Un secteur chaque fois plus réduit, mais encore important avec de nombreux intellectuels, reprend l’argument du Forum de São Paulo [1], selon lequel, pour sauver le Venezuela et la région de l’impérialisme américain, il faut soutenir à tout prix le gouvernement de Nicolás Maduro. Et dans ce prix se trouve inclut, bien sûr, la possibilité que, contrairement aux fois précédentes, Maduro n’ait pas gagné les élections car, après tout, il se refuse jusqu’à présent, de pr[esenter les preuves de sa victoire.
Selon cette logique, davantage basée sur la géopolitique classique que sur le marxisme, non seulement tout est valable, mais tout est nécessaire pour « ne pas céder » le pouvoir vénézuélien (et le pétrole) « à la droite ». Selon cette logique géopolitique, le fait que Nicolás Maduro ait gagné ou perdu les élections est secondaire par rapport à l’impératif « nationaliste progressiste » d’empêcher l’impérialisme américain, incarné par le candidat de l’opposition Edmundo González, de s’installer au palais de Miraflores et de mettre ainsi en péril la propriété étatique de PDVSA (Petróleos de Venezuela SA), qui possède l’une des plus importantes réserves de pétrole et de gaz de la planète. Une partie de ces néo-maduristes, il est vrai, se focalise moins sur le pétrole que sur la tragédie que constituerait la reconnaissance de la défaite de Maduro, perçu comme un homme de gauche, dans un contexte de progression de l’extrême droite dans le monde et dans la région. Pour tous, il n’y aurait pas d’autre issue que de s’aligner avec Maduro - pas même une négociation entre les deux parties du conflit vénézuélien, comme le proposent Lula et Gustavo Petro - certainement pour rechercher une répartition des pouvoirs entre les deux parties, avec une certaine garantie de protection de l’intégrité de PDVSA.
L’histoire et les faits n’ont pas d’importance
Posons la question, pour rafraîchir les mémoires : quelle est la ligne de partage entre la droite et la gauche - le discours ou l’action ? Maduro maintient certainement une grammaire discursive avec un verbiage de gauche. Il affirme que son gouvernement est une « alliance militaire-policière-populaire » anti-impérialiste et pour le socialisme. Il a besoin de se légitimer à l’intérieur et à l’extérieur comme le successeur de Chávez, alors qu’il n’a fait que réduire les conquêtes et l’héritage des années de progrès du processus bolivarien. Au-delà des apparences, le fait est que sa politique depuis 2013 a consisté à favoriser l’enrichissement d’un nouveau secteur d’entreprises dans le pays et, tel un Bonaparte, à négocier entre les différentes fractions de la bourgeoisie vénézuélienne, nouvelles et anciennes (à l’exception de celle la plus liée à l’extrême droite yankee, à savoir Maria Corina Machado et Edmundo González) afin de se maintenir au gouvernement.
Dans un cours ouvertement autoritaire, Maduro a toujours favorisé les secteurs d’entreprise, en particulier ceux des services pour l’industrie pétrolière, largement distribués aux échelons supérieurs de ses forces armées et de sa police. (D’où l’alliance...) Même sous le feu nourri des sanctions impérialistes occidentales contre le Venezuela - qui viennent de l’administration Obama, sont passées par Trump et se sont assouplies avec Biden - il n’a jamais pris la moindre mesure pour affronter le système financier mondialisé et ses soutiens internes. Il a alloué une part substantielle du budget national en baisse à des banques privées pour garantir la vente de devises étrangères à des entreprises privées et rentistes, dans les faits, une politique qui subventionne et favorise les riches [2].
En même temps (depuis le décret 2792 de 2018), il interdit les grèves, l’expression de revendications, le droit de la classe ouvrière à se mobiliser, à s’organiser et la légalisation de nouveaux syndicats, tout en poursuivant et en envoyant en prison les dirigeants syndicaux qui remettent en question les pratiques internes des entreprises, ou qui demandent simplement une augmentation de salaire et une assurance maladie. C’est ce qui s’est passé à Siderúrgica del Orinoco (Sidor), la plus grande concentration de prolétaires au Venezuela : après s’être mobilisés pour les salaires et les avantages sociaux entre juin et juillet 2023, ils ont été victimes d’une intense répression. Leonardo Azócar et Daniel Romero, délégués syndicaux, sont emprisonnés depuis [3].
