La France conditionne cette vente à un engagement de la Serbie de normaliser ses relations avec le Kosovo et de mettre en œuvre l’accord d’Ohrid. Un engagement peu convaincant, alors que la Serbie n’a jamais agi de manière sérieuse pour améliorer sa relation avec le Kosovo. Une telle vente menacerait au contraire gravement la paix et la stabilité de l’Europe du Sud-Est.
Le Président nationaliste serbe, Aleksandar Vučić, en plus d’être un soutien du régime de Vladimir Poutine, est surtout un partisan de Milorad Dodik, le Président ultra-nationaliste de la république serbe de Bosnie (Republika Srpska, entité de la Bosnie-Herzégovine). Négationniste du génocide de Srebrenica, visé par des sanctions internationales et mis en examen en Bosnie pour avoir outrepassé ses pouvoirs, ce dernier menace de réactiver une guerre civile inter-ethnique à travers une sécession de l’entité serbe du reste du pays, avec le soutien de la Serbie de Vučić. Dans ce contexte, la livraison d’armes françaises, et en particulier des avions Rafale, constituerait un sérieux risque pour le fragile équilibre des pays des Balkans et pourrait aboutir au retour de la violence dans la région.
Les arguments économiques et stratégiques ne peuvent justifier, à eux seuls, la signature d’un contrat d’une telle importance, compte tenu du risque élevé de déstabilisation dans la région que cette vente comporte.
Par ailleurs, la visite d’E. Macron intervient alors que, depuis un mois, les citoyens serbes protestent massivement contre un projet controversé et très polluant de mine de lithium. À la suite d’un accord conclu avec l’Union européenne pour développer l’approvisionnement de l’Europe en matières premières destinées aux batteries, la Serbie a en effet relancé le projet de mine de Jadar, attribué à l’entreprise anglo-australienne Rio Tinto - et l’Allemagne envisage de son côté des investissements massifs dans le lithium serbe. La vigilance est donc de mise : face au risque de propagation d’un sentiment anti-européen, il convient de réévaluer démocratiquement les modalités de ce projet pour garantir son éthique plutôt que compter sur une visite diplomatique aux finalités incertaines.
Dans ces conditions, Les Écologistes :
• Demandent la suspension des négociations sur cette vente de Rafale, la fin du soutien serbe aux velléités sécessionnistes de la Republika Srpska et la clarification par la Serbie de sa position vis-à-vis de la Russie.
• Rappellent leur opposition aux exportations d’armes vers les régimes autoritaires, les dictatures, les états menaçant l’intégrité territoriale d’autres États et les auteurs de violations des droits humains.
• Rappellent également leur attachement à la stabilité en Bosnie-Herzégovine et aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
• Rappellent que tout État candidat à l’adhésion à l’Union européenne doit respecter le droit international, la démocratie, l’état de droit, assurer le respect et la protection des minorités, ainsi que les acquis communautaires en matière environnementale.
• Appellent à une véritable transparence et à la mise en place d’un contrôle effectif et durable des exportations d’armements, notamment au niveau parlementaire.
Sophie Bussière et Aminata Niakaté, porte-paroles nationales des Écologistes-EÉLV
Photo : Alan Wilson, CC BY-SA 2.0 via Wikimedia Commons