Depuis le 7 octobre, le grand quotidien israélien Haaretz critique sans cesse les errements politiques de Benyamin Nétanhyahou et documente les failles sécuritaires de l’État hébreu. Ce jeudi, dans une lettre adressée au chef de cabinet du premier ministre Yossi Fuchs, le ministre des communications Shlomo Karhi demande que soit adoptée une résolution gouvernementale mettant fin à toutes les publicités, abonnements et autres liens commerciaux de l’État avec le journal de centre-gauche, en invoquant une « propagande défaitiste et mensongère » de la publication contre l’État d’Israël en temps de guerre.
« Depuis le début de la guerre, mon bureau a reçu de nombreuses plaintes reprochant au journal Haaretz d’avoir adopté une position offensive qui sape les objectifs de la guerre et affaiblit l’effort militaire et la résilience sociétale », écrit-il dans sa lettre, avant d’insister : « L’État d’Israël est l’un des clients de Haaretz et le gouvernement est en droit de décider qu’il ne veut plus être le client d’un journal qui sabote Israël en temps de guerre et sape le moral des soldats et des civils israéliens face à l’ennemi. »
Le ministre cite comme illustrations de son courroux deux tribunes, une phrase tirée d’un article d’opinion de l’éditorialiste Gideon Levy (« Sous tout cela se cache l’arrogance israélienne : notre conviction que nous pouvons faire du mal à n’importe qui et que nous ne serons jamais punis pour cela ») et le passage d’un article d’une autre chroniqueuse, Amira Hass (« En un jour, les citoyens israéliens ont vécu la routine des Palestiniens depuis des dizaines d’années : invasion militaire, mort, cruauté, enfants tués, corps abandonnés dans les rues »).
La résolution n’a a priori aucune chance d’être suivie d’effets concrets, et ne devrait même pas être soumise au vote. Le quotidien a répondu ironiquement au gouvernement, par une campagne d’abonnement sur les réseaux sociaux : « Quand le gouvernement Nétanhyahou veut nous faire taire, il est temps de lire Haaretz. »
La trêve est entrée en vigueur à Gaza
La trêve négociée pendant plusieurs semaines entre Israël et le Hamas est entrée en vigueur vendredi 24 novembre à 7 heures (6 heures à Paris). Un premier échange d’otages contre des prisonniers palestiniens devrait avoir lieu vendredi dans l’après-midi.
Une question demeure : la trêve sera-t-elle respectée ? Quelques dizaines de minutes après le début de la trêve, des sirènes avertissant de l’arrivée de potentielles roquettes ont retenti dans deux localités israéliennes proches de l’enclave de Gaza.
Selon une équipe de CNN présente à Sdérot, ville israélienne située à quelques kilomètres de la frontière avec Gaza, il y a eu de « fortes détonations » dans la bande de Gaza quelques minutes après le début de la trêve. De la fumée était d’ailleurs visible au-dessus de Gaza City.
Le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a prévenu, dans un message diffusé en arabe sur X, que « la guerre n’est pas encore terminée ». Il a insisté sur le fait que « la pause humanitaire est temporaire », que « le nord de la bande de Gaza est une zone de guerre dangereuse et [qu’]il est interdit de se déplacer vers le nord ».
« Pour votre sécurité, vous devez rester dans la zone humanitaire du Sud », a-t-il ajouté.
Des Palestiniens qui s’étaient réfugiés dans des abris temporaires retournent chez eux dans l’est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, pendant les premières heures de la trêve vendredi 24 novembre 2023. © Mahmud Hams / AFP
Les combats se sont poursuivis jusque dans les toutes dernières minutes. Un jounaliste de la BBC présent à Sdérot a relevé une frappe israélienne ainsi que le bruit de tirs d’armes légères, de drones et de mortiers à moins d’une heure de la trêve. Dans la nuit, les forces israéliennes avaient attaqué l’hôpital indonésien, situé dans le nord de l’enclave palestinienne.
L’accord conclu entre Israël et le Hamas, avec l’aide du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, prévoit la restitution de 50 otages en échange d’une pause de quatre jours dans les hostilités et de la libération de 150 Palestinien·nes détenu·es par Israël.
L’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre a fait au moins 1 200 morts côté israélien. L’assaut israélien sur la bande de Gaza qui a suivi a, selon le ministère de la santé palestinien, tué au moins 13 000 Palestiniens et Palestiniennes, parmi lesquel·les de nombreux enfants.
La rédaction de Mediapart
Le fil du jour. 25 otages aux mains du Hamas ont été remis à la Croix-Rouge
Le cessez-le-feu temporaire de quatre jours au moins est entré en vigueur à 6 heures (heure de Paris). Un premier groupe d’otages est en route pour Israël : 13 otages prévus dans l’accord avec le Hamas, ainsi que 12 ressortissants thaïlandais, objets d’un accord connexe. Deux heures après leur arrivée dans l’État hébreu, 39 prisonniers palestiniens devaient être libérés.
Le premier groupe de 13 otages israéliens – composé de femmes et d’enfants – a été libéré vendredi 24 novembre dans l’après-midi et remis aux travailleurs humanitaires du Comité international de la Croix-Rouge, rapporte le Times of Israel. Le bureau du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a confirmé qu’un premier groupe d’otages avait bien été libéré.
Le journal cite un responsable israélien qui indique que les personnes libérées se trouvent dans des ambulances en route depuis Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, vers le point de passage de Rafah, à la frontière égyptienne. Les familles des otages sont, de leur côté, en route vers les hôpitaux, où elles devraient toutes être réunies.
