Nous avons appris la mort de Georges Boudarel, à l’âge de 78 ans. Son décès a eu lieu le vendredi 26 décembre, dans la maison de retraite où il se trouvait depuis plusieurs années à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Il a été incinéré le 30 décembre au Père-Lachaise.
Boudarel est cet enseignant français, parti en 1948 pour exercer son métier à Saïgon, et qui, deux ans plus tard, rejoignait les rangs du Vietminh. Il finira par y être affecté à l’instruction politique des prisonniers français du camp 113. La « stalinisation » du régime de Hanoï l’amènera à rentrer en France en 1967. Il deviendra alors maître-assistant d’histoire à l’université de Paris VII Jussieu.
C’est en février 1991 qu’éclate l’« affaire Boudarel ». Lors d’un colloque sur « l’actualité vietnamienne » organisé au Sénat, Boudarel s’apprête à parler quand un individu entouré d’une vingtaine de sbires lui arrache le micro. Il se présente : Jean-Jacques Beucler, ancien député, ancien secrétaire d’Etat à la Défense en 1977-1978, ex-prisonnier du Vietminh de 1950 à 1954. Il demande à Boudarel s’il est bien celui qui avait « dirigé » un camp de prisonniers français au Viêt-nam. Après la réponse de Boudarel, il l’invective violemment, l’accuse d’avoir « du sang sur les mains » et quitte la salle avec son escorte. A son instigation, une plainte pour « crime contre l’humanité » va être déposée en avril 1991. Elle sera considérée comme « infondée » par la justice française. Le dernier épisode date de juin 1998 et déboute ses accusateurs.
C’est bien par conviction que Boudarel a toujours agi et cela l’a amené à critiquer de plus en plus vigoureusement les méthodes de la bureaucratie vietnamienne pour museler les intellectuels. Son nom ne devenait plus prononçable au Viêt-nam. Quelle n’a pas été sa surprise, et celle de ses nombreux amis, de savoir qu’en septembre 2000 un article élogieux à son égard était publié dans ce pays. Il a été reproduit dans le numéro de février 2001 d’Inprecor. Il se concluait par l’espoir que Boudarel, malade, pourrait se rétablir et se rendre à Hanoï où ses amis pourraient « lui offrir quelque réconfort ».
Malheureusement, son état l’en a empêché, mais au moins il a eu la dernière satisfaction de constater qu’au Viêt-nam, malgré le silence officiel longtemps régnant, on ne l’avait pas oublié.
* Georges Boudarel, Autobiographie, Jacques Bertoin, 1991, 439 p.