L’« anti-impérialisme » de Maduro et de son entourage ne l’empêche pas de livrer aujourd’hui le pétrole dont les États-Unis ont besoin par l’intermédiaire de Chevron et d’autres grandes entreprises étrangères (comme Repsol), dans un contexte où le Trésor américain les autorise à extraire l’or noir vénézuélien, en interdisant à leurs entreprises de payer des impôts et des redevances au Venezuela [4]. L’acceptation de ces conditions néocoloniales montre les limites de l’anti-impérialisme maduriste.
Les sanctions contre le Venezuela se sont assouplies sous Biden (sous la pression du conflit avec la Russie), mais Maduro continue à maintenir le discours selon lequel tout est la faute des sanctions, comme prétexte pour faire avancer un ajustement structurel qui affecte radicalement ceux qui vivent de leur travail. En termes politiques, au Venezuela, le discours sur les sanctions américaines (réelles, concrètes et détestables) a perdu son efficacité politique face au mode de vie ostentatoire et luxueux (avec des affaires de corruption milliardaires) de ceux qui dirigent aujourd’hui le pays.
La classe ouvrière comme élément accessoire
L’analyse de la situation de la classe ouvrière vénézuélienne comme base de l’analyse de la gauche a été remplacée par la mode de la « géopolitique du pétrole ». Cette géopolitique binaire ne voit que la contradiction entre l’impérialisme et l’État vénézuélien (de fait une contradiction réellement importante). Elle n’a pas l’articulation dialectique suffisante pour prendre en compte, dans un scénario de contradictions multiples, la situation matérielle et politique de la classe ouvrière, ses aspirations et ses options. C’est comme s’il s’agissait d’une question accessoire ou d’une contradiction secondaire. Leur « mantra » pour omettre l’analyse de classe est d’empêcher la droite d’arriver au pouvoir, ignorant le fait que le Venezuela a un gouvernement qui applique les recettes économiques structurelles de la droite, mais avec une rhétorique de gauche. Il suffirait de parler aux travailleurs (et non à la bureaucratie des patrons du CBST) de Sidor, de PDVSA, aux enseignants et aux professeurs d’université pour constater la terrible situation matérielle dans laquelle ils vivent (salaire minimum de 4 Euros par mois, salaire moyen de 120 Euros par mois), au milieu de la pire restriction de leurs libertés démocratiques depuis des décennies pour s’organiser, se mobiliser et lutter.
Les nouveaux géopoliticiens du progressisme s’opposent sur la question des élections du 28J aux titres des grands médias internationaux (CNN, CBS et autres), mais de l’autre côté du trottoir. Ils ne défendent pas les intérêts de María Corina Machado et d’Edmundo González, mais ceux de Maduro et de la nouvelle bourgeoisie, avec le faux axiome que Maduro c’est la classe ouvrière, sans analyser ce qu’ont été les politiques anti-ouvrières et anti-populaires de Maduro. Ils tombent dans le piège du « fétichisme juridique » en limitant leur analyse de la situation aux résultats des élections, mais ils le font également sans critères de classe. La question n’est pas seulement que Maduro et le CNE n’ont pas montré ce quels comptes ils ont fait pour donner la victoire au président lors des élections du 28 juillet, mais comment cette situation affecte la structure des libertés démocratiques concrètes dans lesquelles la classe ouvrière opère et survit.
S’il n’y a pas de transparence et de légitimité dans les élections nationales, où les candidats enregistrés représentaient différentes nuances des programmes bourgeois, il est difficile de penser à restaurer les libertés démocratiques minimales dont la classe ouvrière a besoin pour se défendre contre l’offensive du capital sur son travail (le droit à des salaires décents, le droit de grève, la liberté d’association, la liberté de se mobiliser, d’exprimer des opinions et de s’organiser dans des partis politiques). La classe ouvrière est fondamentalement intéressée par la façon dont la situation après les 28J permet ou restreint, à court terme, les libertés dont elle a besoin pour s’exprimer en tant que classe exploitée. Mais cette contradiction n’entre pas dans la logique et le discours de la nouvelle géopolitique progressiste.
