ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE
Succès personnel pour le premier ministre indien Manmohan Singh, cadeau des Etats-Unis à une Inde en plein développement, l’accord de coopération nucléaire entre Washington et New Delhi, rendu public le 3 août, menace la survie de la coalition gouvernementale dirigée par le Parti du Congrès, mais soutenue par la gauche communiste.
Depuis plus de dix jours, le Parlement indien est en émoi avec le refus des communistes et des nationalistes hindous du Parti du peuple indien (BJP) d’entériner un accord qui devait permettre à l’Inde - qui n’a jamais signé le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) - de bénéficier d’importations de technologies et de combustibles nucléaires pour développer son énergie nucléaire civile.
Les quatre partis de la gauche communiste, qui disposent de soixante sièges au Parlement, menacent de retirer leur soutien à la coalition gouvernementale qui deviendrait alors minoritaire. Dans un communiqué de son bureau politique, le Parti communiste indien (marxiste) affirme qu’il est « convaincu qu’aller de l’avant avec cet accord ne sert pas les intérêts de l’Inde ». « Etant donné la large opposition à cet accord et le fait qu’une majorité du Parlement ne le soutient pas, le gouvernement ne devrait poursuivre », affirme encore le PCI (M), qui demande au gouvernement d’ajourner les négociations prévues en septembre avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Les communistes estiment que cet accord, fondement du rapprochement stratégique entre l’Inde et les Etats-Unis, menace la souveraineté de l’Inde. Au-delà des points de contentieux, comme le droit ou non pour l’Inde de procéder à de nouveaux essais nucléaires, la crainte la plus fondamentale des communistes est de voir l’Inde devenir partie intégrante de la stratégie globale américaine.
Les relations entre le Parti du Congrès et les communistes n’ont jamais été très bonnes et l’alliance conclue après les élections de 2004 n’avait pour but que de contrer les nationalistes hindous du BJP. « Le Congrès n’a jamais eu confiance dans les communistes et la gauche n’a jamais eu confiance dans le Congrès », écrivait récemment Shekhar Gupta, rédacteur en chef de l’Indian Express.
EXASPÉRATION DU PARTI DU CONGRÈS
Dans les bastions communistes du Bengale-Occidental et du Kerala, le Congrès et les communistes se livrent traditionnellement à des batailles acharnées. Sur le plan national, les communistes ont déjà contrecarré plusieurs tentatives de réformes économiques du premier ministre. Celui-ci n’a pas caché son exaspération au Parlement, défiant les communistes de retirer leur soutien. Evoquée par certains, l’organisation d’élections
anticipées - la législature du Parlement arrive à terme en mai 2009 - pour sortir de l’impasse apparaît toutefois peu probable à court terme. Les communistes, qui n’ont jamais fait un aussi bon score électoral, ne sont pas enclins à retourner aux urnes.
Les batailles sanglantes qui ont opposé au Bengale-Occidental le gouvernement communiste aux paysans pour l’acquisition de terres risquent d’affaiblir leur électorat, alors qu’au Kerala, le parti est miné par des conflits internes. Les autres formations de la coalition, comme le Parti du Congrès, ne sont pas davantage prêtes à retourner aux urnes, un exercice très périlleux alors que les programmes en faveur des défavorisés n’ont pas encore fait leur effet.