« Au regard de nos valeurs humanistes, les victimes palestiniennes et les victimes israéliennes devraient susciter la même indignation. » Dans un entretien au journal Le Monde, l’avocat Arié Alimi exprime avec pudeur son désarroi et son obstination à ne pas déroger des nécessaires convictions humanistes.
Sa détermination lui avait valu, il y a peu, la hargne absurde d’un Frédéric Lordon qui, brocardant allègrement « l’humanisme bourgeois », plaçait Arié Alimi du côté de Bernard-Henri Lévy, d’Emmanuel Macron et de Léa Salamé ! Au même moment, Jérôme Guedj se faisait huer lors d’un rassemblement exigeant la libération des otages du Hamas. Haro sur les « tièdes » : dans le monde tel qu’il est, chacun doit choisir son camp !
Tout se passe comme si, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, un seul choix était possible : la valise ou le cercueil. L’Algérie du début des années 1960 a été confrontée à ce dilemme et, d’une certaine façon, elle continue d’en payer le prix. A contrario, l’Afrique du Sud de Nelson Mandela et de Frederik de Klerk a échappé au choix meurtrier. Elle n’est certes pas débarrassée des séquelles de l’apartheid colonial, mais elle a réussi à ne pas ajouter du drame à la tragédie.
La paix, vous connaissez ?
C’est aux peuples israélien et palestinien de trouver enfin la voie d’un apaisement partagé. Yasser Arafat et Yitzhak Rabin s’y sont essayé, il y a trois décennies. Le second a été assassiné et le premier a été peu à peu isolé, parmi les siens comme dans l’arène internationale. Ils indiquaient pourtant la seule solution possible, hors l’exode ou le génocide. Si l’on ne veut ni de l’un ni de l’autre, il faudra bien que les Israéliens se convainquent de la folie criminelle des va-t-en-guerre qui les gouvernent et de l’impasse totale de la politique de colonisation. Quant aux Palestiniens, ils devront bien admettre que les Israéliens ont le droit de vivre en paix sur la terre qu’une histoire longue et cruelle a instituée en refuge contre la haine universelle.
Ils décideront de leur sort. Mais il est du devoir des sociétés civiles du monde entier de peser à l’échelle internationale pour que la piste de la sagesse devienne enfin possible et que l’esprit de Nelson Mandela l’emporte sur tous les vents mauvais.
L’extrême droite belliciste d’Israël a la responsabilité première, par son obstination colonisatrice et son mépris des Palestiniens. Mais la communauté internationale est responsable de ses inactions, de ses hésitations, de ses revirements. Quant à la France, elle a fauté par son incapacité à poursuivre fermement la voie esquissée par le général de Gaulle après la guerre des Six Jours, en 1967.
On peut condamner sans ambages les crimes commis par le Hamas et clamer haut et fort que doit cesser immédiatement le massacre perpétré sur la population gazaouie. Et honte à ceux qui acceptent l’inacceptable !
La gauche ne peut pas rester déchirée comme elle l’est aujourd’hui. Il existe pourtant un rapprochement possible, hors de tout cynisme de realpolitik. On peut à gauche s’accorder sur deux affirmations simples :
– 1. Aucun combat émancipateur ne peut recourir à des méthodes qui contredisent de façon absolue ses valeurs humanistes fondamentales : rien ne légitime les crimes de masse sur des civils ou les violences faites aux femmes. Rien ne justifie donc que ces actes ne soient pas condamnés, ni qu’ils soient relativisés.<
– 2. On ne peut tolérer aucune exception au droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans le strict respect du droit international. L’abandon de la colonisation est une condition majeure d’un retour à la paix ; le droit d’Israël à vivre en est une autre. La solution des deux États reste donc une clé de toute avancée. Elle semble peu réaliste aujourd’hui, mais elle est un espoir raisonnable depuis sept décennies. Elle continue d’être la petite lumière qui évite de tomber dans la plus noire des nuits.
On peut condamner sans ambages les crimes commis par le Hamas et clamer haut et fort que doit cesser immédiatement le massacre perpétré sur la population gazaouie. Et honte à ceux qui acceptent l’inacceptable !
Roger Martelli