Omissions et silences compromettants
Peu importe à ces « progressistes » que l’organisation syndicale et politique des travailleurs et du peuple ait été réprimée [5], ni que Maduro ait empêché tout secteur à gauche du PSUV de participer aux dernières élections du pays - même au prix de d’infiltrer, de judiciariser et de l’attaque des directions du Mouvement électoral populaire (MEP), du Parti de la Patrie pour Tous (PPT), des Tupamaros et du Parti communiste du Venezuela (PCV) lui-même mis sous intervention ! [6] Les partisans de Maduro omettent de mentionner qu’après le 28 juillet, le gouvernement a intensifié la répression, non plus contre la classe moyenne, mais fondamentalement contre la classe ouvrière, envoyant environ 2 000 jeunes en prison avec le discours de rééducation, ce qui signifie les soumettre à des rituels publics vexatoires de lavage de cerveau.
Ils restent silencieux sur la construction de deux prisons de sécurité maximale pour ceux qui sont pris à protester ou à inciter à protester sur les médias sociaux. Ils ignorent l’emprisonnement de plusieurs politiciens de l’opposition et les menaces directes proférées à la télévision à l’encontre d’autres personnes - comme le ministre du « marteau », Diosdado Cabello [7], l’a fait à l’égard de l’ancien maire de Caracas Juan Barreto, ou de Vladimir Villegas, le frère du ministre de la culture et président d’une commission parlementaire. Si la menace qui pèse sur les personnalités publiques est telle, elle est pire sur les territoires des gens ordinaires qui ne sont pas des figures médiatiques. Récemment, nous avons assisté au déploiement de forces de sécurité en civil pour menacer des activistes - comme cela s’est produit samedi contre Koddy Campos et Leandro Villoria, leaders de la communauté LGBTQI à Caracas. Comme nous l’avons vu les jours suivants dans le traditionnel bastion chaviste du 23 février à Caracas, où les maisons des activistes ont été marquées du X d’Hérode par des agents du gouvernement pour les effrayer contre la possibilité de manifestations.
La gauche géopolitique reste silencieuse sur le nombre de morts après le 28J (plus de 20, selon les estimations des organisations de défense des droits humains et des mouvements sociaux), reprenant à son compte le récit selon lequel il ne s’agirait que de gens de droite. Non seulement c’est faux, mais cela constitue un retour en arrière par rapport aux progrès réalisés en matière de droits au cours des périodes post-dictature dans la région.
Le progressisme géopolitique reproduit le mirage d’un gouvernement populaire qui n’existe plus, effacé par le transformisme et les politiques anti-ouvrières de Maduro. Ils semblent demander à la classe ouvrière vénézuélienne de lutter pour ses droits uniquement dans le cadre permis par Maduro, afin qu’ils puissent nourrir, de l’extérieur, l’utopie qu’ils ne peuvent pas construire dans leur propre pays. Ce progressisme ne voit pas que, tandis que les Maduristes ont des comptes certifiés (payés) sur les réseaux sociaux, le gouvernement censure le contenu des opinions des secteurs populaires (avec des comptes gratuits). Cela ne signifie rien pour eux que le gouvernement ait suspendu les réseaux X et Signal pendant 10 jours (est-ce seulement 10 jours ?) alors que tous les hauts fonctionnaires les maintiennent avec VPN (bloqué pour le peuple).
Qu’en est-il du pétrole ?
Tous les faits graves mentionnés ci-dessus sont considérés par les partisans de la « victoire » de Maduro comme des détails secondaires « démocratico-formels » face au danger d’avoir à nouveau la droite « sordide » au gouvernement vénézuélien. Le raisonnement est aussi dépourvu de critères de classe que de regard élémentaire sur la réalité du pays.
Depuis novembre 2022, dans le cadre de la guerre en Ukraine, le secrétaire américain au Trésor a autorisé Chevron à explorer et à exporter le pétrole vénézuélien, à condition qu’elle ne paie aucun impôt ni aucune redevance au gouvernement vénézuélien, ce qui constitue des conditions néocoloniales qui n’étaient même pas connues des gouvernements antérieurs à Chávez et qui ont été acceptées par Maduro. Depuis lors, le Venezuela est redevenu un fournisseur stable de pétrole pour l’Amérique du Nord. Cela explique la délicatesse des positions de Biden et la longue attente des efforts de la triade progressiste Lula, Petro, AMLO (dont AMLO s’est retiré la semaine dernière).
Il faut être prudent lorsqu’on parle de l’embargo américain sur le Venezuela. Il y a embargo et embargo. Celui qui a touché la nourriture, les médicaments et les pièces détachées des bus et des voitures qui transportaient la population a contribué de manière décisive à l’exode de quatre à cinq millions de travailleurs. Mais le Venezuela a réussi à devenir le sixième fournisseur de pétrole des États-Unis, dépassant des pays comme le Royaume-Uni et le Nigeria [8].
