Le Réseau des femmes pour la paix appelle à une action immédiate pour protéger la minorité ethnique et religieuse des Rohingyas dans l’État de Rakhine, ou Arakan, et empêcher que de nouvelles atrocités ne soient commises au Myanmar.
INVITATION | 21 mai 2024
Chers amis et collègues,
Ce jeudi 23 mai (à 9h New York / 15h Genève / 19h30 Myanmar), le Réseau des femmes pour la paix tiendra une conférence de presse d’urgence sur les atrocités en cours contre les Rohingyas dans l’État de Rakhine, ou Arakan.
La crise dans la région s’aggrave de seconde en seconde, au-delà de ce qui a été décrit dans notre déclaration du 19 mai.
N’hésitez pas à partager notre invitation avec votre réseau. L’inscription à cet événement est obligatoire.
Solidairement.
Le Réseau des femmes pour la paix appelle à une action immédiate pour protéger la minorité ethnique et religieuse des Rohingyas dans l’État de Rakhine, ou Arakan, et empêcher la commission d’autres crimes atroces au Myanmar.
Le 17 mai 2024, à partir d’environ 22 heures (heure de Myanmar), l’armée de l’Arakan a mis le feu au centre-ville de Buthidaung et aux villages voisins, notamment Tat Min Chaung et Kyauk Phyu Taung, comme le rapportent des sources locales. Des témoins ont raconté que des éléments de l’Armée de l’Arakan (AA) avaient brûlé la grande majorité des quartiers de la ville, c’est-à-dire des maisons, des écoles et d’autres bâtiments civils. Des centaines de Rohingyas auraient été tués et mutilés, et près de 150 000 Rohingyas auraient été déplacés de force. C’est dans la commune de Buthidaung que l’on trouve la plus forte concentration de Rohingya - plus de 200 000 civils - dans cet État.
Les rapports indiquent que l’attaque de l’AA contre le centre-ville de Buthidaung, qui est composé de sept quartiers, ne s’est pas produite dans le contexte de l’intensification du conflit armé en cours avec l’armée birmane dans l’État de Rakhine. Trois jours avant l’attaque de l’AA, il a été rapporté que les militaires birmans s’étaient retirés du centre-ville de Buthidaung. L’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan, connue pour sa collaboration avec l’armée, s’est retirée du centre-ville de Buthidaung quelques jours avant l’attaque. Les Rohingyas recrutés de force par l’armée, qui avaient brûlé plusieurs maisons que les habitants de l’ethnie rakhine avaient fuies il y a quelques semaines, n’étaient pas non plus présents dans la zone touchée.
Il est alarmant de constater que l’attaque de l’AA contre Buthidaung s’inscrit dans un contexte caractérisé par une intensification des atrocités commises à l’encontre des civils rohingyas. Au cours des deux dernières semaines, le WPN a été informé de différents faits, notamment l’incendie par l’AA de dizaines de villages rohingyas, ainsi que le bombardement de l’école secondaire d’éducation de base n° 1 et du seul hôpital de la municipalité où les Rohingyas déplacés à l’intérieur de leur pays cherchaient refuge. Des cas de massacres de familles rohingyas dans plusieurs villages de cette municipalité ont également été signalés ; il s’agit notamment d’un groupe de personnes âgées rohingyas qui ont tenté de dialoguer avec les membres de l’AA présents dans la zone dans le but de réduire les attaques de l’AA à leur encontre et à l’encontre de leurs communautés. Ces attaques ont fait des centaines de morts et de blessés parmi les civils, et dans l’État de Rakhine, près de 100 000 Rohingyas ont été déplacés de force . Le WPN continue de recueillir des informations sur ces cas et de les vérifier, en dépit de l’imposition continue de coupures de lignes téléphoniques et d’Internet , de la diffusion en ligne et hors ligne de fausses informations et de désinformations, de la promotion d’un discours de haine et d’une rhétorique génocidaire par des acteurs tels que l’armée birmane et les dirigeants de l’AA, et malgré les agissements visant à exacerber les tensions ethniques et à instrumentaliser les Rohingya contre les objectifs et les efforts du mouvement pro-démocratique birman.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que les centaines de milliers de Rohingyas déplacés, confrontés à des risques croissants de nouvelles atrocités, sont des victimes et des survivants des attaques génocidaires de 2017. Ces personnes font également partie des 600 000 Rohingyas restés au Myanmar, dont environ 130 000 déplacés internes, dans des conditions qui les rendent excessivement vulnérables sur le plan humain. Systématiquement privés de citoyenneté, de liberté de mouvement et d’autres droits fondamentaux, les Rohingyas n’ont aucun moyen de fuir ou de se protéger d’un régime d’apartheid, de la conscription forcée, d’actes généralisés d’enlèvement, de torture, de meurtre, ainsi que d’autres attaques ciblées de la part de l’armée birmane et d’autres protagonistes. Dans le même temps, l’évacuation récente du personnel des Nations unies et de diverses organisations internationales non gouvernementales a privé les civils rohingyas de l’État de Rakhine de tout accès à l’aide humanitaire, notamment à la nourriture et aux produits de première nécessité. Les coupures généralisées des communications et des transports sont toujours d’actualité. La famine, en particulier chez les femmes et les enfants, est désormais imminente dans la région.
Le droit international doit être respecté afin d’apporter une réponse globale à la situation dans l’État de Rakhine. Il est essentiel que toutes les mesures nécessaires soient prises pour protéger la minorité ethnique et religieuse rohingya qui a été reconnue comme un « groupe protégé » par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide par la Cour internationale de justice.
Une action immédiate est nécessaire pour mettre fin aux atrocités en cours dans l’État de Rakhine et pour empêcher que d’autres crimes atroces soient commis contre les Rohingyas. La communauté internationale ne doit plus manquer à ses obligations envers les Rohingyas, comme ce fut le cas dans les jours, les mois, les années et les décennies qui ont précédé les attaques génocidaires de 2017.
Par conséquent, WPN appelle immédiatement :
• la communauté internationale à déployer des observateurs et des experts indépendants dans l’État de Rakhine afin de vérifier et d’enquêter de manière experte sur la crise actuelle ;
• les États membres de l’ONU et les gouvernements donateurs à fournir une assistance humanitaire aux Rohingyas déplacés de force par la crise actuelle dans l’État de Rakhine ;
• le Secrétaire général des Nations unies à invoquer l’article 99 de la Charte des Nations unies concernant la situation dans l’État de Rakhine et à demander que l’aide transfrontalière puisse être apportée aux communautés touchées ;
• le Conseil de sécurité des Nations unies à tenir une réunion publique sur la situation dans l’État de Rakhine, en mettant l’accent sur le non-respect des mesures conservatoires décidées par la CIJ ;
• les dirigeants du mouvement démocratique birman, y compris le gouvernement d’unité nationale, le Conseil consultatif d’unité nationale et les organisations révolutionnaires représentant les ethnies, à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’escalade des atrocités contre la minorité ethnique et religieuse rohingya dans l’État de Rakhine, et à lutter activement contre la manipulation des divisions ethniques par l’armée birmane contre le mouvement démocratique et ses efforts en faveur d’une démocratie fédérale véritablement inclusive ; et
• l’AA et ses dirigeants à s’engager immédiatement et de manière significative auprès de la communauté rohingya dans le but précis d’empêcher que d’autres atrocités soient commises à leur encontre, d’assurer leur protection, leur droit à la justice et à la prise de responsabilité, et de construire une base solide pour la coexistence pacifique de toutes les communautés dans l’Arakan