Dans son annonce hier (mardi) sur l’échec des négociations de cessez-le-feu avec le Hamas, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a parlé de « notre sécurité et de nos atouts stratégiques » - le contrôle de l’axe de Philadelphie et de l’axe de Netzarim qu’Israël perdra s’il accepte le accord sur la table. Le discours public en Israël se concentre sur les personnes enlevées et leur sort, mais Netanyahu les considère comme une nuisance médiatique, une contre-mesure entre les mains de ses opposants politiques et une diversion de l’objectif : une occupation prolongée de la bande de Gaza, ou comme il l’a déclaré à plusieurs reprises depuis le début de la guerre, le « contrôle de sécurité israélien ».
Le contrôle de l’axe de Philadelphie et du « corridor de sécurité » le long de la frontière permet à Israël d’encercler la bande de Gaza de ses trois frontières continentales et de l’isoler de l’Egypte. Le contrôle de l’axe de Netzarim divise de facto le territoire entre le nord de Gaza – où restent peu de résidents palestiniens, avec des maisons et des infrastructures détruites – et le sud de Gaza, qui regorge de réfugiés venus de toute la bande.
En pratique, un arrangement à long terme pour le « jour d’après » prend ici forme. Israël contrôlera le nord de Gaza et expulsera les 300 000 Palestiniens qui s’y trouvent encore. Le général de division Giora Eiland, l’idéologue de la guerre, suggère de les faire mourir de faim ou de les envoyer en exil, comme levier pour soumettre le Hamas. La droite israélienne convoite la zone de colonisation juive, avec l’énorme potentiel immobilier d’une topographie favorable, d’une vue sur la mer et de la proximité de Gush Dan [3]. C’est ce qui ressort de l’expérience des 57 années d’occupation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. C’est un long processus qui demande beaucoup de patience et de manœuvrabilité diplomatique. Une grande ville juive ne se construira pas demain. A Gaza, ils progresseront dunam [= 1000 mètres carrés] par dunam, caravane par caravane, avant-poste par avant-poste, comme à Hébron, Elon Moreh et Havat Gilead.
Le sud de Gaza sera laissé au Hamas, et celui-ci devra s’occuper des habitants démunis, emprisonnés sous le siège israélien, même après que la communauté internationale se soit désintéressée de cette histoire et soit passée à d’autres crises. Netanyahu estime probablement qu’après les élections américaines, l’influence des manifestants pro-palestiniens sur la politique américaine diminuera, même si Kamala Harris gagne. Certes, si Donald Trump renverse la situation et revient à la Maison Blanche, Netanyahu s’attend à ce qu’il ait une victoire. Dans les deux scénarios, l’Amérique et ses avions sont censés dissuader l’Iran d’une détérioration totale ou s’impliquer dans une guerre pour sauver Israël.
Il ne doit y avoir aucune confusion : l’occupation est l’objectif pour lequel Netanyahu se bat, même au prix de la mort des personnes enlevées encore en vie, et face au risque d’une guerre régionale. Les échafaudages qui maintiennent son pouvoir, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, resteront à leur place aussi longtemps qu’il luttera, en paroles et en actes, pour une occupation permanente et une annexion rampante de la bande de Gaza. Lors de la réunion du cabinet de cette semaine, Netanyahu est revenu à son slogan électoral de 1996 contre les accords d’Oslo, « des négociations et non des concessions » – ou en hébreu, les territoires occupés ne seront pas restitués, même sous la pression internationale ; et dans le contexte actuel, même face aux cris au secours des personnes enlevées et leurs familles. C’est le but de sa guerre.
Aluf Benn