On apprenait par ailleurs que 12 otages originaires de Thaïlande avaient également été libérés vendredi. Le premier ministre thaïlandais, Srettha Thavisin, a déclaré sur les réseaux sociaux : « Le département de la sécurité et le ministère des affaires étrangères ont confirmé que 12 otages thaïlandais avaient déjà été libérés. Les fonctionnaires de l’ambassade sont en route pour les récupérer dans une heure. Ils devraient connaître leurs noms et leurs coordonnées. Restez à l’écoute. »
Ces libérations d’otages interviennent dans le cadre de l’accord conclu entre Israël et le Hamas ces derniers jours. Accord aux termes duquel des otages enlevés en Israël le 7 octobre dernier devaient être libérés en échange de la libération de prisonniers palestiniens et d’une trêve de quatre jours à Gaza. Quelque 150 prisonniers palestiniens, femmes et enfants, seront échangés : vendredi, Israël devait en libérer 39 : 24 femmes et 15 jeunes hommes. Dans le cadre de cet accord, une aide humanitaire supplémentaire est également attendue à Gaza.
Au total, environ 240 personnes sont aux mains du Hamas et d’autres groupes palestiniens. « Ce sont des heures critiques car nous attendons aujourd’hui le retour en Israël du premier groupe d’otages, y compris des enfants. C’est un moment très émouvant pour le peuple d’Israël », avait expliqué un peu plus tôt le ministre de la défense, Yoav Gallant, en recevant son homologue italien Guido Crosetto.
Selon les termes de l’accord, les otages devaient être remis à La Croix-Rouge qui devait les accompagner à la frontière avec l’Égypte pour les remettre aux responsables israéliens. Les otages devaient ensuite être transportés vers une base aérienne du sud d’Israël avant d’être hospitalisés dans cinq établissements. Celles et ceux qui nécessiteront des soins y resteront, les autres pourront rentrer dans leurs familles au bout de deux jours.
Pour leur part, les prisonniers palestiniens – 24 femmes et 15 jeunes hommes – ont été transférés dans la prison d’Ofer et devaient recouvrer leur liberté deux heures après la libération des premiers otages israéliens, selon Haaretz.
La guerre a été déclenchée par une attaque sanglante sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas sur le sol israélien. En représailles, Israël a bombardé sans relâche la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement palestinien que le gouvernement israélien a promis « d’anéantir ».
La situation humanitaire dans le territoire palestinien est désastreuse selon des ONG et l’ONU.
L’Israélienne Maayan Zin a appris que ses deux filles mineures ne faisaient pas partie des personnes devant être libérées vendredi.
« C’est incroyablement difficile pour moi », a-t-elle écrit sur X (ex-Twitter), bien que « soulagée pour les autres familles ».
À Jérusalem-Est occupée, la Palestinienne Samira Douayyat a évoqué la possible libération de sa fille Shourouk, 26 ans, qui aura purgé la moitié de sa peine de 16 ans de prison. « Je pleure, je ris, je tremble », dit-elle à l’AFP.
Israël a diffusé une liste de 300 Palestiniens susceptibles d’être libérés au total si la trêve est prolongée, comptant 33 femmes et 267 jeunes de moins de 19 ans. Parmi ces détenus, 49 sont membres du Hamas.
« Nous avons posé comme condition que [...] les prisonniers femmes et enfants palestiniens soient libérés par ordre d’ancienneté » en détention, a déclaré Bassem Naïm, haut cadre du Hamas.
Le gouvernement israélien s’en prend violemment à « Haaretz »
Depuis le 7 octobre, le grand quotidien israélien Haaretz critique sans cesse les errements politiques de Benyamin Nétanyahou et documente les failles sécuritaires de l’État hébreu. Ce jeudi, dans une lettre adressée au chef de cabinet du premier ministre, Yossi Fuchs, le ministre des communications Shlomo Karhi demande que soit adoptée une résolution gouvernementale mettant fin à toutes les publicités, abonnements et autres liens commerciaux de l’État avec le journal de centre-gauche, en invoquant une « propagande défaitiste et mensongère » de la publication contre l’État d’Israël en temps de guerre.
« Depuis le début de la guerre, mon bureau a reçu de nombreuses plaintes reprochant au journal Haaretz d’avoir adopté une position offensive qui sape les objectifs de la guerre et affaiblit l’effort militaire et la résilience sociétale », écrit-il dans sa lettre, avant d’insister : « L’État d’Israël est l’un des clients de Haaretz et le gouvernement est en droit de décider qu’il ne veut plus être le client d’un journal qui sabote Israël en temps de guerre et sape le moral des soldats et des civils israéliens face à l’ennemi. »
Le ministre cite comme illustrations de son courroux deux tribunes, une phrase tirée d’un article d’opinion de l’éditorialiste Gideon Levy (« Sous tout cela se cache l’arrogance israélienne : notre conviction que nous pouvons faire du mal à n’importe qui et que nous ne serons jamais punis pour cela ») et le passage d’un article d’une autre chroniqueuse, Amira Hass (« En un jour, les citoyens israéliens ont vécu la routine des Palestiniens depuis des dizaines d’années : invasion militaire, mort, cruauté, enfants tués, corps abandonnés dans les rues »).
La résolution n’a a priori aucune chance d’être suivie d’effets concrets, et ne devrait même pas être soumise au vote. Le quotidien a répondu ironiquement au gouvernement, par une campagne d’abonnement sur les réseaux sociaux : « Quand le gouvernement Nétanyahou veut nous faire taire, il est temps de lire Haaretz. »
La rédaction de Mediapart