En ce cinquantième anniversaire d’Inprecor vous prenez en main sa 788e parution [2] ! Il a d’abord paru tous les 15 jours, en quatre langues [3], puis mensuellement depuis février 1993. Il devait « combler un vide dans la presse du mouvement trotskyste » et « contribuer à construire l’Internationale révolutionnaire, pour replacer [l’] action dans son contexte mondial, pour renforcer les liens politiques entre les militants des divers pays. » [4]. Quinze ans plus tard, Ernest Mandel expliquait : « Nous avons fondé Inprecor – et sa version anglaise International Viewpoint – dans l’idée qu’il fallait un instrument d’analyse politique pour influencer des couches plus larges d’avant-garde et pour construire notre propre organisation » [5].
Revue militante, résolument engagée aux côtés de tous les exploité·es et opprimé·es du monde, Inprecor se donnait pour but d’aider à le comprendre dans sa complexité, sa diversité, ses spécificités nationales, régionales, historique, etc.
C’est pourquoi depuis ses débuts il a eu la volonté d’apporter à ses lectrices et lecteurs avant tout des faits, des informations de première main et des éléments d’analyse, plutôt que des réponses idéologiques toutes faites. Pour ce faire, nous n’avons jamais hésité à ouvrir les colonnes de notre revue à d’autres organisations et à des militant·es engagé·es dans les luttes, même lorsque leurs opinions divergent des nôtres. Bref, ne pas nous limiter à faire connaître les actions et les positions des organisations de la IVe Internationale, mais faire vivre l’analyse critique en dépassant les frontières linguistiques et organisationnelles. Toujours dans le but d’unifier les organisations internationalistes révolutionnaires indépendantes créées par la « génération 68 » qui fusionnait avec les noyaux marxistes-révolutionnaires ayant réussi à tenir dans une période d’hégémonie stalinienne et social-démocrate, puis à se redévelopper en soutenant les luttes anticoloniales dès les années 1950 et au cours de la montée révolutionnaire des années 1960.
Le lancement d’Inprecor a eu lieu alors que « la IVe Internationale et l’ensemble du mouvement marxiste révolutionnaire étaient encore dans la foulée des progrès importants réalisés après Mai 68 » [6]. La revue tentait de poursuivre l’unification des « trois secteurs de la révolution mondiale » symbolisée par l’année 1968 : tournant dans la guerre du Vietnam avec l’offensive du nouvel an lunaire du FLN, les mobilisations étudiantes en Pologne en mars 1968 et le Printemps de Prague en Tchécoslovaquie, le mouvement anti-guerre aux États-Unis et finalement la grève générale de Mai 68 en France, suivie de mobilisations massives en Italie et dans toute l’Europe… Bien que ces mobilisations n’aient pas réussi à résoudre « la question du pouvoir », elles ont ouvert pour près d’une décennie une période de luttes de masses et ont affaibli le partage du monde établi à Yalta en 1945 entre les impérialismes victorieux dans la Seconde Guerre mondiale.
Avec le retournement de la situation mondiale et l’affaiblissement du mouvement ouvrier à la suite de la banqueroute historique du stalinisme et de la social-démocratie, la diffusion d’Inprecor a cessé de croitre, puis a diminué. Pourtant, la revue a réussi à continuer, même si en 1993 elle a dû devenir mensuelle et a vu son équipe de rédaction être réduite. Nous avons été capables de parler des questions que d’autres publications internationales ignoraient [7], de publier des analyses marxistes novatrices [8], de faire connaître en langue française des analyses rédigées dans une autre langue. Le tout toujours dans le but de « renforcer les liens politiques entre les militants des divers pays ».
Alors, pour continuer, on ne peut que reprendre la conclusion de l’éditorial du n° 0 : « Inprecor, vu son mode de diffusion internationale, ne pourra vivre durablement que si un nombre suffisant d’abonnements sont souscrits. Que les lectrices et lecteurs qui ne l’ont déjà fait s’abonnent donc vite » !
JAN MALEWSKI