SANTÉ - Des signaux (rouge vif) à ne pas prendre à la légère. L’Organisation mondiale de la santé a déclenché mercredi 14 août son plus haut niveau d’alerte sanitaire au niveau mondial face à la propagation d’une souche plus dangereuse du virus mpox, anciennement appelé « variole du singe », sur le continent africain.
L’OMS avait déjà pris une telle décision en 2022, lorsqu’une épidémie de mpox s’était étendue à travers le monde. Sauf que le phénomène de 2024, parti de la République démocratique du Congo, provoqué par la souche « Clade 1 » et par une variante encore plus dangereuse, le « Clade 1b », inquiète beaucoup plus l’agence onusienne. Le HuffPost vous en explique les spécificités.
• Une souche plus mortelle qu’en 2024
En 2022, l’épidémie mondiale était portée par la souche 2, bien moins dangereuse que la souche 1. Elle a été par conséquent peu meurtrière : environ 200 morts pour presque 100 000 cas identifiés, selon l’OMS. Soit un taux de mortalité inférieur à 1 % parmi les personnes infectées. Et cela notamment parce qu’elle s’est propagée en Europe, où les patients occidentaux ont bénéficié de systèmes de santé performants.
Mais en septembre 2023, « quelque chose est apparu différent » dans un foyer de mpox détecté chez des travailleurs du sexe dans la ville minière isolée de Kamituga, en RDC, a raconté John Claude Udahemuka, chercheur à l’université du Rwanda qui étudie cette épidémie, lors d’une conférence de presse.
Les symptômes de la variole observés dans ce village semblaient plus invasifs. Les personnes infectées étaient recouvertes, sur tout le corps, d’éruptions cutanées, quand les précédentes souches étaient caractérisées par des éruptions et des lésions localisées, sur la bouche, le visage ou les parties génitales.
Des tests réalisés après cette découverte ont permis d’identifier une mutation de la souche originelle, qui a donc été appelée 1b et qui est « sans aucun doute la plus dangereuse à ce jour », selon John Claude Udahemuka. Son taux de mortalité est estimé à 3,6 %.
• Femmes et enfants aussi touchés que les hommes
Autre inquiétude soulevée par les épidémiologistes : le virus semble se propager plus vite et dans des régions d’Afrique de l’Est historiquement épargnées. « Au cours du mois dernier, environ 90 cas de clade 1b ont été signalés dans quatre pays voisins de la RDC qui n’avaient jamais signalé de mpox auparavant : Burundi, Kenya, Rwanda et Ouganda », a précisé dès mercredi sur ce point le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, auprès des journalistes.
Le variant 1b s’étend aussi chez des populations qui semblaient jusqu’ici « immunisées ». Alors qu’il touchait particulièrement des hommes homosexuels et bisexuels il y a deux ans, le virus affecte désormais autant les hommes, les femmes que les enfants.
Il se transmet par ailleurs principalement par voie sexuelle, une première en Afrique. En effet, contrairement à l’Europe, les moyens de transmissions du mpox sur le continent africain étaient jusqu’ici davantage liés à des contacts prolongés (plus de 3 heures) ou directs (via le sang par exemple) avec une personne infectée. Les populations fragiles, comme les ouvriers des mines ou les travailleuses du sexe, sont cette fois particulièrement exposées, appuie Antoine Gessain, professeur à l’Institut Pasteur, auprès de L’Express.
• Manque critique de vaccins en Afrique
Le chercheur de l’Institut Pasteur fait également part de ses inquiétudes quant aux facteurs de risques en Afrique qui amplifient la gravité des symptômes de la variole. Il cite à ce propos la « malnutrition, la pauvreté, l’absence de soins et une population déjà très touchée par le VIH ».
L’épidémie de 2022, surtout circonscrite aux États-Unis et en Europe, a été endiguée grâce aux tests, vaccins et traitements. Autant d’éléments qui manquent à l’équation en Afrique de l’Est. À cet égard, Ayoade Alakija, présidente de l’Alliance africaine pour l’accès aux vaccins, alerte ce jeudi dans les colonnes du Monde : « L’insuffisance du nombre de tests [en Afrique] a compromis la riposte à l’épidémie en ce qui concerne les connaissances sur la manière dont le virus se déplace et sur les meilleurs endroits où développer des interventions ciblées, notamment des traitements et des vaccins. »
L’Union européenne a déjà annoncé donner 215 000 doses de vaccin mpox à l’Africa CDC, le centre de contrôle et de prévention des maladies du continent. « Une goutte d’eau dans l’océan », regrette déjà Alexandra Phelan, chercheuse à l’Université américaine Johns Hopkins, rappelant que l’Africa CDC réclame 10 millions de doses de vaccin, citée par la revue Science.
Un volume que le laboratoire Bavarian Nordic assure être en capacité de produire d’ici 2025. Mais il y a un hic : pour fabriquer ces doses supplémentaires, la société danoise attend les commandes des pays frappés par l’épidémie. « Nous avons besoin de voir les contrats », a expliqué son vice-président à l’AFP
Le directeur général d’Africa CDC, Jean Kaseya, a de toute façon lui-même reconnu que le don de l’UE ne serait pas suffisant, d’autant que ce vaccin nécessite deux doses. Il a évoqué un programme bien plus ambitieux avec l’Europe qui est en cours d’élaboration et devrait permettre de distribuer les dix millions de doses nécessaires. Coopération et coordination de tous les pays sont nécessaires pour aider à lutter contre cette épidémie, insiste l’OMS, d’autant qu’elle circule toujours à faible bruit sur les autres continents. Un premier cas du nouveau variant a d’ailleurs été découvert en Suède ce jeudi, une première.
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