L’ONU qualifie ces territoires comme « des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes”. En 1946, une première liste a été établie, elle a évolué au fil du temps. »En 1945, au moment où l’Organisation des Nations unies était fondée, 750 millions de personnes — soit près du tiers de la population mondiale — vivaient dans des territoires qui n’étaient pas autonomes et qui dépendaient de puissances coloniales, précise l’ONU sur son site. Aujourd’hui, il reste encore 17 territoires non autonomes, où vivent moins de deux millions de personnes." Entre-temps, 80 anciennes colonies ont accédé à l’indépendance.
Dans l’espoir d’accélérer les progrès de la décolonisation, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en 1960 une Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés. Cette Déclaration affirme que tous les peuples ont le droit de libre détermination et proclame la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme. Un comité est créé deux ans plus tard pour assurer le suivi de son application.
17 TERRITOIRES À DÉCOLONISER
Il reste donc, aujourd’hui, selon l’ONU, 17 territoires à décoloniser. Parmi ceux-ci, dix sont encore sous administration du Royaume-Uni, trois des Etats-Unis, deux de la France et un de la Nouvelle-Zélande.
« Ce sont essentiellement des anciennes colonies britanniques, explique Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques, chargé d’études au CETRI (Centre tricontinental). »Ces territoires font l’objet d’un consensus au sein de l’ONU, on estime qu’ils ont pour destin, à terme, de devenir indépendants. La Palestine ne se trouve pas dans cette liste en raison justement de l’aspect beaucoup plus conflictuel que représente ce territoire."
UNE LISTE CONTESTÉE
Cette liste ne fait pas pour autant l’unanimité. Pour certains, elle est incomplète, pour d’autres elle englobe des territoires qui ne devraient pas s’y trouver, notamment des territoires qui ont eux-mêmes refusé la voie de l’indépendance.
Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, les loyalistes (partisans du maintien dans la France) arguent que l’archipel a refusé l’indépendance par trois fois. Ils estiment donc qu’elle devrait être retirée de la liste. Mais, selon Semir Al Wardi, professeur en science politique à l’Université de Polynésie française, interrogé par France Info Nouvelle-Calédonie : « Le troisième référendum est considéré par les observateurs internationaux comme très discutable. On peut donc dire que l’argument selon lequel il y a eu trois référendums n’est pas recevable en général par les observateurs internationaux. »
Frédéric Thomas (CETRI) l’admet, le consensus est tout relatif. Il donne un autre exemple, celui du Sahara occidental. « Il y a une pression très forte du Maroc depuis des années pour la retirer. Le Maroc considère que ce territoire fait partie de son pays. Donc c’est toujours une liste provisoire qui fait l’objet de discussions, et qui est surdéterminée par des enjeux politiques qui peuvent faire que l’un ou l’autre territoire disparaisse, ou reste indéfiniment sur la liste. »
La Polynésie française y a même été réinscrite en 2013. L’assemblée générale des Nations unies a adopté sa réinscription contre l’avis de la France, qui avait dénoncé une « ingérence flagrante ». La Nouvelle-Calédonie avait subi le même sort en 1986. Le dernier territoire à être sorti de la liste est le Timor occidental, devenu état indépendant en 2002, suite à la signature d’accords avec le Portugal et l’Indonésie.
L’AUTODÉTERMINATION
Cela ne veut pas dire que toutes les anciennes colonies qui ne figurent pas sur cette liste sont devenues indépendantes. Pour les Nations unies, « on peut dire qu’un territoire non autonome a atteint sa pleine autonomie quand il est devenu un Etat indépendant et souverain, ou s’est librement associé à un Etat indépendant ou lorsqu’il s’est intégré à un Etat indépendant. »
En d’autres termes, ce qui importe, c’est que les populations concernées aient pu choisir librement. C’est ainsi que, par exemple, la Réunion ou la Guadeloupe, départements français d’outre-mer, ne sont plus sur la liste.
Pourquoi les pays qu’on appelle « puissance administrante » (Royaume-Uni, Etats-Unis, Chine) gardent-ils la main sur ces territoires ? « Beaucoup de ces territoires sont minuscules, avec une population très faible, répond Frédéric Thomas (CETRI). Ils sont restés à l’écart de la phase de décolonisation très importante menée autour des années 50. La plupart (pas tous) n’ont pas connu l’expression d’un nationalisme ou d’un anticolonialisme très fort. »
DES INTÉRÊTS GÉOSTRATÉGIQUES
Si les puissances administrantes y restent présentes, c’est avant tout pour des enjeux géostratégiques, estime le docteur en sciences politiques. « Ce sont des territoires qui permettent d’avoir une présence géographique de relais dans des territoires lointains, avec, dans certains cas, l’établissement d’une base militaire. Il s’agit pour la France, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne de bénéficier de point d’appui dans des océans lointains pour contrecarrer l’influence d’autres pays, notamment la Chine. Certains sont par ailleurs devenus des paradis fiscaux. »
Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, outre la volonté de la France de renforcer son influence en Asie-Pacifique, l’archipel présente aussi l’intérêt de renfermer de riches ressources en nickel, nécessaire à la fabrication des véhicules électriques.
Daphné Van Ossel (RTBF )
Frédéric Thomas (CETRI)
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