Affiches anti-israéliennes à Téhéran (Iran), samedi.
Après quelques jours durant lesquels on a pu comme d’habitude s’émerveiller des stupéfiantes capacités d’assassinat ciblé qui ont été encore manifestées dans la capitale syrienne - l’excellence des forces de renseignement, la précision des armes -, le moment de payer le prix approche, et le coût risque cette fois d’être insupportablement lourd. En tout état de cause, il dépassera la véritable valeur de ce meurtre, qui était peut-être justifié mais qui, comme tous les assassinats ciblés d’Israël, était inutile, sans intérêt et, cette fois-ci, sans doute également dangereux.
Zahedi était un militaire ; son élimination, comme tous les assassinats ciblés d’Israël, visait à envoyer un message de dissuasion et à réduire les capacités militaires de l’autre camp - l’Iran, dans le cas présent. Y a-t-il ne serait-ce qu’un seul officier de l’armée israélienne dont l’assassinat affecterait de manière significative les capacités militaires d’Israël ? Il n’y en a pas et il n’y en aura jamais.
Une affiche à Téhéran montrant des chefs militaires israéliens en ligne de mire après qu’une frappe attribuée à Israël a tué des généraux iraniens à Damas, au début du mois.Crédit : Majid Asgaripour/ REUTERS
Pourquoi avons-nous toujours tendance à croire qu’au sein du Hamas, du Hezbollah ou de l’Iran il y a des officiers dont l’élimination améliorerait notre sécurité nationale ? Israël a tué Zahedi parce que l’occasion de le faire s’est présentée. Et lorsque ce genre d’occasion se présente, personne parmi les hauts gradés ne résiste jamais à la douce tentation de mener à bien une nouvelle mission brillante à la James Bond. Que se passera-t-il ensuite ?
Le fait que rien ne soit encore jamais arrivé auparavant suffit à nous rassurer. Nous n’avons jamais payé le prix de ces assassinats. Depuis plusieurs années, Israël n’a cessé de provoquer l’Iran, au Liban, en Syrie, mais aussi sur le sol iranien, et n’en a pas payé le prix. Il serait insensé de croire que la corde sur laquelle Israël tire ne se rompra pas. Il se pourrait que ce moment soit venu.
Même un analyste militaire aussi mesuré et sobre qu’Amos Harel a écrit vendredi dans Haaretz que l’assassinat de Zahedi et celui des membres de la famille d’Ismail Haniyeh à Gaza le 10 avril ont été perpétrés sans que les conséquences en aient été suffisamment prises en compte. M. Harel a affirmé que les responsables israéliens impliqués n’avaient manifestement pas du tout discuté des implications de ces actes. Il faut vraiment faire preuve d’une arrogance insensée pour penser que l’Iran ne réagira jamais à ces provocations.
La voiture qui transportait les fils et les petits-enfants de Haniyeh après son explosion, mercredi.
Quiconque se lance dans une aventure aussi dangereuse que l’assassinat d’un commandant de la Force Qods au Liban sans en avoir au préalable examiné les conséquences, est une personne dangereuse et irresponsable dont les actes nous coûteront cher à tous". Harel affirme que les assassinats perpétrés à Damas l’ont été sous la pression des militaires. La direction politique, qui a approuvé l’opération - le Premier ministre Benjamin Netanyahou, pour être précis - porte toute la responsabilité et le poids de la faute en ce qui concerne lses retombées résultats, bien entendu.
Il faut le dire haut et fort : si une guerre avec l’Iran devait être déclenchée cette semaine, ou si l’Iran devait lancer une attaque sérieuse contre Israël, la responsabilité en incomberait à ceux qui ont approuvé les assassinats perpétrés à Damas.
Il s’agit déjà du deuxième assassinat ciblé d’Iraniens depuis le début de la guerre à Gaza. Lorsque l’Iran est concerné, il n’est question n’est question ni de moralité ni de justice, mais uniquement de sagesse. Provoquer l’Iran en ce moment - alors que les forces de défense israéliennes peinent et souffrent à Gaza, que la frontière israélienne avec le Liban s’enflamme et que la Cisjordanie menace d’en faire autant - est un acte dangereux que nous ne pouvons pas ignorer.
De la fumée s’élève après ce que les médias iraniens ont qualifié de frappe israélienne sur un bâtiment proche de l’ambassade d’Iran à Damas, en Syrie, au début du mois.Credit : Firas Makdesi/Reuters
C’était clair le jour de la frappe sur Damas, alors que les Israéliens se faisaient des clins d’œil et savouraient les informations. C’est encore plus clair aujourd’hui, à la veille d’une attaque iranienne. Il est difficile de croire que même après cela, Israël commencera à faire preuve de retenue et de raison : La contre-attaque israélienne interviendra immédiatement et ce sera parti pour une guerre avec l’ennemi le plus dangereux et le plus puissant qu’Israël ait jamais affronté.
Est-ce là ce que voulaient les grands cerveaux, ceux qui ont donné les ordres, ceux qui ont mis à exécution les assassinats de Damas ? Est-ce ce que nous, Israéliens, nous voulons ? Est-ce vraiment ce dont nous avons besoin là maintenant, une guerre avec l’Iran ?
Surtout, ne dites pas, une fois de plus, qu’il n’y avait pas le choix. Il y avait un choix : ne pas tuer. Même si c’était mérité, même si c’était permis et même si c’était possible. La personne qui a envoyé les assassins a fait courir à Israël le risque d’une guerre avec l’Iran.
Gideon Levy