L’enjeu au Venezuela est de savoir quel secteur des classes dirigeantes - qu’il s’agisse de l’ancienne et sordide bourgeoisie oligarchique ou des nouveaux secteurs d’activité liés à l’armée « bolivarienne », enrichis sous Maduro - contrôle le commerce du pétrole. Donc d’une dispute pour savoir qui obtiendra la part du lion des recettes pétrolières. Tous garantiront l’approvisionnement géostratégique en pétrole des puissances capitalistes occidentales et limitera de plus en plus la distribution des revenus pétroliers au peuple - parce que c’est dans la nature des secteurs capitalistes et bourgeois, et parce que la nature d’un État mono-extractiviste, exportateur de fossiles, n’a pas été touchée par le processus bolivarien. Parce que Maduro, malgré sa rhétorique, n’est ni socialiste ni anti-impérialiste. Il est naïf et mal informé d’imaginer un Maduro avec un programme et assez de courage pour affronter les desseins impérialistes de remettre sur le marché mondial le pétrole que le Venezuela peut produire. C’est une énorme erreur, au nom d’une prétendue souveraineté, de fermer les yeux sur la tendance autoritaire croissante du régime Maduro à l’encontre des travailleurs et du peuple mécontents.
Tragiquement, il est également utile pour les maduristes géopolitiques de continuer à croire que le salut du Venezuela vient de ce qui est, en réalité, sa malédiction historique : sa richesse pétrolière. Une chose que même le grand développementaliste brésilien Celso Furtado, sans être socialiste ou écologiste, avait déjà signalée comme un problème majeur pour le pays dans lequel il vivait dans les années 1950.
Y a-t-il une issue ?
Bien sûr, la force acquise par l’opposition de droite, battue dans les urnes à plusieurs reprises par Chávez et une fois par Maduro, et qui a maintenant à sa tête son aile la plus extrême, l’oligarque Maria Corina Machado, est une tragédie. Une tragédie encore plus grande est le fait que cette aile d’extrême droite ait pu gagner ou être très proche de gagner les élections - il n’y a pas d’autre raison à l’insistance de Maduro à nier les résultats et à réprimer si durement le peuple. C’est précisément pour cette raison, parce qu’une solution pacifique est difficile à trouver et qu’il est difficile d’avaler la remise pure et simple du gouvernement à ce secteur, que le moyen d’éviter le « bain de sang » dont les deux parties menacent le Venezuela pourrait être celui indiqué par les gouvernements brésilien et colombien : présentation des résultats, négociations entre les deux parties, en premier lieu avec Maduro lui-même (le groupe des gouvernements refuse de dialoguer et d’examiner les résultats de l’opposition). S’il est possible d’attendre des négociations la garantie des libertés démocratiques minimales, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt de la répression, une large liberté syndicale et politique des partis, il est également possible de négocier des clauses protégeant PDVSA.
Pour l’heure, soutenir la solution négociée proposée par la Colombie et le Brésil - qui bénéficie du soutien du Chili et du rejet, bien sûr, du dictateur Daniel Ortega - est la bonne politique, car elle est beaucoup plus prudente, plus opportune et beaucoup plus favorable aux travailleurs et au peuple du pays. Cette politique s’oppose à un régime de plus en plus autoritaire, qui réprime les jeunes, les syndicalistes et les opposants de gauche, et elle est moins naïve et bureaucratique que la simple validation des irrégularités et de l’arbitraire du gouvernement. D’une part, elle permet de s’opposer à ce que l’extrême droite ne taille en pièces PDVSA et les quelques acquis sociaux qui subsistent. D’autre part, elle ne part pas du principe erroné que Maduro et son entourage militaire bureaucratique-bourgeois garantiront la « souveraineté » vénézuélienne sur quoi que ce soit.
Souveraineté nationale et souveraineté populaire
Le progressisme latino-américain, comme le tiers-mondisme et la gauche stalinienne, utilise le terme de souveraineté en amalgamant deux significations différentes : la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. Bien entendu, la souveraineté nationale est généralement une condition du plein exercice de la souveraineté populaire. Le problème est que les régimes (et les mouvements d’opinion) les plus divers, progressistes ou régressifs, s’approprient la défense de la souveraineté nationale face à la pression du marché mondial et de l’impérialisme.
