Edouard Philippe pour Horizons, Bruno Lemaire pour Renaissance, Bruno Retailleau pour Les Républicains canal historique, Jordan Bardella et Eric Ciotti pour le Rassemblement national et Les Républicain canal trahison, Eric Coquerel et Boris Vallaud pour le Nouveau Front populaire : une belle brochette de mecs pour parler économie – il ne faudrait en effet pas laisser croire que les femmes peuvent parler des choses sérieuses non mais oh hein. Mais si tous les auditionnés avaient une paire de testicules, leurs projets n’en demeuraient pas moins diamétralement opposés.
Le parti du gouvernement et ses affidés ont ainsi défendu leur bilan et fait de nouvelles propositions qui vont rigoureusement dans le même sens de ce qui les a menés dans le mur auquel ils font aujourd’hui face : une politique de l’offre, aussi appelée politique pro-business, faite de baisses des impôts et des taxes qui « pèsent » sur les entreprises et de baisses des cotisations – qu’ils appellent évidemment « des charges ». Le but est simple (simpliste ?) : relancer la croissance en dégageant « de nouvelles marges » et croiser les doigts pour que tout le monde en bénéficie (lol). Tout cela en épurant les comptes publics. La bonne vieille recette qui ne marche pas depuis 7 ans – depuis 50 ans même – mais ça leur assure que le MEDEF soit à peu près content.
La gauche, dans sa plus pure tradition keynésienne, mise sur une relance de la demande et porte des propositions de justice fiscale : augmentation du SMIC, taxation du patrimoine, création de nouvelles tranches d’imposition sur le revenu, la réduction des écarts de richesses est au cœur du projet du Nouveau Front populaire. D’autant que cela leur permettrait de dégager des possibilités d’investissements, notamment pour des services publics, jugés, à raison, dans un état de délabrement avancé. Le moteur principiel et la direction du projet de la gauche demeurent donc l’égalité. Alors certes, ils n’ont pas convaincu leur auditoire (comme en témoignent les commentaires du patron du MEDEF Patrick Martin à la fin des auditions) mais ce n’était pas le but.
Quant à l’extrême droite, outre les flous des deux comparses réunis pour la première fois sur un même canapé, sur la question des retraites, le projet est à la fois pro-business (c’est-à-dire, en gros, « on fait comme les macronistes et nous non plus on n’augmentera pas les impôts ») mais on veut quand même faire quelques investissements. Et c’est là que ça devient lunaire (ou plutôt raciste) : pour financer l’hôpital public, la bonne idée, c’est de supprimer l’aide médicale d’Etat. Le fait que ça ne « coûte » qu’un milliard sur les près de 250 de l’Assurance maladie et que ce soit surtout un scandale d’inhumanité ? Pas grave, le message raciste est passé. Et sinon ? L’immigration coûterait 54 milliards par an (sic – ce chiffre est hautement contesté, que ce soit par l’historien spécialiste des migrations Benjamin Stora qui estime que c’est incalculable ou l’OCDE qui considère que ça rapporterait plutôt autour de 10 milliards d’euros par an à la France) : donc on coupe et paf, on fait des économies. N’importe nawak, personne n’est dupe mais eux ont l’air d’y croire et force est de constater qu’ils arrivent à le faire croire.
Justice et égalité pour la gauche, business et croissance pour la droite, flou et racisme pour l’extrême droite. Certes, ce compte-rendu est un peu orienté mais il rend compte d’une réalité politique importante : à la veille de ces élections législatives, nous sommes à la croisée des chemins.
Pablo Pillaud-Vivien