd’hui comme soutien à la réflexion dans l’actualité. Il faut nous interroger sur ce que nous pensons de la guerre elle-même comme féministes, et donc sur le rôle que nous pouvons jouer comme organisations et comme personnes dans le façonnement de l’opinion publique et les pressions sur les gouvernements.
Télécharger le mémoire du Comité femmes et mondialisation de la FFQ.
Le mémoire (extraits)
Introduction
Le Canada est en guerre en Afghanistan. Les soldats canadiens tuent et sont tués pour apporter soi-disant la paix, la démocratie et la civilisation au peuple afghan. Le premier ministre Harper prétend, avec ses alliés de l’OTAN (le club de défense des puissances occidentales) qu’il fait la guerre pour reconstruire le pays… Le gouvernement est engagé dans une vaste initiative de recrutement des jeunes –femmes et hommes – dans les forces armées canadiennes : on ratisse les institutions d’enseignement, les attractions sportives, les événements de toutes sortes, le métro, etc. Les budgets militaires ont augmenté de façon considérable [1] depuis l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dont l’un des objectifs était de se rapprocher des États-Unis de GW Bush.
Des femmes sont impliquées dans cette guerre. Côté afghan, elles sont d’abord les victimes des frappes aériennes indiscriminées et des interventions militaires des forces étrangères. [2] Comme mères, comme filles et comme épouses, elles perdent quotidiennement enfants, pères, maris et fils : certains, des civils innocents, d’autres des combattants talibans ou des membres de l’armée afghane. Des femmes afghanes appuient les talibans contre les forces d’occupation (même si cette position peut paraître paradoxale) ; [3] d’autres appuient le gouvernement en place et souhaitent la présence de l’OTAN sur leur territoire. Côté canadien, nous sommes les citoyennes d’un pays en guerre contre une partie de la population d’un autre pays. Des femmes canadiennes et québécoises sont combattantes dans l’armée ; d’autres sont épouses ou mères de soldats ; d’autres appuient le gouvernement et les troupes ; d’autres enfin sont opposées à cette guerre et militent activement pour le retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan.
La militarisation du monde s’accentue. Avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945 et de la guerre froide en 1989 (chute du mur de Berlin) on aurait pu espérer que les « armes se taisent » enfin. Mais c’est plutôt à leur accroissement phénoménal que nous avons assisté et de façon encore plus vertigineuse depuis septembre 2001. En 2005, les dépenses militaires mondiales atteignaient 1118 milliards de $US dont près de la moitié sont le fait des États-Unis. [4] Le nombre de bases militaires étasuniennes s’établissait en 2003 à plus de 1000 réparties dans 130 pays. [5] Le nombre de mercenaires privés a aussi augmenté considérablement depuis 2001 :125,000 membres de sociétés de sécurité privées se trouvaient en Irak à la fin de 2004. [6] Une puissante industrie privée de l’armement prospère sur le dos des contribuables de tous les pays. Au Québec par exemple, des grandes corporations, telles Bombardier, CAE, SNC-Lavalin, Bell Helicopter, Oerlikon, etc. ont déjà commencé à bénéficier de contrats très lucratifs (849 millions $ à Bell Helicopter et jusqu’à 750 millions $ à Oerlikon) avec l’augmentation des budgets militaires canadiens. [7] Enfin, le bouclier antimissile fait partie d’un vaste projet visant à faire de l’espace, le quatrième théâtre de la guerre. [8] Bref la militarisation du monde s’accentue.
C’est parce qu’elle travaille à la paix que la FFQ doit s’occuper de la guerre et de la militarisation du monde. Les féministes ne parlent pas toutes d’une même voix face aux conflits armés et au processus de militarisation. Toutes par ailleurs aspirent à la justice et à la paix, deux valeurs fortes de la Charte mondiale des femmes pour l’humanité. S’il n’y a plus de « guerre mondiale » comme au siècle dernier, il y a une multiplication de conflits qui font tout autant de ravages, sinon plus. La FFQ ne peut faire l’économie de cette situation d’où l’importance de s’interroger, de réfléchir collectivement sur ces conflits et d’en proposer une analyse féministe.