La souveraineté nationale a été au centre des mouvements anticoloniaux et d’indépendance nationale, ainsi que des populismes de développement national du 20e siècle. Mais elle est au cœur de la défense des dictatures militaires (comme celles du cône sud de l’Amérique latine dans les années 1960), des dictatures théocratiques (comme l’Iran), des bureaucraties d’État et, comme nous le voyons avec Modi et Trump, des gouvernements d’extrême droite. Oui, la défense de la souveraineté nationale et même les confrontations avec l’impérialisme peuvent être menées sous des régimes très régressifs. Pour nous, la défense de la souveraineté nationale a du sens en lien avec la défense de la souveraineté populaire, l’auto-organisation démocratique des masses, la conquête des libertés et des droits qui renforcent le bloc historique des classes populaires, qui peuvent construire des alternatives au capitalisme mondial et aux impérialismes qui le structurent.
De même, après les expériences staliniennes du 20e siècle, nous ne pouvons pas identifier mécaniquement les peuples avec leurs dirigeants politiques, qui les représentent ou non, dans une relation toujours dynamique. Lorsque cette relation se rompt - comme elle s’est rompue ou se rompt au Venezuela - les libertés démocratiques deviennent un point d’appui fondamental pour toute lutte pour la souveraineté, qu’elle soit populaire ou, accessoirement, nationale. Par conséquent, il n’y aura pas de forces pour garantir la souveraineté du Venezuela sur son territoire et ses richesses sans la récupération de la souveraineté populaire.
La démocratie n’est-elle pas importante ?
Les régimes de démocratie bourgeoise ne sont pas les régimes auquel nous, socialistes, aspirons stratégiquement : nous rêvons et luttons pour construire des organisations démocratiques de base, démocratie directe, pouvoir populaire - comme embryons d’une forme nouvelle et plus vitale de démocratie, exercée par les travailleurs et les secteurs populaires - dans les processus de l’offensive révolutionnaire. Mais la démocratie formelle est-elle si méprisable que nous n’accordons aucune importance à des élections, de l’éducation aux résultats truqués ?
Dans un monde de plus en plus menacé par une constellation de forces d’extrême droite, la lutte est et sera encore longtemps pour la défense des libertés et des droits démocratiques, voire des institutions des régimes démocratiques bourgeois contre les assauts de l’extrême droite - comme nous en avons déjà fait l’expérience avec Trump, Bolsonaro, Erdogan, Orbán, etc. Qu’en est-il d’une gauche qui méprise la démocratie au point de cautionner la manipulation des élections pour les peuples et les travailleurs du monde et dans les pays (de plus en plus nombreux) où la lutte contre l’extrême droite est vitale ?
Ils seront, d’un point de vue stratégique, dans le nécessaire processus de construction politique, théorique et pratique d’une nouvelle utopie anticapitaliste - capable de séduire à nouveau de larges couches de jeunes, de femmes et de ceux qui vivent de leur travail – très mal placés les secteurs qui se disent de gauche et qui cautionnent des régimes répressifs. Une nouvelle gauche anticapitaliste de masse doit être démocratique, indépendante et se confronter aux « modèles » autoritaires, sinon elle n’existera pas.
Mais il reste une question qui devrait être la plus importante pour tout militant et toute organisation socialiste en Amérique latine et dans le monde : comment répondrons-nous aux attentes des travailleurs, du peuple et de ce qui reste de la gauche non bureaucratique au Venezuela ? Les secteurs à gauche du PSUV, ou les critiques occultes au sein du PSUV lui-même, aujourd’hui fragmentés, persécutés, certains emprisonnés, beaucoup en pleine activité contre la dictature, seront-ils abandonnés à leur sort ? [9] Pour notre part, soutenir leurs luttes, encourager leur unité pour résister, les aider à survivre et à respirer est la tâche internationaliste prioritaire. Tout ce qui ne les prend pas en compte relève peut-être de la géopolitique, mais pas de l’internationalisme d’en bas. Après tout, la seule garantie stratégique d’un Venezuela souverain, de meilleures conditions de vie et de travail, d’une réorganisation et d’un pouvoir populaire à moyen terme, est entre les mains des sujets sociaux et politiques qui ont été les protagonistes des années d’or du processus bolivarien et non entre les mains des fossoyeurs du processus.
Ana C. Carvalhaes
Luis Bonilla
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