Pour faire ce travail, la FFQ s’appuie sur l’héritage historique des réflexions et des actions des féministes d’ici et d’ailleurs. Elle peut compter également sur les travaux de la Marche mondiale des femmes [9] qui s’est prononcée à de multiples reprises sur des conflits récents et qui a porté les revendications des femmes du monde jusqu’à l’ONU en octobre 2000. Elle s’appuie sur les principes de la Charte Mondiale des femmes pour l’humanité : égalité, liberté, justice, solidarité, paix.
Les objectifs de cette démarche
Ce texte veut proposer une réflexion féministe globale sur la question des femmes et de la guerre. La démarche proposée s’inscrit en faux contre la guerre comme solution aux conflits et privilégie des propositions alternatives à la guerre. Ces alternatives sont énoncées dans les orientations générales des actions de la FFQ, à la fin de ce texte. Il s’agit d’un texte en constante évolution qui s’enrichira des discussions au sein du mouvement des femmes et avec les autres mouvements sociaux. Ce texte ne se veut ni dogmatique, ni idéaliste, ni pessimiste, ni optimiste, ni… : il s’agit plutôt de la mise en marche d’un processus collectif d’appropriation d’une problématique qui relève de nos responsabilités comme féministes occidentales. Notre démarche poursuit quatre objectifs :
• Alimenter les réflexions et les débats autour de questions courantes et controversées. Féminisme et pacifisme vont-ils toujours de pair ? Les femmes sont-elles en soi « pacifiques » et « pacifistes » et les hommes sont-ils génétiquement violents et guerriers ? Faut-il être contre toutes les guerres ? Y a-til des guerres justes ? Des guerres humanitaires ? Qu’en est-il du « devoir d’ingérence » au nom de la démocratie et du respect des droits humains ? Des guerres de religion ? La non-violence est-elle la seule alternative à la guerre ? L’impact des guerres est-il le même sur les femmes que sur les hommes ? La lutte pour l’égalité des femmes implique-t-elle que par exemple, les féministes réclament la participation égalitaire des femmes dans les forces armées ?
• Soutenir les membres de la FFQ dans une démarche d’éducation populaire auprès de leurs groupes, fondée entre autres sur la résolution des conflits par la négociation et sur le principe de la non violence comme alternative à la guerre.
• Jeter les bases pour un positionnement de la FFQ et de ses membres dans les conflits qui font rage ( Afghanistran, Irak, Palestine, Région des grands-lacs africains, Darfour, etc.) à partir de valeurs et de principes féministes et de développer des positions critiques et des revendications face à la politique extérieure du gouvernement canadien et face au gouvernement québécois (lorsque pertinent).
• Développer la solidarité internationale avec les femmes vivant en situation de conflit par divers moyens : information, pressions politiques sur les gouvernements, soutien financier, etc.
2- Perspectives féministes sur la guerre
3- Quelques éléments d’histoire
4- De quelques questions controversées
5- Les femmes et les types de guerres
6- Principes de base de nos positions
La FFQ met en discussion les principes suivants et qui seraient à la base de ses prises de position lors de conflits armés :
• Refus de la guerre : le principe de base fondamental demeure le refus de la guerre comme moyen de régler les conflits. Par ailleurs, la FFQ reconnaît le droit à la légitime défense et le droit à la résistance (face aux agressions, aux occupations, etc.)
• Respect du droit international, des conventions de Genève et des résolutions de l’ONU lors de tout conflit armé. Amélioration progressive de ce droit international
• Recours aux instruments tels la Cour pénale internationale
• Application des conventions internationales spécifiques aux femmes
(21)
• Priorité à la prévention des guerres, à leur contrôle et à la recherche de solutions politiques, pacifiques et négociées aux conflits armés50 Mentionnons à titre d’exemples non exhaustifs :
– travail en profondeur et à long terme sur les causes des guerres (inégalités socio-économiques, fondamentalismes, inégalités entre les femmes et les hommes, etc.)
– utilisation d’indicateurs de pays et régions à risque de conflit développés par des ONG telles Amnistie internationale, Human Rights Watch, etc.
– promotion des mécanismes démocratiques
– mise en place de mécanismes de justice réparatrice (refus de l’impunité)
– formation aux principes et à la méthodologie de la non-violence
– présence de représentantEs de la communauté internationale
– utilisation de sanctions non violentes
– mécanismes de surveillance du cessez-le-feu
– mise en place de tribunaux internationaux d’enquête
– mise en place de processus de négociation
– actions de maintien de la paix (Casques bleus de l’ONU)
– etc.
• Application de la résolution 1325 sur la participation des femmes aux processus de négociation de paix (voir Annexe) [10]
• Reconnaissance des droits des victimes à justice et réparation : déclaration de Nairobi sur le droit des femmes et des filles à un recours et à réparation (mars 2007) [11]
• Droit pour tous les êtres humains de vivre dans un monde sans armée et où les États transforment de façon progressive l’industrie d’armements en industrie de paix, [12] en accord avec la Charte Mondiale des femmes pour l’humanité.
7- Orientations générales de nos actions
Les actions entreprises par la FFQ dans le cadre de conflits armés respecteront les orientations générales suivantes :
•Prise en compte d’une analyse féministe de tout conflit
•Renforcement du rôle de la société civile et plus spécifiquement des groupes de femmes face aux conflits en cours
•Mobilisations pour obtenir des changements d’orientations de la politique étrangère canadienne dans des conflits spécifiques : Afghanistan, Irak, Palestine, Région des grands-lacs africains, etc. et pour que le Canada exerce des pressions pour faire modifier les orientations de la politique étrangère étatsunienne (pressions des gouvernements québécois et canadien dans ce sens)
• Travail en concertation avec d’autres ONG au niveau international pour que l’ONU joue un rôle plus démocratique et plus pro-actif face aux conflits armés ; [13] « L’ONU est loin d’être un instrument parfait mais c’est un instrument précieux. Je vous engage à vous mettre d’accord sur les moyens de l’améliorer pour préserver les générations futures du fléau de la guerre. » (Kofi Annan, Assemblée générale des Nations unies, septembre 2003)
– rôle prépondérant à l’Assemblée générale des Nations Unies,
– modification du rôle et de la composition du Conseil de sécurité,
– droit d’ingérence d’une « armée » de l’ONU (?),
– garantie du droit d’asile,
– garantie du droit de retour.
• Désarmement total et Interdiction de toute production et vente d’armes…avec système de monitoring international pour vérification et lourdes sanctions octroyées par un tribunal international. Considérer la production d’armes comme un crime contre l’humanité. Cette orientation nécessite de débusquer, lister et publiciser les liens entre les compagnies productrices d’armes et les décideurs états-uniens (ex : Bush et la Carlyle, etc.), canadiens, européens, israéliens et les compagnies dites de reconstruction (ex : Dick Cheney et Halliburton, etc.) afin de suivre la trace de l’argent et démontrer à qui rapporte la guerre (de la fourniture des armes et des avions jusqu’à la reconstruction du pays, l’alimentation des troupes, etc.)
•Travail d’éducation populaire à la culture de la paix auprès des jeunes (en collaboration avec les organismes qui y oeuvrent déjà), aux principes de résolutions pacifiques des conflits et à l’approche de la non violence.
8- Actions à entreprendre dès le déclenchement d’un conflit
Prendre contact avec les groupes de femmes dans le ou les pays concernés pour connaître leurs positions par rapport au conflit et leurs besoins (tant matériels que politiques).
– Connaître la position canadienne et québécoise (s’il y a lieu).
– Intervenir auprès des éluEs.
– Intervenir auprès de la population.
– Participer aux coalitions anti-guerre et pro-paix.
– Poser des gestes tels le refus de payer des impôts affectés aux dépenses militaires, etc.
– Etc
9- S’inspirer des actions pour la paix menées par les femmes dans plusieurs pays du monde
Le mouvement féministe est une véritable mine d’or quant aux actions multiples et multiformes pour faire échec à la guerre et faire place à la paix. Mentionnons à titre d’exemples :
– les femmes en Noir de l’ex-Yougoslavie qui contribuent à créer des ponts par-delà les frontières [14]
– dans la bande de Gaza, en Palestine, le 5 novembre 2006, « des femmes s’interposent entre Tsahal (armée israélienne) et des activistes palestiniens pour servir de boucliers humains et empêcher un bain de sang. Malheureusement l’armée israélienne a fait feu sur ces femmes pacifiques et en a tué deux et blessé une dizaine d’autres. » [15]
– le travail des groupes de femmes dans tous les pays en conflits : défense des droits des femmes, aide matérielle, accueil, abri, information, etc.
Fédération des Femmes du Québec
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